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Je savais qu'elle me trouvait beau à l'époque et souhaitait me parader comme un joueur de hockey paraderait sa mannequin d'amoureuse. Je serais son "Ken" (elle n'a en revanche, Dieu merci, rien d'une Barbie ayant la poitrine modeste et étant brune, la plus belle sur terre!).
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Première connerie, je ne pouvais m'habiller comme je le souhaitais.
"Ben là, je vais être avec des collègues!"
"...et...?"
"Ben tu peux pas t'habiller de même! Tu vas avoir l'air d'un artiste!"
"Mais...je suis un artiste..." (Enfin...j'étais scénariste/recherchiste/acteur à l'époque)
Et je mettais un deuxième genou au sol, en rendant les armes à nouveau et en prenant le costume affreux qu'elle me tendait. Un costume de caissier de la banque, genre.
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C'était donc dans l'inconfort, mais au moins avec un cheveu fou* qui évoquerait la vraie nature de mon être, que je conduirais dans la neige jusqu'à ce sous-sol où deux salles, côte-à-côtes allaient tenir leur party de Noël en même temps. La prestigieuse banque de l'amoureuse et un bureau quelconque. J'ai bien vu que je faisais l'effet souhaitée par l'amoureuse, beaucoup plus jeune que la plupart des conjoints, j'étais matière à Cougar.
Nous étions réunis autour d'une table ronde, une vingtaine de tables comme ça, regroupées par titre et par succursale, et comme prévu, les conjoints, (un seul employé mâle au bureau de l'amoureuse, donc une seule conjointe) avaient moins-que-peu en commun. Plus on se parlait, plus vite les ponts étaient coupés.
Le rouge qui a coloré le visage de sa conjointe qui a aussitôt regardé son patron afin de voir si il avait entendu ça (oui, il avait entendu et était rouge aussi) était de calibre vin rouge. Elle a mitraillé son chum du regard.
"T'aime pas ton poste, Corinne?" lui avait demandé son patron sans lever le nez de son assiette.
"Ben oui! I' dit n'importe quoi! C'est lui qui aime pas que je travailles trop tard les jeudis soirs!"
Le malaise était toutefois bien installé. Je n'aurais pu faire pire et pourtant...Un des concepts de la soirée était de foncer entre les services vers la piste au son d'un air connu et de danser comme des mongols. Comme nous étions (sur une douzaine) au moins 8 à ne se considérer ni danseur, ni mongol, nous restions tous assis, au grand dam de nos amoureuses qui étaient déçues de nous voir immobiles à table tandis qu'elles faisaient le Y.M.C.A ou encore la Danse des Canards sur la piste de danse toutes les 25 minutes.
Comme des employés de banque ont toujours besoin de stimulation afin de ne pas plonger dans les médisances du bureau, il y avait toute sorte de jeu d'organisés et l'un d'eux était un quizz sur la musique et le cinéma. La table qui répondrait au plus haut total de bonnes réponses, se mériterait un prix. Le bon titre de chanson/le bon film/ l'artiste qui chante. 10 questions/ 30 pts.
"MON CHUM TRAVAILLE DANS LE CINÉMA! IL EN EST DIPLÔMÉ ET IL CONNAIT TRÈS BIEN LA MUSIQUE, IL A AUSSI TRAVAILLÉ LÀ-DEDANS!"
(...)
venait-elle de clamer mon amour?
Oui. Oui, me disaient tous ces regards maintenant tournés vers moi.
"Moi aussi j'écoute beaucoup de films pis j'suis bonne..." a dit une rousse un peu boulotte que j'imaginais bien manger ses chips tous les vendredis avec son Pepsi et sa crème glacée devant Super Écran. Je n'avais jamais dit que j'étais bon mais m'étais aussi privé de le spécifier. Et c'était probablement parce que JUSTEMENT j'avais étudié en Cinéma que JAMAIS je n'aurais trouvé les chansons diffusés dans les films Before Sunrise, Armaggedon ou There's Something About Mary.
Par la suite, les silences ont été plus lourds à porter à table. Quelques fois souhaités. Pendant que les filles dansaient, que les fumeurs fumaient et que nous étions assis en silence, on se penchait maintenant sur moi pour demander:
"T'as tu vraiment étudié en cinéma?"
"Ben oui"
"Tu savais pas les réponses..."
"..."
"T'es as eues toutes mal"
"...Tu me niaises tu?"
L'amoureuse était aussi gênée de son propre comportement, grisé par l'alcool, et se tenait loin de moi, rappel de son échec, notre échec, social.
Vissé à ma chaise pendant qu'on imitait Travolta sur le dance floor, je n'aidais en rien ma cause.
Vous dire que la soirée à été loooooooooooooooooooongue est un euphémisme. Plus elle avançait, plus les "non-participants" ne faisaient plus l'effort, déjà mou, de tenter de se communiquer quoi que ce soit. Le peu qu'on avait échangé n'avait que creusé davantage le fossé de ce qui nous différenciait.
Et l'amoureuse ne se donne plus la peine de m'inviter à ce type de soirée.
"Garder les enfants", même si ce sont aussi les miens, et qu'ils sont assez grands pour se garder tout seul semble toujours une excuse acceptable aujourd'hui.
Ken a pris sa retraite autour de 1998.
Accoté sur un calorifère en hiver à Terrebonne, il a fondu.
Et c'est tant mieux.
Du plastique fondu, ça pue.
*Ce qui n'empêchera en rien l'amoureuse de jouer continuellement dans mes cheveux "pour me les replacer" et presque provoquer trois accidents en voiture car chaque fois j'ai "ducké" pour éviter sa main, faisant bifurquer la voiture comme un ivrogne