Titre original : The Homesman
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Tommy Lee Jones
Distribution : Hilary Swank, Tommy Lee Jones, David Dencik, William Fichtner, Grace Gummer, John Lithgow, Tim Blake Nelson, Miranda Otto, Jesse Plemons, Sonja Richter, James Spader, Meryl Streep, Hailee Steinfeld…
Genre : Drame/Western/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 18 mai 2014
Le Pitch :
En 1854, Mary Bee Cudy, une femme seule, est chargée de conduire dans leurs familles respectives, trois femmes ayant perdu la raison. Alors qu’elle s’apprête à débuter son périple, Mary Bee sauve fortuitement la vie à George Briggs, un homme rustre au passé trouble. En échange de son geste, Mary Bee propose à George de l’accompagner durant le long et dangereux voyage qui s’annonce…
La Critique :
Réalisateur rare qui ne livre ici que son deuxième long-métrage de cinéma, après le très remarqué Trois Enterrements (2005), Tommy Lee Jones fait néanmoins preuve d’une aisance étonnante. Acteur emblématique du cinéma américain, Jones a été à bonne école et visiblement, de ses multiples collaborations avec les plus grands, lui est restée une faculté à retranscrire ses idées avec ce petit quelque chose de définitif qui caractérise les meilleurs.
Pour son deuxième essai, l’acteur réalisateur n’a pourtant pas choisi la facilité, en adaptant un roman bien connu de Glendon Swarthout. Un livre qui questionne le mythe américain dans ses fondations. Une histoire difficile, âpre et violente.
On comprend assez vite pourquoi Tommy Lee Jones a décidé de s’investir corps et âme dans ce projet. La filiation avec Trois Enterrements est flagrante, tant The Homesman s’inscrit dans le prolongement des mêmes thématiques, tout en démontrant d’une prise de risque peut-être plus grande. Il ne faut pas s’attendre à un western classique, mais plutôt à une œuvre finalement universelle, qui, si elle se déroule dans un univers western -et donc porté par un certain nombre de codes inhérents au genre- aborde des thèmes qui vont au-delà de ceux qui ont contribué à bâtir le mythe de l’Ouest sauvage américain. Oui, ici aussi l’Ouest est sauvage. Poussière, sang et larmes se mélangent, au fil de trajectoires de vies difficiles, où la pitié doit lutter pour s’imposer.
Avec The Homesman, Tommy Lee Jones raconte son pays en sondant ses fondations. Il met notamment en exergue le rôle primordial de la religion et explique en filigrane le pourquoi du comment de l’omniprésence de Dieu dans l’existence de ces femmes et de ces hommes pourtant -pour la plupart- très peu portés sur la miséricorde. C’est ainsi qu’il introduit dans le récit ces trois femmes. Ces trois victimes d’un monde d’hommes, elles-mêmes parfois bourreaux, car complètement bousillées. À l’époque, la folie faisait peur et cela, le long-métrage l’expose tout à fait clairement. Face à la démence, les maris de ces épouses désormais déconnectées d’une réalité qu’elles ont définitivement fuit, préfèrent s’en débarrasser, avec l’accord du conseil de la ville. Un conseil qui charge le personnage d’Hilary Swank de les conduire au loin, quitte à les perdre à tout jamais, pour les confier à leurs familles. Trois femmes enfermées dans un chariot en forme de prison roulante, qui incarnent le symbole d’une nature humaine excluante, au sein de laquelle les différences effraient.
Mary Bee Cudy, complètement saine d’esprit, est en quelque sorte dans la même situation que ces trois femmes qu’elles est chargée de mener à bon port. Célibataire, livrée à elle-même, elle attire les regards de ses voisins et ne se sent pas à sa place, malgré une volonté manifeste d’épouser les us et coutumes d’une société intolérante. Le cow boy tricard incarné par Tommy Lee Jones est lui aussi dans la même situation. Personne ne veut de lui. Il trimballe son lot de casseroles et trouve dans cette étrange quête, une occasion de se racheter une conduite. Et cela même si il n’accepte à priori pas cette rédemption.
The Homesman est un film sacrément ambitieux. Et c’est peut-être pour cela qu’il n’arrive pas à convaincre totalement. On capte clairement les intentions de Tommy Lee Jones et on salue sa mise en scène à la fois intimiste et pourtant pleine de souffle, quand les circonstances l’exigent. La rythmique par contre, accuse quelques ratés. De flash backs hasardeux, en scènes un peu trop longues, en passant par un montage un peu bancal, The Homesman apparaît au final comme le brouillon -qui a certes de la gueule- du chef-d’œuvre qu’il aurait pu être.
Difficile, la seconde réalisation de Jones l’est sur tous les plans. Certaines scènes instaurent un malaise prégnant, et l’humour, mal digéré, n’arrive pas toujours à se justifier pleinement. C’est d’autant plus dommage que le duo que forment Hilary Swank et Jones est parfait. Hilary Swank qui impressionne. Lauréate de deux Oscar, elle revient par la grande porte après avoir fait parler d’elle pour des choix de carrière pour le moins hasardeux, et livre une performance remarquable en tous points. À la fois émouvante et dure, la comédienne est sur tous les fronts. Expression d’une pureté mêlée de désespoir retenu, elle en impose dans ce road movie que l’on pourrait presque qualifier de féministe, tant il place la femme au centre de sa dynamique, au point d’apparaitre malgré son contexte, relativement moderne.
Aux côtés d’Hilary Swank, Tommy Lee Jones est encore une fois bluffant dans les pompes usées d’un homme dont la carapace ne demande qu’à être brisée. À l’instar de ce cow boy taciturne, The Homesman ne manque pas de cœur.
Traversé par une belle galerie de gueules, dont la plupart ne font que passer (Meryl Streep, William Fichtner, Hailee Steinfeld, James Spader…), et de scènes d’anthologie, The Homesman mérite quoi qu’il en soit le respect et l’admiration. Tommy Lee Jones ne plie pas devant le western. Au contraire, il le façonne à son image. Comme -par exemple- le récent Blackthorn, The Homesman propose une vision personnelle puissante. Une vision parfois mal canalisée, débouchant sur un film parfois long, parfois trop obscur, mais quoi qu’il en soit louable.
À noter que c’est Luc Besson qui co-produit et qui distribue The Homesman. Il n’a pas participé au scénario, ni à la réalisation. Comme pour Trois Enterrements. Du coup, peut-être faut-il en conclure que Tommy Lee Jones a certainement compris que c’était pour signer des chèques que Luc Besson était aujourd’hui le plus doué.
@ Gilles Rolland