Après dix-sept années passées dans une prison de haute sécurité, Leland King revient dans sa ville natale de l'Ontario, où sa mère est en train de mourir. Quel crime a-t-il commis pour avoir été aussi longtemps privé de liberté ? Pete, son neveu, né pendant sa détention, l'ignore et ne s'en soucie guère. Mais dans ce patelin où l'on ne vénère que Dieu et la loi, il est bien le seul : personne n'a vraiment pardonné à Leland son passé criminel.
Jusque là, tout est correct, rien à redire. C'est ensuite que ça se corse :
Personne n'a vraiment pardonné à Leland son passé criminel. Surtout pas Sam Maitland, un flic à la retraite qui en peut s'empêcher de voir un lien entre le retour du hors la loi et la récente découverte du cadavre d'une jeune femme dans une voiture abandonnée.
Le truc, c'est qu'en réalité Sam Maitland n'a aucune rancœur particulière vis à vis de Leland. Au contraire, il est plutôt amène avec lui, pour des raisons qui ont à voir avec sa propre culpabilité. En tout cas, à aucun moment, je dis bien aucun moment, Leland ne sera suspecté de la mort de la jeune femme évoquée dans le résumé. Bref, on ne va pas s'éterniser non plus sur ces écarts éditoriaux qui pourraient nous laisser penser qu'on nous refourgue du thriller ou du suspense là où il n'y a même pas besoin d'en avoir. Concentrons nous plutôt sur le bouquin qui vaut tout de même le détour.
Avec un titre et une histoire pareille on se doute bien que les questions d'ordre moral et religieux seront abordés à un moment où à un autre. Matt Lennox campe d'ailleurs très vite le décor en focalisant sa narration autour de trois personnes : Leland, de retour dans la ville même où il a perpétré un crime - dont on ne saura la véritable nature qu'en fin d'ouvrage - est soumis au regard des gens, oscillant entre hostilité manifeste, défiance et crainte. Il doit faire face à l'épreuve de la réinsertion, du retour à une vie qu'il sait ne pas pouvoir être normale ; ensuite, il y a Pete, son neveu, dont l'intention manifeste, après avoir quitté le lycée, est de fuir la bourgade ; et puis il y a Sam Maitland, le flic retraité, lequel compte faire en sorte de réparer les fautes du passé, si tant est qu'il y ait réellement fautes.
Tous trois évoluent dans une petite ville comptant à elle seule plusieurs églises et donc autant d'écoles de la foi qui excluent plus qu'elles ne rassemblent. L'authenticité des personnages s'exprime par leurs doutes, leurs questionnements et leur fragilité. Ils ne sont jamais dans la sanction ni dans le jugement, n'assènent rien de façon péremptoire, à l'inverse de ceux dont le vernis de respectabilité, érigé dans la foi, se craquèle à l'heure où s'invitent les intérêts personnels. Au-delà des principes et des dogmes, la véritable nature se révèle...
Cette approche, Matt Lenox l'effectue à l'échelle d'une petite ville, sorte de concentré de l'humanité. Il dépeint un monde qui nous ressemble sans le présenter de façon ultra-manichéene, et sans, non plus, à l'image de ses personnages principaux, porter un jugement systématique sur la foi et l'expression de celle-ci. S'il adresse un regard pathétique sur ceux ayant recours en toute circonstance à la religion au point d'occulter l'essentiel, il laisse surtout, avec cette belle histoire, toute latitude à l'introspection et au libre arbitre.
Je sais, j'ai lu deux livres d'affilée abordant cette dernière thématique. Faut croire que je me pose des questions.
Rédemption, de Matt Lennox, traduit de l'anglais (Canada) par France Camus-Pichon, Albin Michel, 2014, 432 p.