Juillet 2005, le Premier ministre français Dominique de Villepin prône le "patriotisme économique". Mai 2014, le ministre de l’Économie Arnaud Montebourg signe un décret "relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable". La France renouerait-elle avec les fantômes de son passé, lorsque Jean-Jacques Servan-Schreiber publiait "Le défi américain"? L’ouvrage de 1967 dénonçait les risques – ultérieurement démentis par la réalité économique – que faisaient peser sur l’indépendance du Vieux Continent les tentatives de prise de contrôle des compagnies françaises par les entreprises américaines. Pourquoi, dans la foulée, ne pas réinstaurer "les actions à vote plural" des années vingt où l’on jugeait la faiblesse du Franc de nature à permettre aux capitaux, allemands cette fois-ci, de mettre la main sur le tissu industriel français?
Certes, les mesures de protection du patrimoine technologique ne datent pas d’aujourd’hui. Les États-Unis n’ont-ils pas bloqué au début des années 2000 le rachat du pétrolier Chevron par le major chinois CNOOC et le contrôle des cinq ports américains en eaux profondes par les Émirats Arabes Unis? Les Européens n’ont-ils pas, eux aussi, écarté l’offre de la banque russe proche du Kremlin Vnechtorbank d’entrer à hauteur de 5% dans le capital d’EADS?
Encore faut-il ne pas se tromper d’ennemi. Le projet de loi annoncé en 2007 par Angela Merkel afin de "préserver les intérêts nationaux face à des investissements étrangers problématiques", n’a pas empêché les trente plus grandes entreprises allemandes du Dax à Francfort d’être détenues, selon le Handelsblatt du 17 janvier 2007, par des capitaux étrangers. Ces chiffres confirmaient la très forte attractivité des entreprises allemandes à l’international. Avec le résultat sur la balance du commerce extérieur de 2013: record historique d’excédents de près de 200 milliards d’euros pour notre voisin contre un déficit de 61,2 milliards d’euros dans l’Hexagone.
La mesure en elle-même n’est pas critiquable. Il en va autrement de l’intention ostentatoire porteuse de ce décret "Montebourg" qui, destiné ad hoc au dossier Alstom alors que les salariés manifestent plus d’appétence pour leur rachat par General Electric que par Siemens, trahit une instrumentalisation politique déniant les évidences industrielles. Avec, par surcroît, des effets de manches peu propices à rassurer les investisseurs étrangers. S’ils voulaient vraiment relancer la croissance et sauver les emplois, les responsables français de l’économie et de l’industrie devraient plutôt s’employer à réduire la trentaine de législations administratives et fiscales qui s’abattent sur les entreprises dépassant les 50 salariés: de quoi doucher l’envie de grandir pour n’importe quel entrepreneur enthousiaste!