Une nouvelle loi sur la famille est discutée. Ce prurit législatif est idiot. Il suffit d’appliquer la loi du 4 mars 2002 qui stipulait déjà que le couple parental doit toujours se maintenir au-delà du couple conjugal.
Rester des parents qui éduquent leurs enfants
Dans un livre que j’ai écris avec Marlies Gaillard, nous faisions un état des lieux de la famille recomposée en France en 2002. Le texte a finalement toujours sa pertinence (je vous invite à l’acheter !!!). Il s’agissait de mieux comprendre la famille recomposée dans sa structure et d’apporter une sorte de vade-mecum aux parents, au regard de la toute nouvelle loi du 4 mars 2002 qui venait d’être promulguée.
Cette loi, portée à l’époque par Ségolène Royal, s’appuyait sur deux rapports d’experts :
- Celui de la sociologue Irène Théry : « Couple, filiation et parenté aujourd’hui » (1998)
- Celui de Françoise Dekeweur-Defossez, professeur de droit à l’université de Lille II : « Propositions pour un droit adapté aux aspirations de notre temps » (1999).
Et ce texte toujours en vigueur énonce à peu prêt tout ce que reprend la loi actuelle. A ceci près que la résidence alternée (et non la « garde », car on garde seulement les bêtes, pas les enfants) était inscrite dans la loi. Favorisée mais pas systématique : pourquoi ? Parce que cette alternance commençait alors à se pratiquer. Psys et acteurs sociaux estimaient manquer de recul sur cette question, au nom de l’intérêt de l’enfant.
L’exemple d’un déménagement éventuel
La loi de 2002 stipule : « Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent ».
Ce n’est pas si éloigné du texte présenté aujourd’hui, sinon que la loi laissait un peu de liberté de manœuvre, encadrée par le juge pour les excès.
Mais quoi ? Imaginons un(e) cadre de la région de Toulouse à qui on vient d’annoncer la fermeture de l’usine de son entreprise pour rassembler les activités de la marque dans une usine à Lyon, (un cas relaté par nos journaux). Que faudra-t-il faire ? Passer au chômage pour rester dans la région de ses enfants ou trouver une nouvelle organisation familiale, vu la contrainte évidente ?
La différence entre les deux textes
La grande différence entre les deux textes tient à la rigidification des relations dans la nouvelle donne. Et c’est exactement ce que voulait éviter la loi de 2002 : la judiciarisation de la famille. La loi, en complément de l’extrait cité ci-dessus, entendait promouvoir la médiation familiale si méprisée dans notre pays alors qu’elle est quasi systématique ailleurs. Seulement voilà : la médiation, c’est du travail sur soi-même, l’écoute de l’autre – malgré tout. C’est long et demande de faire peu à peu le deuil de ses haines et de ses ressentiments. Apaiser les dernières braises du couple pour construire l’avenir de l’enfant. Pas facile.
Bref, ce nouveau cran pour une judiciarisation de la famille ne comporte rien de bon. Apprendre la gestion des conflits, promouvoir la co-création d’un nouvel ordre dans sa parentalité responsable, comprendre que se faire la guerre après un divorce, c’est presqu’inconsciemment ne pas (pouvoir) se passer de l’autre… et imposer un univers incompréhensible et stressant aux enfants…
Quand on a le courage de ce travail, les conflits autour des horaires, de la gestion de l’école, du rôle du beau parent ont des chances peu à peu de se dissoudre et de s’apaiser. Alors que dans l’autre sens, il n’y a aucune opportunité de parvenir à autre chose qu’à une paix armée ou à une guerre désarmée. Pour une fois, c’est au choix !
A lire :
Anne Leguy , Marlies Gaillard, « Vivre en famille recomposée », Vuibert, 2002.
Robert Neuburger, Mythe familial et nouveaux couples, Odile Jacob
(Robert Neuburger est psychiatre, psychanalyste, thérapeute de couple et de famille à Paris).