Il y a quelques jours se déroulerait le festival de rock de Sail-sous-Couzan. On a suivi le punk’n rock n’so famous band les Gay Truckers, from Montbrison City rock. Une histoire de décibels, de chiens, de bières et de portable sans réseau…
Le festoch’ c’est par là…
« Tu sais quoi, l’autre jour on a reçu de demandes d’ami sur Facebook, c’étaient des types bodybuildés. Y’en avait de Turquie, Tunisie et Californie. Les mecs croyaient qu’on était une sorte de club gay, genre un club de rencontre, pour se filer des plans et des tuyaux ». Voilà, c’est ça de s’appeler Gay Truckers, Les camionneurs gays… Faut assumer après, hein… Les mecs avaient rendez-vous à Sail-sous-Couzan, une ville surtout connue pour avoir donné naissance au seul entraîneur ayant donné la coupe du monde aux Français, un certain Aimé Jacquet, Mémé pour les intimes. Parce que Sail-sous-Couzan, comment dire, faut quand même en vouloir… On ne vas pas cracher sur les gens qui sont nickels comme il faut, mais quand même, faut pas déconner, y’a des limites à tout… Déjà tu arrives dans le village et tu te rends compte que tu es fait comme un rat. Prisonnier, sans réseau ni thunes, rien ! J’t’explique : là-bas, le téléphone portable ne marche pas, sauf si tu es chez SFR, et comme je suis chez Orange… le pire, c’est que lorsque j’ai voulu tirer des sous, une bande de jeunes bénévoles du festival m’indique qu’il faut aller à la boucherie, et que là-bas, ça devrait le faire. Sauf que là-bas, une fois entré, je demande si je suis bien au bon endroit – entre les saucisses et les côtes de boeuf, donc – pour tirer des sous. Une charmante dame blonde me répond que oui – ouf, sauvé – sauf qu’elle rajoute » mais ça ne marche que si vous êtes au Crédit Agricole »…nwai…et merde, encore loupé. Résultat des courses : pas de tél, pas de thunes, ou si peu, et donc ne pas tout dépenser en tournées…
Le festival de Sail-sous-Couzan j’en avais entendu parler depuis longtemps. À l’époque ça jouait devant le Château – ou ruines- situé tout en haut d’une colline à belle pente raide – mais où on a le réseau… mais bon faire deux bornes pour lever le bras en l’air et capter les ondes et les aliens, ça a ses limites… De toute façon, de château, il n’était plus question puisque le festival se déroulait désormais dans la salle des fêtes adjacente à la mairie. J’avais eu une première fois Cécilien au téléphone pour lui demander la bonne direction : il était trois heures de l’après-midi et j’avais eu l’impression de l’avoir réveillé vu sa voix légèrement endormie. Mais non, c’est juste que c’était dur de remettre la machine en route me répondit-il. Le festival durait trois jours de suite avec du rock, du punk et du métal au programme. Et quelques bières. Bref, tout ce qu’on aime.
La salle était située juste à côté d’un grand champ où les tentes et punks à chiens faisaient partie du décor. Les chiens allaient d’ailleurs traîner jusque dans la salle pendant les concerts. Enfin, pas souvent non plus. Juste de quoi donner une atmosphère bien roots, bien punk. Pour être tout à fait complet, il y avait également un lapin rose qui traînait dans la foule. Bon, ok, y’avait un mec dedans. Bon, ok, il était bourré le mec.
La première soirée voyait défiler Olibrius, les Affranchistes – un groupe dont je ne peux dire que du bien, mais je ne peux pas trop vu que ce sont des copains. Mais bon… – Les Ejectés et Bastards on Parade.
Des romains, des hot-dogs et Phil Collins.
Deux romains et une seule gaule…
Le jour numéro 2 commence pour sa part avec une étrange histoire de hot dogs. Deux types parlent ensemble du fameux chien chaud… bon, je laisse courir. Sauf que les deux mecs remettent ça un peu plus loin alors que Cécilien vient m’accueillir. En gros, c’est l’histoire d’un type – Romain, oui, c’est toi; oui c’est lui – qui, hier soir, alors à la buvette, a fait un hot dog qu’il a réussi à vendre sans saucisse. Comme je sais que ce genre d’histoire vous passionne, voici les explications, de la bouche même de Romain – un autre, ce qui fait deux Gaulois romains. Hum. Ok. Dehors, c’est ça ? – , qui me raconte… » donc il tend son hot dog au mec, mais quand il le lui donne, la saucisse tombe au même moment. Mais le mec ne s’aperçoit de rien, et il part avec… pour revenir quelques instants après. » L’histoire, apparemment, ne s’arrête pas là, mais on ne va pas abîmer vos oreilles si chastes.
