L’Europe et le Traité transatlantique

Publié le 21 mai 2014 par Sylvainrakotoarison

Beau sujet de polémique, propice à la démagogie électorale et à la grande désinformation. Avant de décrier, revenir sur les fondamentaux… et sur l’information fiable.

Le cinquième round des négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP : Transatlantic Trade and Investment Partnership), que j’appellerai par la suite Traité transatlantique pour plus de facilité, se déroule cette semaine, du 19 au 23 mai 2014 à Washington, juste avant les élections européennes du 25 mai 2014.

Alimentée depuis plusieurs mois par une action concomitante de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen (alliés tacites pour l’occasion !), qui, semble-t-il, n’ont jamais produit un seul bien ni exporté nulle part, la polémique fait rage sur ces négociations qui suscitent toutes les peurs, parmi les plus invraisemblables.

Ce qui est d’ailleurs curieux, c’est que parfois, pour faire savoir leur mécontentement ou leurs protestations à ce sujet, eux ou leurs partisans dociles utilisent… des moyens technologiques qui enrichissent les plus grands groupes américains aux profits colossaux : Apple, Microsoft, Google et Youtube, FaceBook, Twitter… pour ne citer que les plus grands.

Plutôt que de nourrir ces groupes américains bien contents de ces antiaméricanismes très fructueux (pour eux), ces personnes feraient mieux de réfléchir sur la méthode de mettre la France et les Français en condition de faire émerger, de créer ou de développer, de telles entreprises de taille mondiale en si peu de temps.

Une perspective de croissance

D’ailleurs, la réaction de crainte de beaucoup de Français est peut-être la raison de l’absence d’un Google français ou d’un FaceBook français : lorsqu’on évoque cette idée qui peut être intéressante (mais on ne peut juger que sur le texte final à la fin des négociations), beaucoup de Français crient au loup, craignant que les Américains veuillent nous manger etc., tandis que beaucoup d’autres Européens se disent au contraire : chic, nous allons pouvoir plus facilement entrer sur le marché américain. Défaitisme ou optimisme. Peur ou confiance.

Parce qu’il s’agit bien de cela, de la possibilité de supprimer les barrières à l’exportation (pas seulement tarifaires) d’un espace économique qui représente 47% du PIB mondial et 800 millions de personnes ! Un tiers des flux commerciaux mondiaux !

Selon les experts de la Commission Européenne (ils peuvent certes se tromper) mais aussi selon d’autres études qui vont dans le même sens, un accord transatlantique privilégié ferait augmenter la croissance européenne de 0,5% (et américaine de 0,4%), et le pouvoir d’achat en Europe serait amélioré, grâce à une augmentation de 28% des exportations de l’Union Européenne vers les États-Unis soit 187 milliards d’euros par an au bénéfice des exportateurs européens de biens et de services d’ici une vingtaine d’années, comme l’a affirmé notamment Didier Reynders, Ministre belge des Affaires étrangères (et Vice-Premier Ministre de Belgique), le 13 juin 2013 (interrogé en séance parlementaire par le député Georges Gilkinet).

Je ne sais pas si les "experts" ont raison dans leurs estimations (l’avenir le dira) mais ce qui est probable, c’est qu’une plus grande ouverture des marchés transatlantiques renforcera nécessairement l’économie des États contractants par l’augmentation des échanges et de leur diversité.

Qui représente vraiment l’anti-France ?

La France, qui a beaucoup de potentiel, notamment dans l’innovation, a tous les atouts pour bénéficier d’un tel accord.

Qui sont ces souverainistes soi-disant patriotes qui auraient peur d’un tel traité ? Ceux qui pensent que la France serait faible, qu’elle serait incapable d’aller conquérir les marchés américains, incapable d’innover, de créer de l’activité. Ce sont des marchands de larmes, des vecteurs de l’anti-France. Des personnes qui ont une très mauvaise image de leur pays, de leur nation, de leur peuple, de leurs managers, de leurs chercheurs, de leurs ingénieurs, de leurs ouvriers. Tellement frileux qu’ils préfèrent jouer au hérisson en restant bien cachés au bord de la route à prendre le train de la prospérité.

