Traité transatlantique: un sondage fait-il le printemps?

Publié le 21 mai 2014 par Jean-Emmanuel Ducoin
Les citoyens restent ultra-lucides dès qu’il s’agit des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’UE.
Bornons-nous à prendre l’empreinte du paysage, ce qui a l’avantage au moins de nous donner de la hauteur. À cinq jours des européennes, alors que le climat paraît plutôt «mauvais» pour la démocratie française comme pour une grande partie du continent, les résultats d’un sondage nous arrivent comme une bénédiction, au moins pour ce qu’il nous laisse espérer – ce qui est déjà énorme. Selon l’institut CSA, non seulement les citoyens restent ultra-lucides dès qu’il s’agit des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’UE, mais, pour ceux qui connaissent les enjeux du maudit traité transatlantique, ils se montrent carrément inquiets et réticents à l’idée que le libre-échange généralisé ne se transforme encore un peu plus en domination sans partage du grand capital sur les êtres humains et l’environnement. Notons au passage, sans surprise, que ce sont les sympathisants du Front de gauche qui connaissent le mieux les dangers du fameux TTIP, ce sont d’ailleurs les mêmes qui le contestent le plus. L’Humanité n’y est pas pour rien. Nous sentons même, à l’instar du traité constitutionnel de 2005, qu’un mouvement citoyen d’ampleur peut naître dans les semaines qui viennent. Tôt ou tard, les peuples devront s’exprimer directement pour contrer la main invisible du marché, qui a déjà provoqué tant de ravages, et pour éviter qu’elle ne bride définitivement le droit des parlements. Imaginez par exemple ce que constituerait l’instauration d’une justice privée qui pourrait empêcher, à la demande des grandes entreprises, les États de fixer leurs priorités politiques…
Alors, ce sondage fait-il le printemps ? Certainement pas. Mais comment ne pas s’en réjouir, à défaut de s’enthousiasmer ? Car l’élection de dimanche, dont on nous dit qu’elle est déjà scellée, est une étape primordiale pour « bloquer le missile transatlantique », comme le dit Patrick Le Hyaric, tête de liste du Front de gauche en Île-de-France. Et contester l’hégémonie de la finance en Europe.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 21 mai 2014.]