Dans la salle, je retrouve mon pote Denis, oui, celui avec qui il s’est passé la fameuse histoire sous la douche. J’ai d’ailleurs remarqué que cette histoire avait intéressé beaucoup de monde… Ce qui s’est réellement passé, je le répète encore une fois, ne pourra jamais être raconté, du moins pas avant que Denis soit grand-père. Là, peut-être…
Les Gays Truckers étaient donc en pleine répète, et ça sonnait comme d’hab, faux. Ahahaha. Évidemment que ça jouait du bon punk rock, sinon je ne me ferais pas chier à écrire sur ces types mêmes pas gay… l’arnaque. Même pas cap’ de se rouler une pelle. Bon, après la répète, et les bisous à tout le groupe – oui, des bisous…- on file dans les loges et la cuisine voir comment ça se passe. Ce qui est bien avec les gens du staff c’est qu’ils sont très accueillants. Y’ a par exemple ce type de trois mètres de haut, bien baraqué, léger bouc et cheveux en pétards, tu ne le connais de nulle part et il te claque la bise comme si tu étais un pote de trente piges. Bref, les mecs sont cool. Viens le temps de manger et inévitablement les Gay Truckers me ressortent leur lot d’anecdotes : « tu te souviens de la fille qui absolument voir la vidéo qu’on matait sur notre portable. Elle s’est approchée et elle a vu que c’était une vidéo de cul. Elle n’a pas trop aimé en fait. » ou alors » notre nom ? d’où ça vient ? Tu fais chier avec tes questions. On va dire que ça vient de Turbonegro, ça fera plus crédible qu’une histoire à la con ». Puis il y a la fameuse anecdote des plans gay sur Facebook. Renaud me parle de ses aventures rock à Liverpool et Manchester – enfin, je crois…. Stéphane, lui, fait semblant d’écouter Renaud, mais il a ce fameux regard en coin qui signifie qu’il n’écoute pas Renaud, mais qu’il tend bien l’oreille vers la conversation d’à côté. Petit malin.
Évidemment, ça serait bien salaud de balancer Stéphane qui a fait ce coming-out : « ouiiiiiiiii j aime Phil Collins et alors ? ». Restons gentlemen. Vince, j’ai pas envie d’en parler, il n’a fait que me vanner…mais il parle quand même beaucoup de cul… tout comme Renaud dont la présence de filles à côté ne le gêne pas le moins du monde… un moyen d’assumer et de pécho ? Merde, il est peut-être en couple….bon j’ai rien dit, Renaud parle de rock, pas plus. De rock et de cul. Régis, lui, bouffe tranquillou les pâtes et le gratin, avec quelques bières ici et là…le calme avant la tempête ? Enfin, Denis a le regard dans le vide… on sent bien que son portable sans réseau le frustre drôlement. Mais de quoi ?
C’est maintenant l’heure de la photo souvenir à Manu. Manu qui ? » Manu c’est l’organisateur d’un festoch’ qui se déroule à La Bruffière,un p’tit bled en Vendée. une crème ce mec, un fan de l’asse depuis toujours, et accessoirement un passionné de VW et notamment de sa célèbre »beatle » Dixit Régis. Le Manu en question avait demandé une photo du groupe avec les Vilains Clowns. Bon, rassemblement, ouistiti et clic.
Cd gratuits, vilains clowns et un mec qui devait pas tomber et qui tombe
Puis vient le show. Après tout, on est là pour ça. Le temps de mettre les livres sur le stand réservé à cet effet, d’allumer une petite lampe et les Gay Truckers arrivent comme d’hab avec leurs costumes de policier et prennent d’assaut la scène et une foule qui est prévue pour atteindre les 350 entrées me dira plus tard Cécilien. Pour l’anecdote les Gay Truckers avaient déjà joué au festival, enfin, disons, presque joué. En effet, 2011 : arrivés sur la scène du crime, prêts à déballer le matos, les mecs apprennent que leur batteur vient de les lâcher. Au téléphone, l’homme en question bafouille des excuses. Bon, en fait, lui, le live, il ne le sent pas. Bon, en fait, il flippe. Du coup, le groupe reste à quai. Cette année sera donc la bonne. Les gars jouent les titres de leur album nouvellement sorti -et pour une fois ils n’oublient pas de le signaler, pas comme lors de l’autre concert … -et ça commence par « Peter Crouch », un ancien joueur de Liverpool. Oui, joueur de foot, pas de badminton… Ce love english player les fera d’ailleurs remarquer sur les ondes de sa gracieuse majesté, chroniqués dans un webzine punk des plus populaires outre-Manche. Bref, les Gay Truckers ont encore donné du leur et le leur était bon. Les suivants étaient venus d’Espagne, rien que ça, pour démontrer si besoin était que leur rock en valait bien d’autres. Le rock espagnol est bien entendu festif et El Lilo n’a pu faire autrement que mettre le feu à la salle.