Les professeurs de l’anti-France, ce ne sont certainement pas ceux qui ont confiance en leur pays, en son dynamisme, en ses richesses, qu’elles soient économiques, scientifiques, culturelles, politiques… Pour un pays qui a en plus une réputation d’arrogance, c’est assez curieux de voir tant de personnes qui ont peur d’eux-mêmes, qui décrètent, qui sécrètent leurs propres faiblesses.

L’inquiétude est respectable, pas la désinformation ni la non-information

La peur, l’inquiétude, la colère, sont souvent les conséquences de l’ignorance et s’il y a bien un problème en France, c’est la manière dont les médias informent les citoyens. Or, sur les affaires européennes, il y a très peu d’informations réellement sérieuses. Seulement des pirouettes pour se défausser des responsabilités nationales.

Si l’Union Européenne va si mal en ce moment, ce n’est pas parce que les États ont perdu leur souveraineté. Au contraire, chaque État défend jalousement et égoïstement sa souveraineté, quitte à paralyser ou à immobiliser les institutions européennes.

Dans les négociations au Traité transatlantique, chaque État a pu souverainement modifier ou arrêter le processus, librement, sans pression sinon des élus nationaux le cas échéant, sans aucune contrainte extérieure.

Déficit démocratique ?

En fin de négociation, le texte final du Traité transatlantique devra être ratifié par chaque État membre (donc, à la fois par les chefs d’État et de gouvernement puis par chaque parlement démocratiquement élu) ainsi que par le Parlement Européen.

Tout le monde, europhiles (ceux qui souhaitent renforcer l’intégration européenne) comme europhobes (ceux qui ont une peur, respectable, de la construction européenne), est d’accord pour convenir que l’Union Européenne aurait besoin d’un peu plus de démocratie, qu’on écoute un peu plus les citoyens européens. Qui pourrait dire le contraire ?

Alors, c’est l’occasion ou jamais : les élections européennes sont justement là pour donner la parole aux peuples européens. Qu’ils s’expriment et que ceux qui militent l’abstention se taisent, ils refusent de s’insérer dans le débat public, qu’ils le fassent jusqu’au bout.

Mais il y a aussi un autre élément majeur pour cette année : c’est la première fois qu’on va appliquer le Traité de Lisbonne, vous savez, ce traité si honni, si contesté, pourtant si nécessaire (le statu quo n’aurait pas permis de faire grand chose lors de la crise de 2008).

Ce Traité transatlantique, si décrié (lui aussi), lorsque les négociations seront terminées (ce n’est pas pour demain et le calendrier de finaliser d’ici la fin de l’année est bien trop ambitieux, l’idée datant de 1990, une ou deux années supplémentaires ne sont rien par rapport à une bonne négociation) et lorsque le Conseil Européen l’aura approuvé (c’est une autre paire de manche), devra être ratifié par le Parlement Européen. Oui, les députés européens que nous choisirons dans quelques jours auront ce pouvoir fabuleux de dire oui ou de dire non.

Donc, ceux qui contestent le Traité transatlantique devraient au moins avoir la décence logique d’une part, d’aller voter, d’autre part, de défendre le Traité de Lisbonne sans lequel les députés européens n’auraient pas ce pouvoir institutionnel croissant, un pouvoir qui va leur permettre de participer de manière déterminante au choix du futur Président de la Commission Européenne.

Mais attention aussi à ceux, des candidats, qui vous disent sans réfléchir quelle serait la teneur de leur vote sur le futur Traité transatlantique, favorable ou défavorable : le texte n’existe pas encore ! Comment peuvent-ils se prononcer dès maintenant ? Il faut juger sur pièce, et ne pas dire non sans écouter, sans voir, même si là aussi, ce comportement est assez bien français (dire non pour faire discrètement oui).

La proposition des candidats devrait ainsi être un petit peu plus subtile. Par exemple, candidat à la Présidence de la Commission Européenne, Guy Verhofstadt a expliqué dans l’émission "Mots croisés" sur France 2 le 19 mai 2014 que son groupe au Parlement Européen était plutôt favorable à l’ouverture des marchés américain et européens mais qu’il fallait absolument coupler ces négociations avec la protection des données privées des citoyens européens, et sans ce couplage, il voterait contre. Il ne préjuge donc pas du texte final mais il ne demande pas non plus un chèque en blanc à ses électeurs en donnant clairement sa vision. Dire toujours non à tout ne donnerait pas vraiment une vision de ce qu’il faudrait construire pour améliorer la situation actuelle.

