Kunstenfestivaldesarts : campagne de communication minimaliste et affichage public font-ils bon ménage ?

Publié le 20 mai 2014 par Aude Mathey @Culturecomblog

Le KunstenfestivaldesArts est un festival interdisciplinaire qui se déroule chaque année tout au long du mois de mai en divers endroits de la capitale belge. Réunissant théâtre, danse, performance et arts visuels, cet évènement se veut, ne fut-ce que par sa simple appellation (Kunsten signifiant art en flamand), un vecteur de rapprochement entre les différentes communautés de Bruxelles.

Acclamé unanimement pour sa programmation audacieuse, avec des personnalités telles que Brett Bailey, Tsai Ming-liang ou Gwendoline Robin, le festival est fréquemment attaqué sur les réseaux sociaux pour sa politique de communication très minimaliste.

Malgré les critiques qui fusent depuis deux ou trois ans, le Festival persiste cette année encore dans un style visuel très dépouillé, avec pour cette édition un flyers aux allures de carré blanc sur fond blanc, très « malévitchéien ». Annonçant l’évènement dans toute la ville, les affiches d’une typo de style minimal, simplement noir sur blanc, restent fidèles à la charte graphique des éditions précédentes.

© Kfda 2014

Cette affiche assez sibylline, sans slogan, sans explication, peut encourager à considérer le festival comme une manifestation réservée aux initiés. On pourrait même penser que l’évènement, qui en est à sa 19 ème édition, se laisse aller à tabler sur une réputation bien acquise plutôt que sur la recherche d’un nouveau public. Ainsi, une personne particulièrement agacée par le travail du graphiste s’est sentie obligée de taguer l’affiche annonçant le festival près de la gare du midi. Le communauty manager de la page du Kunstenfestivaldesarts a choisi de répondre en partageant ce trait d’humour (et le vandalisme de son affiche publicitaire) sur la page facebook du festival.  Erreur de communication ou application courageuse de l’adage « toute presse est bonne à prendre » ?…

Malgré la pluie de critiques qu’elle suscite chaque année, cette politique de communication épurée trouve un pendant intéressant dans le travail de l’artiste Tim Etchells, qui a envahi l’espace public bruxellois en même temps que les affiches annonçant l’évènement du Kunstenfestivaldesarts.

Rendre les gens conscients de l’histoire
© Tim Etchells

La pièce de l’artiste, intitulée And for the Rest  consiste en l’installation, à différents endroits de la ville, d’affiches comportant de simples textes. « Le temps devrait filer moins vite» « Regarder les autres dans les yeux », « Chaque dimanche à Bruxelles devrait être un dimanche sans voiture » en sont quelques exemples.

Débarrassez-nous partout de la peur
© Tim Etchells

Cet appel à l’éveil de la curiosité du chaland bruxellois, mi-provocateur, mi-idéaliste, se trouve dans la parfaite ligne de la programmation du Festival : des pièces à fort impact politique mettant en lumière ce que la société et le monde de l’art belge se refusent bien souvent à regarder. En effet, c’est en discutant avec des Bruxellois exclus du processus électoral qu’Etchells a sélectionné ces phrases brèves, énigmatiques ou provocatrices, qui expriment les espoirs et les demandes pour l’avenir de ces personnes mise à la marge de la société : clochards, personnes en situation illégale et autres exclus du système

Je voudrais une adresse comme tout le monde
© Tim Etchells

Face au côté poétique et idéaliste de ces slogans, l’absence de parti pris esthétique de cette fausse campagne de communication avec un vrai message contraste fortement avec les couleurs et le graphisme criard des « vraies » affiches électorales, qui décoreront Bruxelles jusqu’au 25 mai. L’impact des phrases d’Etchells est ainsi renforcé par l’absence totale d’indice évoquant une éventuelle appartenance politique : dans l’espace public, les affiches blanches et noires font seulement écho à celles annonçant le Kunstenfestival des arts.

Supprimer toutes les armes de la terre
© Tim Etchells

L’affiche du Kunstenfestival et les slogans d’Etchells tissent un pôle esthétique au sein de l’espace public, une place où il fait bon rêver et respirer, face à l’envahissement progressif des affiches électorales et celui, plus commun, des images publicitaires contre lesquelles personne ne proteste, étrangement. Différenciant ainsi l’effet d’annonce de la prise de position politique, ce projet questionne l’espace public, la frontière entre art et communication marketing, la différence entre le message et le médium.

Belle initiative donc que cette double campagne d’affichage public, mais qui ne trouve que peu d’échos sur les réseaux sociaux, trop occupés à s’acharner contre le visuel principal annonçant le festival pour s’émouvoir du projet esthético-politique d’Etchells. Sur twitter, le hastag #kunstenfestivaldesarts donne ainsi accès à de nombreuses réactions :

Le graphiste du #Kunstenfestivaldesarts en manque de temps ou d’inspiration via @johnsgraphisme pic.twitter.com/hzc8FzRdt0

J’avoue que le graphiste du #Kunstenfestivaldesarts aurait pu de donner plus de mal… pic.twitter.com/1cD1dC8v1O

— Joseph Sansak (@josephsansak) 24 Avril 2014

— Go Viral (@GoViralStudio) 12 Mai 2014

J’avoue que le graphiste du #Kunstenfestivaldesarts aurait pu de donner plus de mal… pic.twitter.com/1cD1dC8v1O

— Joseph Sansak (@josephsansak) 24 Avril 2014

Le graphiste de l’affiche du Festival des Arts ne s’est pas foulé http://t.co/4GUugg2Aiu pic.twitter.com/mLE41NQYio

— Golem13 (@Golem_13) 7 Mai 2014

Si les critiques se déchaînent à propos de la charte graphique du festival, il semble tout de même que la seule erreur de communication se situe au niveau du site web. L’affiche « minimaliste » (j’aurais envie de dire « suprématiste ») et l’identité graphique très reconnaissable peuvent facilement conduire le quidam en quête d’informations à se rendre sur le net. « Qu’est-ce donc que ces affiches que l’on voit partout ? » « Pourquoi ces slogans poétiques ? » : telles sont les questions qui peuvent déclencher la recherche, la curiosité du futur spectateur. Il est donc dommage que la page d’accueil du site internet du Kunstenfestivaldesarts soit quelque peu désordonnée et ne donne pas directement accès aux informations quant à la nature globale du projet du Kunstenfestivaldesarts. En effet, l’identité et la cohérence de cette manifestation ne sont pas évidentes à saisir pour le premier venu : le festival s’étalant sur une longue durée, dans des lieux très différents et rejoignant des pratiques très diversifiées. Un petit plus explicatif sur la page d’accueil aurait donc été le bienvenu, ainsi qu’une communication davantage axée sur le communauty management afin de ne pas abandonner les réseaux sociaux aux « haters » et autres enragés. Le graphiste du Kunstenfestivaldesarts peut cependant les remercier : la charte graphique aura fait parler du festival et son affiche aura fait le tour de la toile…

Liens complémentaires

Le site de Tim Etchells

Non, ça n’est pas juste un carré blanc sur fond noir !  

Le studio graphique responsable du projet