to be a gay trucker or to be hetero…
Entre deux concerts venait alors le moment de parler avec le public. Deux livres retenaient leur attention : Cadavres Exquis et Trash Palace. À mes côtés, Denis Snoopy mais-putain-pourquoi-y’a-pas-de-réseau-ici et un type plutôt balaise, style ours, mais vous savez un ours adorable. Le mec a regroupé plusieurs fanzines punks faits à l’ordi et à la photocopieuse. Dans celui intitulé » Mononoke, on y trouve des chouettes articles sur le rock et le métal au Vénézuéla ou en Chine. Et dans la France, bien sûr. Dans la foulée un type -Vincent me dira-t’il plus tard- vient me voir, essaye de me parler – mais avec le bruit du concert, juste impossible – et surtout me refile un skeud qu’il m’articule « c’est gratuit, lis les notes dans le cd, tout est expliqué ». Bon. Ok. On ne va pas dire non, hein. Après coup il m’expliquera que ce cd, Taenia Solium – est le résultat d’une démarche anticommerciale, est est distribué à 2000 exemplaires, qu’il y a eu beaucoup de concerts pour pouvoir dégager des bénéfices et que bref, c’est DIY – Do It Yourself-comme on aime. Dans la même lignée, je conseille la compile de Black Boat Asso avec un max de punk lyonnais. Oui, il y en a à Lyon qui ne sont pas coinçés. En passant, on n’oubliera pas oublier de signaler que l’ASSE a fini devant l’OL cette année…
Le groupe suivant, c’est Go Fast, en remplacement des Molards, finalement restés à quai.. Encore un coup du batteur ? Du gros, gros son les Go Fast, mais j’avoue que je n’ai pu tout écouter… J’étais sorti dehors en prendre cinq et aussi histoire de voir ce qu’il se trafiquait hors enceinte. L’ambiance était cool, entre bières et clopes et on aurait dit que tout le monde se connaissait. Les petits villages ont ce charme définitif que personne ne se prend la tête. Normal, tout le monde se connaît. Par contre, autant le dire de suite, j’ai rarement vu autant de mecs bourrés. Mais bien bourrés en plus. À vrai dire, monde cruel s’il en est, certains semblaient d’abord être là pour se bourrer la gueule plus que pour les groupes, et ça aussi c’est l’effet des petits villages… Régis me racontera d’ailleurs qu’il tenait, bras enroulé autour du torse, un de ses potes, et que celui-ci, bien entamé donc – et pas que par l’alcool, qu’il paraît- lui sortit un « non non je tomberai pas si tu me lâches ». Alors, Régis a dit ok. Sauf que le type est, fatalement, tombé. Et comme il était en haut d’une petite côte, ça a fait bing sur la tête. Mais bon, même pas mal, surtout quand bien plein, le mal c’est toujours pour le lendemain.
Un coca ou un joker ?
Retour à la scène : c’est le tour des Vilains Clowns, groupe culte parmi les groupes cultes. Les mecs ont maintenant de la bouteille, mais on les sent toujours à 100 %. Bien sûr, maquillés en sorte de jokers, ils mettent le feu au public qui ne demande pas mieux. Regardant le show des loges, je vois donc le groupe descendre de scène et de se poser sur des chaises, histoire de reprendre leur souffle. Et c’est dans ces instants où tu aimerais être tranquille que débarque un type…oui, bourré, et qui vient un poil te casser les couilles – mais un poil, justement, car s’apercevant que le musicien ne rentre pas dans son jeu, l’autre dégage aussi sec, enfin, si on peut dire…- ou alors ce sont deux jeunes femmes fans pleines d’enthousiasme, mais qui n’arrêtent pas de jacasser ok, des femmes, quoi- quand le mec voudrait reprendre ses esprits. D’après ce que je comprends, elles lui demandent s’il ne pouvait pas jouer tel titre, un truc comme ça. Ces nanas sont gentilles – et l’une d’entre elles vraiment bien foutue- débordantes d’énergie, mais mollo quoi, cinq minutes… En même temps, on voit bien que les musiciens ont l’habitude de gérer ce type d’histoire, qu’ils en ont vu un paquet défiler sous leurs yeux et que merde, le monde n’est qu’un éternel recommencement.