Négociations secrètes ?

L’autre argument souvent entendu, tout à fait respectable, lui aussi, c’est que le processus se déroulerait dans le plus grand secret. Là encore, le déficit d’information est colossal et on se demande toujours à quoi servent les journalistes si c’est juste pour recopier les dépêches fades des agences de presse.


Les négociations ne sont pas si secrètes que cela puisque les lieux et dates sont connues, ce qui est déjà important. Mais ceux qui s’inquiètent des secrets de négociation ont-ils déjà négocié dans leur vie ? Négocié avec des enjeux importants pour leur vie, par exemple, le prix d’une habitation qu’ils souhaiteraient acquérir ? Si vous rendiez publique votre feuille de route de négociation, l’autre partie se frotterait les mains avec cette précieuse information, jusqu’où pourriez-vous aller ?

Donc, le secret ne me choque pas dans la phase préliminaire des discussions, mais bien sûr, les négociateurs européens, puisque je parle du côté européen, devront tenir informer les dirigeants des États membres de l’état d’avancement des négociations. Il me semble que c’est ce qu’il se passe.

Mandat clairement établi

Cependant, tout n’est pas secret, bien au contraire. Le Conseil européen des Ministres du Commerce réuni le 14 juin 2013 à Luxembourg (donc, la France aussi, dans sa pleine et entière souveraineté nationale, représentée par Nicole Bricq) a donné un mandat de négociation à la Commission Européenne pour définir le cadre de ces discussions avec le gouvernement américain.

Ce texte est public, n’a donc rien de confidentiel et a été diffusé largement, notamment sur Internet en accès libre. Il a même fait l’objet d’un communiqué officiel du gouvernement français le 19 juin 2013 par la voix de sa porte-parole Najat Vallaud-Belkacem.

Ce communiqué a précisé le champ des négociations et notamment quels sont les domaines qui en sont exclus.

« L’accord ne devra porter aucun préjudice à la diversité culturelle et linguistique (article 9). (…) Les services audiovisuels sont explicitement exclus du champ de la négociation (article 21). »

« Les marchés publics de Défense sont exclus du mandat de négociation (article 12). »

Plus généralement, le mandat donne la possibilité aux États de sortir des jokers en cas de nécessité nationale pour exclure certains domaines non définis préalablement.

« Des clauses de sauvegarde sont prévues et pourront être évoquées, afin d’atténuer les effets de l’accord sur nos secteurs sensibles (article 14). Au cours de la négociation, les États devront veiller à la constitution d’une liste de ces produits sensibles. »

Le communiqué a confirmé également que la réglementation écologique et sanitaire ne sera pas amoindrie et que le traité préservera notre modèle social et environnemental.

« Le mandat de négociation garantit un haut niveau de protection de l’environnement, des travailleurs et des consommateurs, préservant l’acquis réglementaire des États membres (article 8). »

Il est donc complètement faux de dire qu’un tel accord UE-USA ferait venir en Europe de la viande aux hormones, des cultures d’OGM ou des poulets décontaminés au chlore. C’est de la désinformation pure, démagogique, malhonnête intellectuellement qui vise à tromper les citoyens européens et particulièrement français.

Le communiqué a été très clair là-dessus :

« Nos législations communautaires sur les hormones et la décontamination des carcasses (utilisation du chlore pour la viande de volailles) existent, et ne seront pas modifiées dans le cadre d’une négociation avec les États-Unis. Sur le clonage, un projet de réglementation est en cours : les négociations avec les États-Unis, longues, n’influeront pas, là encore, nos choix de société et la liberté de réglementer de l’Union. »

Plus globalement :

« Le mandat de négociation précise que l’Union Européenne garde la possibilité de prendre des mesures pour protéger la santé et la vie des personnes, des animaux et préserver les végétaux (article 25). À ce titre, l’interdiction de la culture des OGM pourra être maintenue. »

« L’accord permettra un rehaussement des normes sociales et environnementales. Le mandat se fixe comme objectif de favoriser la ratification et la mise en œuvre effective des normes sociales fondamentales (conventions de l’Organisation internationale du Travail) et des accords multilatéraux sur l’environnement (articles 31 et 32). (…) Le mandat demande que les États-Unis et l’Europe refusent d’encourager les investissements directs à l’étranger et les flux commerciaux en affaiblissant les réglementations et standards relatifs à l’environnement, le travail, la santé et la sécurité, ou ceux visant à promouvoir la diversité culturelle (article 8). »

