ROSE (d'après Maupassant)
Je vais vous dire, ma chère,
Une aventure bien singulière
Qui m’est arrivée.
Il y a deux ans, ma bonne Berthe
Venant de prendre sa retraite,
J’ai eu la chance de trouver
Une autre camériste exceptionnelle.
Grande, mince, plutôt belle,
Elle s’appelait Rose Le Bihan.
Elle venait, disait-elle,
De quitter sa place chez lady Roswell
Où elle était restée dix ans.
Au bout d’un mois, je l’adorais.
C’était une trouvaille, une perle. Vrai !
Elle était au travail dès l’aube,
Me coiffait avec un goût infini,
Apprêtait admirablement mes robes.
Et repassait parfaitement.
Je n’avais jamais été servie ainsi
Avec autant d’égards et de ménagements.
De plus, elle ne parlait jamais.
Or, un matin, mon concierge vint m’informer:
-« Madame, il y a en bas
Le commissaire de police du quartier. »
-« Certes, je trouve la police utile,
Mais que me veut-il ? »
-« Il veut perquisitionner. »
-« Pourquoi une perquisition ? »
-« Il prétend que vous cachez un malfaiteur. »
Je demandai à cet enquêteur
De sérieuses explications.
-« Vous avez, parmi vos gens, un criminel. »
-« Non, je garantis tout mon personnel. »
-« Puis-je voir les membres
De votre domesticité, ici. »
Le commissaire les examina puis dit :
-« Vous avez aussi une femme de chambre… »
Je sonnai Rose.
Le commissaire l’arrêta
Et m’en indiqua
Aussitôt la cause :
-« Cette fille, madame, est un homme
Qui s’appelle Jean-François Pacôme,
Condamné à mort pour assassinat et viol.
Il vient de s’évader de prison,
Et nous le recherchions activement. »
J’étais atterrée.
Je n’y croyais pas. J’étais comme folle.
Le commissaire reprit en riant :
-« Voyez la preuve. Il a le bras droit tatoué. »
Sa manche fut relevée.
C’était vrai !