Une histoire de foot et » Tu veux un verre d’eau ? »
Toujours dans les loges, je me fais alors chopper par un type qui porte les couleurs de l’A.S Couzan. Le type d’une trentaine d’années me dit que le plus dur c’est de faire comprendre aux jeunes de faire gaffe, de pas trop sortir, de ne pas se faire confisquer le permis et plein de conneries adolescentes de ce style. Ok, je ne suis pas une balance. Je ne le dirais pas. Imaginez que les joueurs tombent sur l’article… qu’est-ce qu’il n’entendrait pas… Non, chut. Voeu de silence.
IL ÉTAIT BOURRÉEEEE !!!!!
Puis Regis se pointe. Régis, c’est l’intello de la bande et pas seulement à cause de ses lunettes. Prêt à refaire le monde en une nuit, toujours là pour discuter musique jusque dans ses moindres détails. Je profite de son enthousiasme pour le demander si ça le gênait que j’essaye d’écrire un texte ou deux pour le groupe. C’est toujours un sujet délicat, car pour beaucoup de compositeurs, les paroles sont quasi sacrées, domaine qu’on ne peut effleurer, car après tout, c’est vrai, on touche à l’essence même du message. Sauf que Régis est différent. Pas de problème qu’il me dit. Je continue à tâter le terrain. J’aimerais bien écrire un texte sur le foot…. pourquoi pas? Ok. Diego Maradona ? Hum, non, Manu Chao en a déjà fait un…. Gazza ? Excellent l’ami… Gascogne, en voilà un bien barré…
Se barrer, il est temps. Il est quatre heures du mat’ et avec Denis ont va sous la douche, euh, sous la couette, enfin, chacun dans son coin, hein. N’allez pas imaginer des choses que vous imaginez déjà. On rentre donc dans sa luxueuse villa – où il y a un réseau….- et on refait le festival. Enfin, pas longtemps. Morphée, quoi. À dix heures, il viendra me réveiller » tiens, tu veux pas un verre d’eau ? » me dit-il. Je regarde mon portable : 10 heures. Je lui dis » mais ça va pas putain, je veux dormir là ! ». Denis, quoi… J’arriverais à faire tirer jusqu’à 13 heures.
Manu a plein, plein de copains…
Pour être complet, citons les autres groupes du samedi : la Société a mauvaise haleine, Ed Cox, El Noi del Sucre et Drowning Dog Dj Malatesta, sans parler du festival de rue.
On aura beau dire, on aura beau taquiner, les petits villages et la campagne, c’est sûr, y’ a pas le clinquant et les stars des gros festivals, mais c’est sans doute pas plus mal. Car vous savez quoi ? Ils ont une âme. Une dimension humaine pas rongée par le tout commercial… Cécilien, donc le président de l’asso des jeunes de Sail, n’en est pas moins la face immergée de toute une équipe, comme il ne cesse d’ailleurs de le répéter. Cécilien doit avoir dans les trente piges et il est tombé dans le festival d’une part parce que sa mère tenait le bar du village – et donc, connaissait tout le monde- et d’autre part, euh… bon, j’ai pas d’autre part, mais je suppose qu’il faut bien faire vivre la ville. Accessoirement, il doit aimer le rock… En tout cas, le mec vous reçoit aux petits oignons. On parle quand même d’un festival où vous avez quatre concerts pour cinq euros. Trouvez mieux.
Ainsi, prions Dieu -même s’il n’existe pas, faut pas se leurrer – que les mecs et les filles de Sail continuent à faire ce qu’ils font de mieux – non, pas boire - faire tourner ces groupes qui sont le son – oui, le sont le son – le rock de France. On n’a pas la chance d’avoir eu les Beatle, les Stones, les Clash ou Led Zepellin, on n’est pas issu de la matrice anglaise ou américaine, mais en France, on a une armée de bénévoles, prête à tout pour en découdre avec ce bon vieux rock français qui ne passe pas forcément à la télé – et c’est tant mieux sans doute vu ce qui y passe – mais qui a une âme, et qui le démontre chaque jour dans chaque recoin de la France. C’est ce qu’on appelle créer un réseau…
Un réseau qui marche….