Ainsi, la question des réglementations européennes sur les contraintes sociales, sanitaires, environnementales ne se pose pas : aucun accord n’aura lieu si nos normes environnementales devaient s’effacer face à celles, moins contraignantes, des États-Unis. Et même si le texte final le concevait (ce qui voudrait dire que le gouvernement français aurait failli car il peut s’y opposer au Conseil Européen dans la plénitude de la souveraineté nationale de la France), les trois premiers groupes du Parlement Européen sortant en refuseraient alors la ratification.

Au-delà du champ d’application et de la réglementation, d’autres précisions ont été apportées le 19 juin 2013 sur le mandat de négociation :

« Les indication géographiques (IG) seront reconnues et protégées. Les produits sous IG répondent à un cahier des charges plus exigeant en termes de traçabilité. (…) Étant donné le poids considérable de nos exportations de vins et de fromages (en croissance forte) aux États-Unis, la protection des IG constitue un enjeu essentiel (article 29). »

Autre sujet important, celui qui permettrait à des grandes entreprises de déposer plainte contre des États. Là aussi, le mandat est assez clair :

« La décision finale sur l’inclusion même [du] mécanisme [de règlement des différends] est renvoyée ultérieurement et sera prise après consultation des États membres. La France et d’autres pays, telle l’Allemagne, seront particulièrement vigilants sur ce point, afin de préserver le droit des États à réguler. »

Enfin, la moindre modification du mandat que la Commission Européenne souhaiterait faire en cas de besoin au cours des discussions avec les États-Unis devra être adoptée à l’unanimité des États membres qui auront donc un droit de veto en cas de nécessité (là encore, la souveraineté nationale de tous les États est préservée).

La seule critique, importante, que je formulerais pour ce mandat, c’est d’en avoir exclu la confidentialité des données privées des citoyens : « La protection des données personnelles n’est pas mentionnée dans le mandat. ». Or, c’est à mon sens l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle, que des grands groupes privés (étrangers) qui ont une puissance financière phénoménale ne puisse pas avoir un pouvoir d’information généralisée sur la vie personnelle de chaque citoyen, même celui qui ne souhaite pas utiliser leurs services.

C’est pour Guy Verhofstadt, le candidat des listes centristes UDI-MoDem, un élément indispensable à l’accord sans lequel il serait mené à voter défavorablement au Parlement Européen.

Qui est le principal négociateur ?

Le principal négociateur est un Belge, Karel De Gucht, le Commissaire européen au Commerce depuis le 26 novembre 2009, qui fut Ministre des Affaires étrangères de son pays du 18 juillet 2004 au 17 juillet 2009, sous les gouvernements de Guy Verhofstadt, Yves Leterme et Herman Van Rompuy (dont il fut aussi le Vice-Premier Ministre). C’est une personnalité tenace et assez perspicace, si l’on en juge par son passé politique.

On ne peut d’ailleurs pas taxé Karel De Gucht d’inféodé aux États-Unis car il a tenu des propos le 2 septembre 2010 qui au contraire, étaient même à la limite de l’antisémitisme appliqué à l’etablishment américain qui ont provoqué l’indignation, et d’autres propos très critiques envers Benjamin Netanyahou et Israël en général.

L’expérience d’un autre traité, l’accord commercial avec la Corée du Sud

L’Union Européenne a déjà l’expérience d’un accord commercial, celui avec la Corée du Sud, sixième exportateur mondial, signé le 6 octobre 2010 et entré en vigueur le 1er juillet 2011 (à ma connaissance, sans que cela n’ait particulièrement ému Jean-Luc Mélenchon ni Marine Le Pen). Il permet aux produits européens de bénéficier de droits de douane réduits voire nuls à l’entrée sur le territoire sud-coréen.

Avant ce traité, les Européens accusaient un lourd déficit de la balance commerciale et le talent de négociation a été tel qu’au bout de deux ans d’application, les Européens sont maintenant bénéficiaires.

