Publié le 19 mai 2014 par Universcomics
@Josemaniette
Il n'y a pas que les principaux héros iconiques de l'univers Dc qui ont droit à une anthologie. J'en veux pour preuve l'arrivée de ce volume consacré au vilain par excellence, ce cinglé de Joker qui hante les rues de Gotham depuis des décennies. Ceux qui n'ont en mémoire que la version de Nolan, interprété par Heath Ledger, n'ont donc comme point de référence que ce psychopathe dérangé du ciboulot, effrayant, ce monstre ricanant et perturbé, au sourire figé à coups de lames de rasoir. Noir c'est noir, avec peu (ou pas) d'espoir. Mais les autres, les très vieux lecteurs, se souviennent encore d'un Joker bariolé, cocasse, un pitre du crime, pas très stable de la cervelle, mais pas aussi torturé que ce que nous en avons vu ces dernières années. Au point que la relation héros/némesis avec Batman se teinte souvent de connivence étrange, de blagouzes échangées en plein combat, ou juste après, et il est même possible de voir les deux ennemis bras dessus bras dessous, le sourire aux lèvres. Le Joker est la manifestation paroxystique d'un univers (Gotham et le crime) qui a sombré dans la folie furieuse, l'aliénation de notre époque, mais il est aussi le miroir plus ou moins fidèle d'une autre ère, celle où le comic-book avait aussi une vocation d'entertainment voilé d'un soupçon de légèreté, d'insouciance; où le pire des défis, même à mort, gardait toujours une conclusion qui prenait soin d'éviter le drame, et ouvrait la porte à un moralisme de bon aloi, et un soupir amusé. It was a joke, baby. Plus maintenant, le Joker plonge Batman et sa "famille" dans le désespoir, et les affrontements sont régulièrement au dernier sang. Battre l'autre n'est plus l'essentiel, il faut en exterminer la lignée dans la souffrance, sans qu'une quelconque logique puisse se dégager de ce rapport mortifère. L'anthologie Dc vient à point nommé pour reparcourir un bout de chemin en compagnie du clown dépravé de Gotham, et bien sur de Batman, qui lui court inlassablement après. L'anthologie part des origines, avec les épisodes historiques qui introduisent cette lutte intime, confiés aux monuments vénérés que peuvent être Bill Finger, Bob Kane, ou encore Dick Sprang. Au départ, les armes préférées du clown sont des blagues de mauvais goûts, et des plans et gadgets délirants ou cocasses qui aujourd'hui font bien sourire le lecteur novice. Mais le propre de ce genre d'album, c'est de pouvoir constater à quel point l'évolution des personnages est frappante, quand elle est mise en perpective avec le temps qui s'écoule. Les enquêtes de Batman, le polar light et parfois drôle (oui, oui) se charge peu à peu d'une connotation musclée et sombre, et bien entendu les méfaits du Joker s'adaptent à cette nouvelle donne, ce qui vient d'avantage renforcer l'aspect macabre d'un génie du crime qui opère le sourire aux lèvres. Le dessins également suit cette trajectoire qui flirte avec la descente dans la folie furieuse. La violence certes, mais l'insanité mentale et morale, surtout, caractérise la dernière partie d'une anthologie qui s'en tire bien, malgré d'évidentes faiblesses. Car certains épisodes sont mineurs et ont si mal vieillis qu'il n'est pas sur que tout le monde appréciera ces pages, à l'aune des performances actuelles de Snyder, Capullo, Finch et consorts. Et encore, nous ne trouvons pas ici d'extraits de ce qu'à pu faire Bermejo (effrayant Joker), du meurtre de Robin (Jason Todd, publié dans "Un deuil dans la famille") ou de la récente réapparition dans le cadre des New 52. Tout cela a été présenté ailleurs, trop récemment. Ce pavé de presque 400 pages est tout autant une anthologie consacrée au Joker qu'un témoignage sur la façon dont le mal et la lutte entre le bien et le mal à pu évoluer dans les comic-books américains, de la seconde guerre à nos jours. C'est instructif, édifiant.