Une histoire de travesti

Publié le 19 mai 2014 par Dubruel

ROSE (d'après Maupassant)

Je vais vous dire, ma chère,

Une aventure bien singulière

Qui m’est arrivée.

Il y a deux ans, ma bonne Berthe

Venant de prendre sa retraite,

J’ai eu la chance de trouver

Une autre camériste exceptionnelle.

Grande, mince, plutôt belle,

Elle s’appelait Rose Le Bihan.

Elle venait, disait-elle,

De quitter sa place chez lady Roswell

Où elle était restée dix ans.

Au bout d’un mois, je l’adorais.

C’était une trouvaille, une perle. Vrai !

Elle était au travail dès l’aube,

Me coiffait avec un goût infini,

Apprêtait admirablement mes robes.

Et repassait parfaitement.

Je n’avais jamais été servie ainsi

Avec autant d’égards et de ménagements.

De plus, elle ne parlait jamais.

Or, un matin, mon concierge vint m’informer:

-« Madame, il y a en bas

Le commissaire de police du quartier. »

-« Certes, je trouve la police utile,

Mais que me veut-il ? »

-« Il veut perquisitionner. »

-« Pourquoi une perquisition ? »

-« Il prétend que vous cachez un malfaiteur. »

Je demandai à cet enquêteur

De sérieuses explications.

-« Vous avez, parmi vos gens, un criminel. »

-« Non, je garantis tout mon personnel. »

-« Puis-je voir les membres

De votre domesticité, ici. »

Le commissaire les examina puis dit :

-« Vous avez aussi une femme de chambre… »

Je sonnai Rose.

Le commissaire l’arrêta

Et m’en indiqua

Aussitôt la cause :

-« Cette fille, madame, est un homme

Qui s’appelle Jean-François Pacôme,

Condamné à mort pour assassinat et viol.

Il vient de s’évader de prison,

Et nous le recherchions activement. »

J’étais atterrée.

Je n’y croyais pas. J’étais comme folle.

Le commissaire reprit en riant :

-« Voyez la preuve. Il a le bras droit tatoué. »

Sa manche fut relevée.

C’était vrai !