Après seulement neuf mois d’application, les entreprises européennes exportatrices avaient déjà réalisé 350 millions d’euros d’économie sur les droits d’importation et fait un bond de 6,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 35%, des exportations par rapport à la même période (neuf premiers mois) depuis 2007, selon un communiqué de presse de la Commission Européenne. L’effet s’est surtout fait ressentir sur les produits dont les droits de douane ont été supprimés, comme le vin, les textiles etc. Même les produits qui n’ont bénéficié d’aucun assouplissement tarifaire ont profité de ce climat de hausse.


Le commissaire Karel De Gucht a indiqué au cours d’une conférence de presse le 27 juin 2012 : « Cet accord commercial de nouvelle génération, ainsi que d’autres en préparation, est un élément essentiel de la stratégie de croissance de l’Europe. ».

Après un an d’application de l’accord, l’Union Européenne était parvenue à rétablir l’équilibre des échanges avec la Corée du Sud pour la première fois depuis quinze ans. Le déficit commercial de l’UE vis-à-vis de la Corée du Sud est ainsi passé de 14 milliards d’euros en 2008 à zéro fin 2012.

À noter que si cet accord entre l’Union Européenne et la Corée du Sud a été très favorable à l’Union Européenne, un accord similaire entre les États-Unis et la Corée du Sud, entré en vigueur le 15 mars 2012, a plutôt avantagé cette dernière.


Où est la perte de souveraineté dans un accord commercial ? Ne pas négocier ce traité avec la Corée du Sud aurait réduit les possibilités de croissance des économies des pays européens. Et en fin de compte, aurait réduit les souverainetés nationales par le biais des taxes et impôts.

J’ai repris les deux schémas ci-dessus d’une étude réalisée par l’économiste Romain Saudrais qui pense que l’Europe y gagnerait à renégocier ces accords commerciaux de manière plus globale au sein de l’OMC en tentant de ramener les États-Unis, la Chine et l’Inde à la table des négociations plutôt qu’à travers des accords bilatéraux et qui conclut : « Toujours est-il que malgré un impact global qui reste difficilement quantifiable, les ingrédients de ce type d’accord deviennent chaque jour un peu plus indispensables pour l’UE et les États-Unis, à la recherche de relais de croissance et face à la pression commerciale des émergents. » (Lettre de prospective n°41 d’octobre 2013, Chambre de commerce et d’industrie de Paris).

Au fait, ce Traité transatlantique, de quoi s’agit-il vraiment ?

Il s’agit d’ouvrir des marchés dans différents domaines. Dans son mandat, la France a par exemple refusé que soit traité le domaine culturel et audiovisuel (comme je l’ai expliqué plus haut).

Cela concerne notamment les droits de douane, mais en fait, cette partie est très mineure dans les négociations car les droits de douane ont régulièrement baissé depuis plusieurs dizaines d’années. Le 13 juin 2013, Didier Reynders (déjà cité plus haut) expliquait : « Il ne s’agit pas tellement d’un problème tarifaire. Nous connaissons d’ailleurs l’objectif à cet égard : c’est zéro, et nous pouvons vivre avec des tarifs, si nécessaire. C’est le cadre régulatoire qui est en jeu. ».

Effectivement, ce qui est stratégique, ce sont les normes techniques (pas sociales ou environnementales qui, elles, ne sont pas négociables, voir plus haut), et c’est là tout l’enjeu des négociations. Didier Reynders l’a justifié pour mieux renforcer la position de l’Europe face aux puissances asiatiques : « De part et d’autre de l’Atlantique, il doit être commun [il parle du cadre régulatoire], parce que c’est la meilleure base pour élaborer un standard international. Sinon, nous devrons négocier individuellement avec des partenaires comme la Chine, le Japon, l’Asie du Sud-Est, etc. ».

Les États-Unis étaient plutôt réticents à ouvrir la discussion. C’est une demande des Européens pour permettre aux PME d’entrer sur le marché américain. La tête de la liste UMP pour l’Île-de-France, Alain Lamassoure (ex-UDF), ancien Ministre des Affaires européennes, l’a expliqué : « Contrairement à ce qui est dit, ce n’est pas du tout un traité de libre-échange, et ce n’est qu’accessoirement un traité de commerce. Le véritable enjeu, c’est la maîtrise des normes et des standards. Celui qui arrivera à imposer ses standards au reste du monde gagnera les marchés. Et à l’origine, ce sont les Européens qui ont voulu ce traité. Les Américains, eux, traînent les pieds. » ("Le Figaro" du 6 mai 2014).

