15 mai 2014.
La LDH et l’Assemblée citoyenne du bassin manosquin ont choisi comme thème de réflexion l’examen du rapport Létard Touraine qui doit servir de base à un prochain débat parlementaire en vue d’une énième réforme du droit d’asile, laquelle devrait entrer en application courant 2015.
Dominique NOGUERES, avocate et membre éminente de la LDH, spécialisée sur cette question douloureuse, complexe et qui demande beaucoup d'abnégation et de modestie, nous a aidé à en décrypter les méandres.
Le contexte général est le suivant :
Les demandeurs d’asile qui réussissent à franchir les obstacles physiques qui se sont dressés devant eux, ne sont pas assurés pour autant de se voir reconnaître le statut de réfugiés.
Ils doivent satisfaire aux exigences de la loi et traverser un labyrinthe de plus en plus complexe.
Nous n’en sommes plus à l’article 4 de l’Acte constitutionnel de 1793...
«Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année y vit de son travail ou acquiert une propriété ou épouse une Française ou adopte un enfant ou nourrit un vieillard ; tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité ; est admis à l’exercice des Droits de citoyen français»,
Nous n’en sommes pas non plus à l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droit de l’homme de 1948...
«Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays».
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui date de 2004 (ère Villepin) n’a pas été dans le sens d’une simplification des démarches pour les demandeurs d’asile et pour tout ceux qui les accompagnent.
On peut même avancer que la tendance est à criminalisation de l’étranger en situation irrégulière ou en attente de régularisation. La suspicion pèse sur les demandeurs d’asile et entretient les discours sécuritaires «affolant» l’opinion publique au risque d’entraîner un repli identitaire et xénophobe, qui ne peut que porter préjudice à l’exercice du droit d’asile en provoquant un climat de suspicion généralisée à l’encontre de ceux qui sollicitent une protection.
Depuis plusieurs années, les instances de surveillance du respect des textes internationaux au sein des Nations unies et du Conseil de l’Europe n’ont pourtant pas cessé de recommander à la France de remédier à cette situation.
En 2012, ces instances déclaraient :
«La résistance obstinée des autorités françaises est l’illustration d’une politique d’asile davantage guidée par une logique de suspicion à l’égard des demandeurs qu’une véritable volonté de les protéger».
Dans ce contexte, les premières phrases du rapport Létard Touraine témoignent d’une incroyable hypocrisie, puisque après avoir mis en exergue le fait que la France avait toujours été une terre d’accueil, le droit d’asile y était menacé par …, «l’afflux d’une immigration économique massive (sic)».
Oublié le fait que l’immigration économique, outre les catastrophes climatiques dont on peut interroger l’origine, puisse résulter d’aberrations relevant de la responsabilité du système libéral qui n’hésite pas à s’assujettir autocrates et tortionnaires de tout bord, au nom d'une compétitivité devenant de ce fait haïssable.
Tout au long du rapport parlementaire, les déboutés du droit d’asile sont pointés du doigt.
Comme par hasard, la plupart ne semble pas appartenir à des classes sociales très favorisées. Ils seraient la cause des dysfonctionnements de ce système d’asile : ils «engorgent le dispositif» alors qu’ils «n’ont pas vocation à rester» !!.
Bref, à des situations humaines le rapport Letard-Touraine oppose une logique comptable et politicienne en contradiction avec l’éthique dont il fait semblant de se prévaloir, et fait abstraction des avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et de la Coordination française pour le droit d’asile. …
La volonté des parlementaires de remédier à la complexité et à l'évidente iniquité du droit d'asile contenues dans les textes sera testée à l'aune de leur prochain débat sur le sujet.
Voir aussi le CR de La Marseillaise
La réflexion s'est poursuivie avec la projection du documentaire "Les Arrivants" à travers lequel on peut mesurer à quel point les demandeurs d'asile autant que les personnes chargées de les accompagner sont vulnérables et broyés par des règlements abscons.
La recette de la séance était réservée à une famille tchétchène en attente d'être reconnue dans ses droits.