Ligne d’eau // De Tomasz Wasilewski. Avec Matheusz Banasiuk, Marta Nieradkievicz et Bartosz Gelner.
Ce mois ci, le film LGBT du mois nous vient de Pologne. Ce n’est pas le premier film qui parle de la complexité d’aimer un homme dans une société conservatrice qui nous
conditionne à aimer une femme. Ligne d’eau m’a fait penser à Free Fall, ce film allemand qui mettait en scène comment deux hommes sont tombés amoureux l’un de
l’autre et ont tenté de vivre leur histoire d’amour malgré la vie de famille de l’un et les envies de l’autre. Il nous parle également de la difficulté d’être gay en soi dans une société qui
interdit plus ou moins de l’être. Le film raconte une belle histoire d’amour, troublante car l’on ne sait pas vraiment comment la comprendre et puis rapidement le tout devient de plus en plus
sombre. On ne peut pas expliquer l’amour que l’on peut porter envers une femme ou un homme et c’est là toute la complexité de la chose. Le jeune Tomasz Wasilewski met tout cela
en scène avec beaucoup d’aplomb. Le film parle énormément de choses, que cela soit de l’amour, de la difficulté d’affronter et assumer ses propres sentiments ou encore l’homophobie qui finalement
n’a aucune frontière. On sent au début le film très linéaire avec la présentation de la vie bien rangée de Kuba. Sauf que l’on voit à quel point Kuba n’est pas quelqu’un qui se complait dans
cette vie. Il a besoin de liberté.
Kuba, jeune homme sportif, semble promis à un brillant avenir. Il s'entraine intensivement pour devenir champion de natation. Mais entre les compétitions, sa petite amie et sa mère possessive
chez qui il vit toujours, il se sent prisonnier. Un soir il rencontre Michal, un garçon à la beauté troublante qui
le fascine instantanément... Et tout bascule. Malgré le poids d'une société polonaise restée très conservatrice, il se met à rêver d'une autre vie, d'un autre possible, et va tout faire pour
vivre cette nouvelle passion...
Coincé entre sa mère et sa femme, sa rencontre avec Michal va changer les choses et lui offrir la liberté dont il avait réellement besoin. Cela passe notamment par une scène très symbolique à
bord d’un train de marchandises. Cette scène est l’une des meilleurs du film. Elle n’est pas parfaite mais elle symbolise parfaitement le premier pas vers la liberté du héros. La liberté a un
prix, celui de ne pas vraiment pouvoir vivre tout ça au grand jour car ce serait se mettre à dos une partie de la société qui est homophobe ou encore sa femme et sa mère qui sont forcément là
pour le juger également. Ligne d’eau ne manque donc pas de qualités même si parfois on aurait pu apprécier qu’il aille encore plus loin. Le film cherche aussi d’autres états,
comme le silence ou la sensualité. Les deux se marient même très bien et sont très explicites. Il n’y a pas toujours besoin de mots pour comprendre les gens. Je suppose que si vous avez déjà vécu
une relation amoureuse, souvent par un regard on peut se dire pas mal de choses. C’est ce que tente de retranscrire Ligne d’eau avec simplicité. Le scénariste, certainement
fasciné par l’eau, utilise ça afin de faire évoluer son film.
On passe de la piscine, très linéaire, très carré avec un entrainement strict à un lieu beaucoup plus libre où il n’y a pas ces fameuses « Ligne d’eau » pour délimiter
l’espace alors que Kuba fait des longueurs dans un plan d’eau de la région. Le film utilise également la baignoire comme moyen de resserrer les personnages et l’ambiance du film. C’est devenu
tout d’un coup plus dramatique. Parler de la bisexualité n’a jamais été très facile et de l’homophobie non plus. Surtout en évitant les clichés qui sont nombreux. Fort heureusement, Ligne
d’eau est surprenant de ce point de vue là, évitant les clichés et se concentrant sur ce qui fait la force d’une histoire d’amour et sur la violence qui peut animer les uns et les
autres. Finalement, voilà un film particulièrement beau. Une mise en scène suffisamment belle pour nous donner envie d’en voir beaucoup plus encore. La fin frustre même le spectateur même si l’on
se doute de tout ce qui s’est réellement passé par la suite. Le polonais Tomasz Wasilewski est donc un réalisateur à suivre, primé au dernier festival du film de
Tribeca.
Note : 8/10. En bref, d’amour et d’eau fraiche.