Les grandes entreprises sont capables de s’adapter aux normes des différents marchés nationaux, mais pas les PME qui n’ont pas assez de fonds propres pour financer cette entrée dans ces marchés. Harmoniser les normes techniques réduirait ainsi les coûts d’exportation des entreprises européennes et donc françaises, et faciliterait aussi la vie quotidienne des personnes.

Ceux qui, parmi les plus démagogues, veulent agiter l’épouvantail des méchantes entreprises américaines qui envahiraient l’Europe et la France et prendraient nos emplois si ce n’est nos enfants ont un peu oublié qu’ils utilisent des iPod, iPhone, des iPad, que leur système d’exploitation est très majoritairement Windows, qu’ils boivent de temps en temps du Coca Cola et qu’ils fréquentent même parfois MacDonald, leurs enfants sinon eux-mêmes.

Bref, les grosses entreprises américaines sont déjà présentes car elles ont la force de frappe financière pour s’installer partout dans le monde. En revanche, si des PME américaines, d’aventure, et réciproquement, souhaitait conquérir le marché européen, il y aurait des chances qu’elles apporteraient un nouveau produit qui enrichirait aussi les Européens, d’une manière ou d’une autre.

Aidons nos entreprises à relever leurs défis ! Aidons la France !

En raison de ces enjeux de normes et de standards dans de nombreux domaines, ces négociations sont évidemment très difficiles, techniquement compliquées, et très peu "sexy" pour un citoyen peu averti.

Seuls, ces enjeux normatifs comptent principalement dans ces négociations, mais ne sont pas pris en compte par les démagogues de l’anti-France, ceux qui considèrent que la France est un pays fini, incapable de rien et sûrement pas d’entreprendre, d’innover, de vendre.

Ces démagogues se moquent de ces enjeux, se moquent des entreprises qui sont au front, qui apportent de la valeur ajoutée et qui contribuent à la richesse nationale. Ils veulent seulement gagner des voix et des sièges dans quelques jours, pour leur petites rente politique qu’ils ne consacreront même pas au travail parlementaire européen mais à leur propre intérêt politicien très égoïste qui n’ont rien à voir avec la défense et la protection de la France.

C’est toujours plus facile de détruire que de construire. C’est encore plus facile de détruire quand, par démagogie malsaine, on utilise la manipulation et la désinformation pour essayer de convaincre.

Aujourd’hui, la voix de la construction européenne semble avoir du mal à se faire entendre dans un délirant euroscepticisme qui n’est que du scepticisme sur la capacité de la France à rester une puissance économique. Mais comment tout seuls pourrions-nous progresser ? Le monde ne nous attend pas !

Comme je l’ai expliqué, l’enjeu des négociations du Traité transatlantique est essentiel. Ce n’est pas le choix entre paradis et enfer, et une mauvaise négociation pourrait effectivement aboutir à un texte déséquilibré qui serait une catastrophe car il désavantagerait l’Europe et la France, et ce serait alors de la responsabilité de la France, des représentants élus de la France, de le désapprouver.

Mais bien négocié, ce Traité pourrait ouvrir de nouvelles perspectives prometteuses et encourageantes pour nos PME et accompagner leur développement économique et au final, renforcer la richesse de la France, et donc, indirectement, sa souveraineté et son rayonnement dans le monde.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 mai 2014)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Le monde ne nous attend pas !
Martin Schulz.
Jean-Claude Juncker.
Guy Verhofstadt.
Jacques Delors.
Jean-Luc Dehazne.
Débat européen entre les (vrais) candidats.
Les centristes en liste.
Innovation européenne.
L’Alternative.
La famille centriste.
Michel Barnier.
Enrico Letta.
Matteo Renzi.
Herman Van Rompuy.
Gaston Thorn.
Borislaw Geremek.
Daniel Cohn-Bendit.
Mario Draghi.
Le budget européen 2014-2020.
Euroscepticisme.
Le syndrome anti-européen.
Pas de nouveau mode de scrutin aux élections européennes, dommage.
Têtes des listes centristes de L’Alternative aux européennes 2014 (à télécharger).
Risque de shutdown européen.
L’Europe des Vingt-huit.
La révolte du Parlement Européen.
La construction européenne.
L’Union Européenne, c’est la paix.
L'écotaxe et l'Europe.

http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-europe-et-le-traite-152206