Par Jean-Paul Piérot. Lors du débat organisé entre postulants à la présidence de la Commission européenne, Alexis Tsipras a porté le fer contre la politique d’austérité. Une rencontre importante, boudée par le service public France Télévision.
« Je suis Alexis Tsipras, candidat de la Gauche européenne et je viens de Grèce. Mon pays a été choisi comme cobaye pour l’austérité la plus dure. Ses résultats, je ne les souhaite à personne de les vivre, je le les souhaite à aucun autre peuple ». D’emblée, jeudi soir au Parlement européen à Bruxelles, le leader de Syrisa, a porté le fer contre la politique d’austérité dès les premières minutes du débat auquel il participait avec les quatre autres postulants à la présidence de la Commission européenne : le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker (Parti populaire Européen-droite), le libéral belge Guy Verhofstadt, le social-démocrate allemand Martin Schulz et sa compatriote écologiste Ska Keller. Cette unique confrontation à l’échelle européenne entre les chefs de file des grandes familles politiques représentées au Parlement européen avait été boudée par le service public France Télévision, au prétexte qu’un échange à cinq voix, en traduction simultanée n’était pas un « événement télévisuel ». Ses responsables, en d’autres termes, semblent préférer les matchs de catch entre deux champions présélectionnés par leurs soins, avec si possible l’incontournable Marine Le Pen. En l’occurrence, la galaxie de l’extrême droite et du populisme ne présentant de candidat au remplacement de José Manuel Barroso, le débat aurait-il perdu tout intérêt aux yeux des responsables de France Télévision ? Toujours est-il que sa diffusion fut « reléguée » aux chaînes d’informations et parlementaires, qui ont eu l’opportunité de démontrer qu’un débat portant sur les questions de fond pouvait être intéressant.
Les échanges ont parfaitement montré les lignes de partage et les oppositions sur les politiques d’austérité. Bien sûr personne n’a défendu cette tragédie sociale, selon le terme de Tsipras, on a même entendu Jean-Claude Juncker visiblement sur la défensive s’agacer du mot « austérité » s’emporter « Nous n’avons pas aidé les banques pour les beaux yeux des banquiers » et assurer « j’ai tout fait pour la Grèce ! » Aussi bien lui-même - « nous avons accumulé dettes et déficits, il nous faut continuer larigueur »- que Guy Verhofstadt «On ne peut s’endetter davantage » n’ont eu de cesse que de défendre l’orthodoxie financière. De son côté, oubliant le temps d’un débat la cogestion européenne entre la droite et les sociaux-démocrates, Martin Schultz a regretté que l’on ait taillé dans les budgets publics, a critiqué les banques qui spéculent, réclamé des taux d’intérêts bonifiés pour les PME, souligné l’importance de la fraude fiscale. Ska Keller a prôné la création d’emplois dans le cadre de la transition écologique, dans les énergies renouvelables. « On ne sortira pas du chômage de masse sans remettre en cause la politique d’austérité », a démontré Alexis Tsipras, proposant l’effacement d’une partie des dettes publiques.
L’Union européenne souffre d’une grave crise de confiance. « Nous voulons sauver l’Europe en la changeant » a lancé Alexis Tsipras, pour qui les responsables de l’euroscepticisme sont les partis au pouvoir dans les institutions de l’UE ». Ska Keller a dénoncé le secret et le huis-clos qui entourent les négociations sur le traité transatlantique. Pour Martin Schulz, il faut regagner la confiance de l’immense majorité des Européens qui gagnent entre 1000 et 2000 euros. Les élections européennes doivent déterminer le choix de qui présidera la Commission. Il serait inconcevable qu’il en soit autrement, ce qui fit dire à Martin Schulz que le futur président de la Commission se trouvait dans la salle. Une exigence justifiée, même si évidemment il pensait à lui-même. Cependant, la voix qui fit la différence, jeudi soir dans l’enceinte du parlement européen, venait de Grèce, de ce pays où socialistes, conservateurs et libéraux ont toujours affirmé qu’il n’y avait pas d’alternative à l’austérité.
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