Dans la lignée de Diane Brasseur l'auteur de l'excellent Les Fidélités ( qui m'a d'ailleurs envoyé un mot très gentil suite à ce billet en question), nos romancières françaises ont fait fort en ce début 2014 avec plusieurs romans allant sur des sujets souvent ambitieux voire audacieux...
Voici une revue de 3 romans de ces romans, avant qu'on vous reparle très prochainement d'un autre roman prouvant la bonne vitalité de nos écrivaines hexagonales :
1. Voir du pays, Delphine Coulin ( Grasset)
L'histoire ( 4ème de couverture):Deux filles, Aurore et Marine, reviennent d'Afghanistan. Elles y ont vécu six mois de tension, d'horreur, de peur. Elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, pour ce que l'armée appelle un « sas de décompression », où on va leur réapprendre à vivre normalement, à oublier la guerre, à coup de séances de débriefing collectif et cours d'aquagym, de soirées arrosées et de visites de sites archéologiques de la vieille Europe. Dans un décor de filles en maillots et de fêtes sur la plage, Aurore et Marine vont s'apercevoir qu'elles n'ont peut-être plus rien à perdre, et aller jusqu'au bout de la violence.
Ce que j'en pense :
Je ne suis pas généralement fana des livres de guerre, mais celui ci, vaut assurément le coup d'oeil presque autant que l'excellent Yellow Birds sorti quasiement en meme temps. La particularité de ce roman de Delphine Coulin c'est qu'on y voit des soldats filles, ce qui nous change des militaires masculins. Ces soldates que l'armée fait semblant de considérer comme des hommes.Voici un récit à la fois touchant et sec à la fois sur ces deux jeunes femmes abimées moralement et physiquement par la guerre d'Afghanistan. Un récit plein de réalisme, et une belle réflexion sur l'amitié pour une voix singulière dans la littérature francaise et une auteur quadragénaire que je ne connaissais pas et qui donne envie de s'interesser à ses oeuvres futures.2. Mai 67; Colombe Schneck ( Robert Laffont)L'histoire ( 4ème de couverture) :
Comment peut-on aimer quand le monde entier vous désire ?
De Paris à Rome à la fin des années 60, une histoire aussi brève que solaire entre « Bri », la plus belle fille du monde, l'une des plus célèbres aussi, et un jeune homme dont elle aura été le professeur d'amour.
Ce que Michel en pense : 67, année érotique, les Beatles chantent « All you need is love… », le député Lucien Neuwirth présente à l’assemblé nationale une proposition de loi autorisant la pilule contraceptive, les jupes raccourcissent et les jambes s’allongent, s’allongent…. Mai 67, Rome, Cinecita, F. est assistant costumier sur « William Wilson » le sketch réalisé par Louis Malle tiré des « Histoires extraordinaires » d’Edgar Poe. Delon regarde ailleurs, F. regarde Malle regarder Bardot qui regarde F. La plus belle femme du monde de l’an 67 va tomber amoureuse de F. petit assistant, vague cousin des personnages des films de Truffaut, Rohmer ou Eustache. Leur histoire durera trois mois et trente ans après F. se souvient.
Colombe Schneck nous invite dans un roman fiction avec « people ».Belle idée de nous raconter l’espoir et la liberté qui imprégnaient les années soixante et qui mieux que Bardot pour les incarner ? 190 000 chômeurs, une croissance que l’on pensait inarrêtable, le train de la modernité traverse la France, pensez donc, la Télé en couleur arrive dans les foyers les plus aisés. En picorant dans la véritable biographie de B.B, l’auteur nous embarque dans un délicat voyage, et pose un regard tendre et amusé sur ces années enchantées. Colombe Schneck réinvente le roman « nouvelle vague » en observant une France qui arrive à l’air libre.
