La création d’une école
Il est plus facile de créer une école littéraire
que de toucher la pointe de ses bottines avec le bout des doigts en faisant une
belle révérence. N’importe qui peut fonder une école.
Ne perdez pas votre temps
à asseoir votre école sur des bases solides. Ne cherchez pas trop. La première
idée qui vous passe par la tête est la meilleure. Personne n’ira discuter les
tendances de votre école, il n’est même pas utile qu’elle en ait, on saura
simplement que vous êtes son chef.
Vous inonderez les journaux de communiqués
savants. Exemple : Une nouvelle
école littéraire vient de surgir : Le baroquisme. Elle exaltera les actes
de génie de tous les baroques de l’Art. C’est le poète X… qui la dirigera.
Tout
écrivain-aspirant arriviste est chef d’école. Ça fait bien sur les cartes de
visite : Chef de l’École baroquiste.
Il est inutile de recruter des adeptes. De temps à autre, pour faire croire
qu’on en a, on se contente d’envoyer à la presse une note dans ce genre : Avant-hier a eu lieu, au Café des Deux
Dragons, une réunion de l’École Baroquiste. Son chef, l’admirable poète X…, a
soulevé les applaudissements de l’assistance en parlant du Baroquisme. À la
sortie, il fut porté en triomphe.
Vous voyez le truc. Vous rendez compte
d’une réunion qui n’a pas eu lieu et le tour est joué.
P.-S. La présentation de cette série d'articles publiés dans L'Aurore en 1914 se trouve ici. Ils ont été retrouvés grâce à Gallica.