Héroïne d'une « histoire responsive », Élise apparaît fillette sur les smartphones, ado sur tablette et adulte sur écran de bureau. Bien vu !
Élise, une histoire responsive est une narration interactive et responsive conçue par Cécile Habran, jeune graphiste et illustratrice indépendante. La narration se déroule en fonction des différentes largeurs d'écran, invitant l'internaute à étirer ou réduire sa fenêtre de navigation pour découvrir les indices cachés dans chaque scène.
Adéquation au support
Nombreux sont les graphistes déstabilisés par ce média, somme toute encore très nouveau, qu'est le web. Tandis que ceux-là souffrent de ses caractéristiques, perçues comme autant de contraintes brimant leur créativité, Cécile Habran kiffe le web, « moins limité que le papier » avec ses pages sans fin, élastiques, etc. Pour elle « une page web, c'est un peu comme un livre illustré, avec plus de texte et moins d'image. » Elle a donc travaillé la narration de façon non linéaire, interactive, et l'illustration de façon étirable, adaptative, usant d'hyperliens et de visuels SVG, jouant avec le responsive.
Au delà ce l'effet épatant — Wah, ce boulot dingue ! Wah, le joli graphisme ! —, ce qui est ici intéressant, c'est la pertinence de l'approche. Cette histoire responsive est l'aboutissement d'une véritable réflexion sur le support et ses spécificités, bref une vraie démarche plasticienne, comme je rêvais, depuis des années, d'en voir une sur le web. Bravo !
Du print au web, en codant
Comme de nombreux autres, Cécile Habran a reçu un enseignement classique, en arts graphiques, orienté print. Elle a étudié à Saint Luc, une école d'arts renommée, en Belgique, spécialisée en illustration et bande dessinée. Non contente de cette formation où l'on ne touchait pas un ordinateur, elle a complété par un post-diplôme en infographie où, curieuse du web, elle s'y est aventuré sans œillères, allant à la rencontre du support, s'y confrontant, expérimentant…
C'est de sa réflexion, en confrontation au support, qu'est née « Élise, une histoire responsive », projet de fin d'études en « design web et multimédia » à l'ESIAJ, que Cécile a réalisé entièrement, dans tous ses aspects techniques, sans craindre mettre les mains dans le cambouis, c'est-à-dire en apprenant à coder. Comme le peintre qui, face à un tronc d'arbre, lâche ses pinceaux pour apprendre à manier le ciseau à bois.
S'entraider au lieu de se détester
Cécile a présenté son parcours à SudWeb 2014 : Comment en arrive-t'on au web quand on est illustratrice ? Comment mieux faire du papier grâce au web ? Bref, comment deux disciplines opposées se nourrissent au lieu de se détester ?
Après avoir exposé sa démarche, du print au web, où elle fait le pas d'aller vers le code, les développeurs, séduits, faisaient le pas réciproque d'entrer dans ce projet pour filer un coup de main, prenant soin d'en comprendre les scénarios d'usage et les choix graphiques, pour y répondre au mieux, sous la forme d'une revue de code collaborative, improvisée dès le lendemain : Noëlie Andrieu commentant le JS, Kaelig Deloumeau-Prigent le CSS et David Bruant notant les retours, ouvrant des tickets sur le dépôt github.
J'ai eu un coup de cœur pour ce projet, plus précisément pour la démarche de Cécile, une claque de fraîcheur et d'intelligence créative, pour sa prise de position et j'ai été positivement émue par les échanges qui s'en sont suivit, dans une belle réciprocité.
Voir en ligne : http://cecile-habran.be/tfe/
Voir aussi : Please resize me !