Young Fathers - Dead (2014)

Publié le 20 mai 2014 par Oreilles
Sorti à l'aube de cette année 2014 sous le label Anticon, porteur de la pop orchestrale de Son Lux, il aurait été dommage de ne pas évoquer ce disque en tout point explosif. Car Young Fathers dynamite avec Dead un genre laissé pour mort depuis plus d'une décennie et les derniers virages musicaux entrepris par Massive Attack et Tricky. Attention la renaissance du trip hop est en marche.
Une éternité semble séparer ce Dead du Mezzanine conçu par la bande de Bristol. Un temps peut être nécessaire pour que d'autres digèrent cette œuvre immense et s'en réapproprient la matière noire avec justesse. Vocalises suffoquées à la Daddy G, éprises dans un brouillard opaque et inquiétant "Mmmh Mmmh", textures sonores insalubres, structures au bord de l'implosion, la musique des Young Fathers porte en elle cette humeur guerrière et meurtrière, capable de soulever les masses derrières elles quant sa cause se transforme en une urgence commune. Et difficile de ne pas se rallier à cet élan, capable de muter des compositions hybrides en hymnes unificateurs, comme l'envisage l'ouverture du disque "No Way" ou encore le percutant "Low".
Comme un principe de nature qui la régit, la musique des écossais brille par ses influences diverses et éparses, portées à l'unisson par une direction artistique qui transcende les genres, et impose Young Fathers comme l'un des objets musicaux les plus intrigants de la sphère musicale actuelle. Bénéficiant d'un melting pot culturel trempé dans l'humeur moite du Nigeria et du Liberia, la formation d'Edinburgh parvient à édifier un pont entre deux mondes, deux civilisations pourrait on dire. Percussions évoquant l’Afrique noire dans une incarnation animiste, invoquant le déchainement de basses sinusoïdales émergées d'une électronique bricolée, le trio en marge des frontières s'établit dans un style qui croise des chemins aussi bien urbains que tribaux. Cet éclectisme apporte au groupe une identité aux facettes démultipliées, génératrice d'une musique savante dont les mutations enclenchées intempestivement résonnent avec fracas "War".

'G' Hastings, Kayus Bankole et Alloysious Massaquoi

Le tempo semble aussi être une notion importante dans le modus operandi des titres qui écossent ce disque. Toujours en recherche de ruptures, les écossais maitrisent avec savoir faire les cassures de rythmes, n'hésitant pas à mêler des cadences lancinantes avec d'autres beaucoup plus électriques, basculant de fait régulièrement vers une dissonance loin d'être inaudible. "Paying" surfe ainsi sur des vocalises soul et suaves avant de plonger dans les ténèbres d'un chant ragga agressif et malfamé. Une ambivalence qui fait recette et qui constitue le cœur d'une œuvre définitivement parallèle, soufflant sur les cendres du laboratoire des TV On The Radio, savants fous sur leurs premiers opus, un autre temps déjà... 
Seule petite ombre au tableau, une production un poil trop lisse, et qui de fait décharge parfois le groupe de sa verve expérimentale et sauvage, capable de faire éclater sa partition en fragment épars à l'instar des démentiels Liars, voir le titre " Queen Is Dead" paru sur leur précédent EP Tape Two... Qu'à cela ne tienne, ce revers de médaille a aussi du bon et permet aux Young Fathers de s'ouvrir à des voies plus lumineuses au travers de passages si bien ghospel que R'n'B, parachevant ainsi la peinture d'un premier album aux secousses généreuses.
En Bref : Dead fracasse la scène hip hop avec fureur et audace en donnant naissance à un style musical hybride et avant gardiste qui met k.o debout. Un disque "uppercut" sans commune mesure dans le paysage de la musique dite urbaine !

Ecouter l'album gratuitement, en intégralité (with lyrics), et avec un son pas trop dégueu ici
Clip offciel "Get Up"

"Low"