On croit parfois rêver. Jeudi soir dernier dans un petit village du Nord Vaudois, à Pomy pour être précis, l’assemblée régionale de l’EERV région 7 avait lieu. Il faut dire que l’EERV (Eglise évangélique réformée du canton de Vaud) est une institution très hiérarchisée depuis toujours, et qui s’est depuis quelques années réorganisée en une vingtaine de régions couvrant le canton et faisant le lien entre le synode, sorte de conseil fédéral et les paroisses, sortes de communes pas vraiment autonomes.
A cette occasion, entre autres éléments intéressants qui n’ont rien à envier aux jésuites au sujet des pasteurs homosexuels, et qui ont aussi concernés les catholiques obtus, "pollués par les bulles papales et donc totalement insensibles à l’oecuménisme même en service ultraminimum de crise", on a appris que la fameuse Région 7 disposait depuis des lustres d’un fonds doté de Fr 200′000.– environ destiné à venir en aide aux mineurs défavorisés.
La belle affaire. Il fut un temps pas très lointain où ce fond répondait favorablement à une bonne vingtaine de sollicitations par année. En revanche, depuis quelques années, le fonds fait du bénéfice sur ses placements, et n’arrive pas à maigrir, bien au contraire.
Les raisons de ce régime inversé sont simples: les fameux ministres du culte connaissent parfaitement son existence, mais considèrent qu’ils n’ont pas le temps de transmettre ce genre d’informations aux bénévoles chargés de la gestion du fonds. Si bien que ce dernier enfle de quelques milliers de francs par année, malgré les trois ou quatre interventions qu’il assume.
On pourrait imaginer que les gestionnaires du fonds fassent preuve d’un peu d’imagination et ne se contentent pas simplement de recevoir des relevés bancaires par la poste et de les classer chronologiquement dans un beau classeur. C’est trop leur demander.
Mais surtout on pourrait imaginer que les assistants sociaux du CSP (Centre social protestant) permanents, professionnels et payés qui connaissent ce fonds le sollicitent. La réponse est étrange : quand il en connaissent l’existence, ils ne le font jamais, c’est visiblement fatigant et hors de leurs compétences !! et le petit sac d’or enfle donc pendant que certains gamins crèvent la dalle ou du moins mériteraient un petit coup de pouce.
Le clou de la soirée est venu de l’invitation faite par la région à Hélène Küng, pasteure et directrice fraichement nommée du Centre Social Protestant-Vaud. Dans une attitude faussement communicative et avec une technique sortie droit d’une école de communication au rabais de 3 jours au moins, l’intéressée a livré quelques secrets de fabrique qui en disent long sur la gestion du social.
Du côté des dépenses, elle a relevé que les salaires (pas loin de 6 millions par an pour une soixantaine de collaborateurs) étaient absolument incompressibles : on n’engage pas quelqu’un au CSP pour un an ou deux, non. Pour qu’il se sente bien et puisse rendre service en toute quiétude et indépendance, il faut qu’il puisse compter sur une place stable de plusieurs années … sinon c’est la démotivation garantie. On croyait naïvement qu’une bonne gestion consistait à adapter l’offre à la demande et à rationaliser.
Ce credo est visiblement absent du discours de la nouvelle directrice, qui joue un peu sur la minauderie à l’heure des questions qu’elles souhaite nombreuses et sans tabous. Appliquant le point 3 de son cours de communication rapide, elle souhaite grouper les questions et se munit d’un crayon pour pouvoir noter des faisceaux de réponses.
Mais de faisceaux de questions on n’a rien vu venir, sinon trois pauvres petites questions alibi posées par certains participants qui sans doute voulaitent être charitables avec la star. Laquelle star du soir a encore gratifié l’assemblée d’un aveu inquiétant : elle a été engagée pour gérer, elle a été engagée pour récolter des fonds mais elle suit des cours sur ces questions, et rien dans le budget "rentrées" du CSP n’est rigoureusement fixe…
Entre une directrice nouvelle qui n’a jamais dû comprendre un bilan, des assistants sociaux qui ne veulent surtout pas entendre parler de vrais problèmes concrets, des fonds de solidarité inutilisés qui traînent sur des comptes bancaires, une étanchéité coupable dans la communication, des intérêts divergents entre les nombreuses couches du millefeuille social de l’EERV, il n’est pas douteux que certains donateurs vont finalement avoir mal au porte-monnaie et lui couper les vivres.
On ne saurait donc que conseiller à Hélène Küng, plutôt que de prendre des cours, d’engager de véritables financiers professionnels qui puissent l’assister et donner à la gestion du CSP une inflexion vers la performance, car la faute essentielle qu’elle fait est là: contrairement à ce qu’elle professe, on peut être à la fois social et performant, ce qui ne veut pasencore dire rentable.