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L'Univers n'a pas besoin de Dieu pour exister

Publié le 17 mai 2014 par Blanchemanche

Par Christophe Doré
Stephen Hawking défend l'idée d'une théorie justifiant une création
spontanée de l'Univers.
Nous ne vivons chacun que pendant un bref laps de temps au cours
duquel nous ne visitons qu'une infime partie de l'Univers. Mais la
curiosité, qui est le propre de l'homme, nous pousse à sans cesse nous
interroger, en quête permanente de réponses. Prisonniers de ce vaste
monde tour à tour accueillant ou cruel, les hommes se sont toujours
tournés vers les cieux pour poser quantité de questions : comment
comprendre le monde dans lequel nous vivons? Comment se comporte
l'Univers? Quelle est la nature de la réalité? D'où venons-nous?
L'Univers a-t-il eu besoin d'un créateur? Même si ces questions ne
nous taraudent pas en permanence, elles viennent hanter chacun d'entre
nous à un moment ou un autre.
Ces questions sont traditionnellement du ressort de la philosophie.
Mais la philosophie est morte, faute d'avoir réussi à suivre les
développements de la science moderne, en particulier de la physique.
Ce sont les scientifiques qui ont repris le flambeau dans notre quête
du savoir. Cet ouvrage a pour but de présenter les réponses que nous
suggèrent leurs découvertes récentes et leurs avancées théoriques.
L'image qu'elles nous dessinent de l'Univers et de notre place dans ce
dernier a radicalement changé ces dix ou vingt dernières années, même
si ses premières esquisses remontent à près d'un siècle.
Dans la conception classique de l'Univers, les objets se déplacent
selon une évolution et des trajectoires bien définies si bien que l'on
peut, à chaque instant, spécifier avec précision leur position. Même
si cette conception suffit pour nos besoins courants, on a découvert,
dans les années 1920, que cette image «classique» ne permettait pas de
rendre compte des comportements en apparence étranges qu'on pouvait
observer à l'échelle atomique ou subatomique. Il était donc nécessaire
d'adopter un cadre nouveau: la physique quantique. Les prédictions des
théories quantiques se sont révélées remarquablement exactes à ces
échelles, tout en permettant de retrouver les anciennes théories
classiques à l'échelle du monde macroscopique usuel. Pourtant, les
physiques quantique et classique reposent sur des conceptions
radicalement différentes de la réalité physique.
Le libre arbitre
C'est à Laplace (1749-1827) que l'on attribue le plus souvent la
préformulation claire du déterminisme scientifique: si l'on connaît
l'état de l'Univers à un instant donné, alors son futur et son passé
sont entièrement déterminés par les lois physiques. Cela exclut toute
possibilité de miracle ou d'intervention divine. C'est, en fait, le
fondement de toute la science moderne et l'un des principes essentiels
qui sous-tendent cet ouvrage. Une loi scientifique n'en est pas une si
elle vaut seulement en l'absence d'une intervention divine. On
rapporte que Napoléon, ayant demandé à Laplace quelle était la place
de Dieu dans son schéma du monde, reçut cette réponse: «Sire, je n'ai
pas besoin de cette hypothèse.»
Les hommes vivant dans l'Univers et interagissant avec les autres
objets qui s'y trouvent, le déterminisme scientifique doit également
s'appliquer à eux. Nombreux sont cependant ceux qui, tout en admettant
que le déterminisme scientifique régit les processus physiques,
voudraient faire une exception pour le comportement humain en raison
de l'existence supposée du libre arbitre. Ainsi Descartes, afin de
préserver ce libre arbitre, affirmait-il que l'esprit humain différait
du monde physique et n'obéissait pas à ses lois. Selon lui, toute
personne était composée de deux ingrédients, un corps et une âme.
Tandis que les corps n'étaient rien d'autre que des machines
ordinaires, les âmes échappaient, elles, à la loi scientifique.
Descartes, féru d'anatomie et de physiologie, tenait un petit organe
situé au centre du cerveau, la glande pinéale, pour le siège de l'âme.
Selon lui, toutes nos pensées prenaient naissance dans cette glande
qui était la source de notre libre arbitre.
Les hommes possèdent-ils un libre arbitre? Si c'est le cas, à quel
moment est-il apparu dans l'arbre de l'évolution? Les algues vertes ou
les bactéries en possèdent-elles ou bien leur comportement est-il
automatique, entièrement gouverné par les lois scientifiques? Ce libre
arbitre est-il l'apanage des seuls organismes multicellulaires ou bien
des seuls mammifères? On peut croire que le chimpanzé fait preuve de
libre arbitre lorsqu'il choisit d'attraper une banane, ou encore le
chat quand il lacère votre divan, mais qu'en est-il du ver nématode
Caenorhabditis elegans, créature rudimentaire composée de 959
cellules? (...)