3. La blancheur qu'on croyait éternelle, Virginie Carton ( Stock)
L'histoire (4ème de couverture) :
Mathilde aimerait bien devenir chocolatière mais elle est trop diplômée pour ça. Elle ne sort pas beaucoup et n’aime pas se déguiser. Ce qu’elle préfère, c’est regarder le concours de Miss France à la télé en mangeant des palets bretons trempés dans du lait. Quand elle avait sept ans, Mathilde a été traumatisée par la mort de Romy Schneider. À trente-quatre ans, elle pense encore à Julien, et Éléonore, sa meilleure amie, est décidée à lui trouver un bon parti.
Lucien est pédiatre, il aime les films avec Jean-Louis Trintignant, et Deauville. Il n’aime pas tellement danser. Ça remonte à son enfance, à l’époque des premières boums ratées. Chaque année, au Nouvel An, il envoie une carte de voeux à ses parents. À trente-cinq ans, il est célibataire. Il aimerait bien que ça change. Mais il n’est pas très à l’aise avec les SMS, alors c’est pas gagné.
Mathilde et Lucien habitent le même immeuble mais ne le savent pas.
Un jour, le nouveau voisin les invite à sa soirée déguisée. La Blancheur qu’on croyait éternelle est l’histoire de deux solitudes, deux sentimentaux perdus dans un monde plus vraiment sentimental.
Le postulat de départ de ce récit est ensuite vraiment séduisant , cette idée selon laquelle on cherche parfois un amour qui est juste sous ses yeux. Le livre comporte pas mal d'idées plutot ingénieuse, et on s'attache peu à peu, malgré quelques maladresses de styles à ces ces deux êtres un peu inadaptés dans lesquels les gens qui doutent pourront se reconnaitre, allaient finir par se trouver. Un livre pas inoubliable mais assurément touchant 4. Standard, Nina Bouraoui ( Flammarion) L'histoire (4ème de couverture) : Bruno Kerjen avait la certitude que « le monde réel était fait d'hommes et de femmes à son image, qui pouvaient être remplacés sans que personne remarque la différence de l'un, l'absence de l'autre ». Employé d'une entreprise de composants électroniques, cet homme de 35 ans n'attendait rien de la vie. À l'occasion d'un week-end passé chez sa mère près de Saint-Malo, il recroise Marlène. La toxique Marlène de ses années de lycée. Bruno Kerjen, qui s'était comme protégé jusque-là d'éprouver tout sentiment, a désormais un rêve : Marlène. Portrait d'un antihéros de notre temps, d'un homme sans qualités replié sur lui-même, mû uniquement par la peur, Standard est aussi un roman tragique : un homme va chuter, inéluctablement et sous nos yeux, parce qu'il s'est décidé à aimer. Ce que j'en pense : Contrairement aux autres romancières ci dessous, je connaissais un peu l'univers de Nina Bouraoui, pour avoir lu deux ou trois autres de ses romans, souvent salués par la presse. Hélas, je n'étais pas fan de son univers très proche de l'autofiction, que je trouvais souvent assez plat et désincarné. Ici, dans ce Standart, paru en janvier 2014, la romancière sort de ses terrains balisés en prenant pour personnage principal un personnage a priori loin d'elle, en la personne d'un célibataire de 35 ans assez désabusé et nihiliste, qu'on penserait plus trouver dans les romans de Houellebecq avec une vision tout aussi pessimisme et sans la moindre illusion sur nos société modernes. Il y a un peu moins d'humour que chez Houellebecq( si si j'assume), mais le regard est aussi sombre et aussi juste la société. Et si ce Bruno Kerjen parait aussi peu sympathique au départ qu'un personnage houelbecquien, Bouraoui arrive à nous faire ressentir un peu d'empathie pour lui, pour ne pas dire de dire de la sympathie. Car "Standart" mine de rien est aussi le récit d’un homme qui, bien que blasé et revenu de tout, aimerait quand même croire aux miracles de l'amour et comme chez Bouraoui- comme chez Michel H- les happy end ne sont pas de mise- va voir son rêve se briser face aux chimères, conférant à l'ensemble une vraie mélancolie faisant de ce "Standart" une belle réussite.