Connaissance ou pratique ?

Publié le 21 mai 2014 par Anargala


Une légende urbaine : l'éveil résulte d'une pratique, d'une action. La connaissance ne suffit pas. De l'intellect il faut passer à la pratique. Et si l'on peut éviter la case "intellect", c'est encore mieux, car l'intellect est le Diable de cette légende urbaine.Et là, on cite l'exemple du miel : une chose est de savoir "intellectuellement" ce qu'est le miel. Une autre de le savourer... d'autant plus que cette sensation est au-delà des mots, comme toutes les sensations. De même, l'éveil n'est pas un mot.Or tout ceci n'est que balivernes.Premièrement, dire que le "réel" ou telle expérience "n'est pas un mot", c'est dire une banalité. Evidemment que le mot n'est pas la chose ! Le mot "sucré" n'est pas sucré, et ainsi de suite. Mais cela n'empêche pas le-dit mot d'être utile : il pointe vers la chose. Ainsi, si on me demande "Passe-moi le sel !", je ne vais pas répondre "Mais le sel n'est pas un mot" ou "Le sel est au-delà des mots".Mais surtout ces exemples sont de mauvais exemples. Car ils ne s'appliquent pas à l'éveil.D'abord, il est vrai que si je connais le mot "miel" et si j'en ai une notion, une image, cela ne suffit pas à me le faire savourer. Il faut encore que je passe à l'action, que j'aille en acheter, ouvrir le pot, y plonger le doigt, le mettre dans la bouche... De même pour un menu ou le plan d'une vile ou une carte. En effet, dans ces domaines, la connaissance théorique ne suffit pas. Il faut encore "pratiquer", passer à l'acte. Il y a quelque chose à faire, puisque l'objet à connaître est séparé de moi.Mais dans le cas de l'éveil, aucune action ne peut y conduire ! Car l'éveil, c'est l'éveil à notre vraie nature. Notre vraie nature est la conscience, toujours déjà présente, sans quoi on ne pourrait ni penser, ni agir. En outre, agir, c'est le contraire de l'éveil, puisque c'est supposer que je ne suis pas ce que je cherche, que cela n'est pas présent... alors que c'est grâce à la conscience que "la conscience n'est pas encore réalisée" !Donc, dans ce cas précis, la connaissance est nécessaire et suffisante. Dès lors que je sais qui je suis, il n'y a rien à faire. La connaissance est l'ultime pratique"Atteindre notre vraie nature", "réaliser le Soi", "s'éveiller", c'est simplement comprendre que je suis conscience toujours présente, toujours déjà atteinte, parfaite, qui ne dépend de rien et dont tout dépend. Juste une clarification. Comme un homme endormi que l'on réveille d'un rêve. Comme le dixième homme.Je n'invente rien.Sureshvara, un maître réputé de la tradition non-dualiste, le dit :Quand on a déjà quelque chose (sans le savoir),Ou qu'on ne l'a plus (tout en croyant l'avoir),(Les actions) comme prendre et rejeter ne servent à rien...Vu que dans ce cas, l'obstacle est seulement l'ignorance (de la situation),"Atteindre (le Soi)" et "Renoncer (à l'ego)"C'est simplement connaître (la situation).La Réalisation qui ne dépend pas d'une pratique, 1, 34Ceci étant, cela ne veut pas dire qu'"il n'y a rien à faire". Il y a à comprendre. Ce qui est une façon de faire, si l'on veut. D'autant plus que, pour comprendre, il faut parfois se préparer. Non en purifiant son inconscient et en "travaillant sur soi" pendant x vies - car ce "soi" n'est pas le Soi -, mais en faisant preuve de bonne volonté et en affinant son intelligence. De plus, la connaissance de soi rend heureux. Si l'on est malheureux et que l'on se répète "il n'y a rien à faire" comme un perroquet, cela ne sert à rien. Beaucoup de gens font cela parce qu'ils fréquentent des "maîtres" qui ne transmettent pas un enseignement clair, en général faute de connaître cet enseignement. Leur sous-entendu est "Restez près de moi, je vais vous transmettre une énergie spéciale". Ainsi, dans le monde actuel des éveillés, on parle souvent de non-dualité, mais sans y comprendre grand-chose, et avec un discours implicite de l'éveil par transmission d'énergie. Tout cela est fort sympathique, "énooooorme", planant, bouleversant, ressourçant... comme on voudra, mais ce n'est pas l'éveil à la non-dualité.