Bien que nous pensions décider de nos actions, notre connaissance des
fondements moléculaires de la biologie nous montre que les processus
biologiques sont également gouvernés par les lois de la physique et de
la chimie, et qu'ils sont par conséquent aussi déterminés que les
orbites des planètes. Des expériences menées récemment en
neurosciences viennent nous conforter dans l'idée que c'est bien notre
cerveau physique qui détermine nos actions en se conformant aux lois
scientifiques connues, et non quelque mystérieuse instance qui serait
capable de s'en affranchir. Une étude réalisée sur des patients opérés
du cerveau en restant conscients a ainsi pu montrer qu'on peut
susciter chez ceux-ci le désir de bouger une main, un bras ou un pied,
ou encore celui de remuer les lèvres et de parler. Il est difficile
d'imaginer quel peut être notre libre arbitre si notre comportement
est déterminé par les lois physiques. Il semble donc que nous ne
soyons que des machines biologiques et que notre libre arbitre ne soit
qu'une illusion.
La théorie ultime du Tout
On peut formuler les théories quantiques de bien des façons, mais
celui qui en a donné la description la plus intuitive est sans doute
Richard (Dick) Feynman, personnage haut en couleur qui travaillait au
California Institute of Technology le jour et jouait du bongo dans une
boîte à strip-tease la nuit. D'après lui, un système n'a pas une
histoire unique, mais toutes les histoires possibles. Pour tenter de
répondre aux questions formulées plus haut, nous expliciterons
l'approche de Feynman et nous l'utiliserons afin d'explorer l'idée
selon laquelle l'Univers lui-même n'a pas une seule et unique histoire
ni même une existence indépendante. Elle peut sembler radicale même
pour nombre de physiciens et, de fait, elle va, comme beaucoup de
notions courantes aujourd'hui en science, à l'encontre du sens commun.
(...)
On dispose aujourd'hui d'une prétendante au titre de théorie ultime du
Tout, si elle existe. Baptisée «M-Théorie», elle peut apporter des
réponses à la question de la création. Pour elle, non seulement notre
Univers n'est pas unique, mais de nombreux autres ont été créés à
partir du néant, sans que leur création ne requière l'intervention
d'un être surnaturel ou divin. Ces Univers multiples dérivent de façon
naturelle des lois de la physique. Ils représentent une prédiction
scientifique. Chaque Univers a de nombreuses histoires possibles et
peut occuper un grand nombre d'états différents longtemps après sa
création, même aujourd'hui. Cependant, la majorité de ces états ne
ressemblent en rien à l'Univers que nous connaissons et ne peuvent
contenir de forme de vie. Seule une poignée d'entre eux permettraient
à des créatures semblables à nous d'exister. Ainsi, notre simple
présence sélectionne dans tout l'éventail de ces Univers seulement
ceux qui sont compatibles avec notre existence. Malgré notre taille
ridicule et notre insignifiance à l'échelle du cosmos, voilà qui fait
de nous en quelque sorte les seigneurs de la création.
L'origine des temps
La question de l'origine des temps est en quelque sorte analogue à
celle du bord du monde. A l'époque où on pensait que le monde était
plat, certains ont dû se demander si la mer tombait en arrivant au
bord. L'expérience a permis de répondre à cette question: il était
possible de faire le tour du monde sans tomber. La question du bord du
monde a en réalité été résolue lorsqu'on a compris que la Terre
n'était pas une assiette plate, mais une surface courbée. Le temps, en
revanche, nous apparaissait comme une voie de chemin de fer. Si
commencement il y avait, il avait bien fallu quelqu'un (autrement dit
Dieu) pour lancer les trains. Même après que la relativité générale
eut unifié temps et espace en une seule entité appelée espace-temps,
le temps continuait de se distinguer de l'espace : soit il avait un
commencement, soit il existait depuis toujours. En revanche, dès qu'on
incorpore les effets quantiques dans la théorie relativiste, dans
certains cas extrêmes la courbure peut être si intense qu'elle amène
le temps à se comporter comme une dimension supplémentaire d'espace.
Dans l'Univers primordial si concentré qu'il était régi à la fois par
la relativité générale et la physique quantique coexistaient
effectivement quatre dimensions d'espace et aucune de temps. Cela
signifie que, lorsque nous parlons de « commencement » de l'Univers,
nous éludons habilement un subtil problème: aux premiers instants de
l'Univers, le temps tel que nous le connaissons n'existait pas! De
fait, nous devons admettre que notre conception familière de l'espace
et du temps ne s'applique pas à l'Univers primordial. Cela échappe
peut-être à notre entendement ordinaire, mais pas à notre imagination
ni à nos mathématiques. Pour autant, si les quatre dimensions se
comportent dans cet Univers naissant comme des dimensions d'espace,
qu'advient-il du commencement des temps? (...) Lorsqu'on combine
relativité générale et physique quantique, la question de ce qu'il y
avait avant le commencement de l'Univers perd tout sens. Ce concept
consistant à voir les histoires possibles comme des surfaces fermées
sans frontière porte le nom de condition sans bord.
Au cours des siècles, nombreux ont été ceux qui, tel Aristote, ont cru
que l'Univers était présent depuis toujours, évitant ainsi d'affronter
l'écueil de sa création. D'autres au contraire ont imaginé qu'il avait
eu un commencement, utilisant cet argument pour prouver l'existence de
Dieu. Comprendre que le temps se comporte comme l'espace permet de
proposer une version alternative. Celle-ci, écartant l'objection
éculée qui s'oppose à tout commencement de l'Univers, s'en remet aux
lois de la physique pour expliquer cette création sans recourir à une
quelconque divinité.
Y a-t-il un grand architecte dans l'Univers?, de Stephen Hawking et
Leonard Mlodinow, Odile Jacob, 238p.,
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