les peuples sont débilités
on a promis la liberté
sans histoire et sans analyse...
Ces dénonciations sont pointées de part et d'autre d'un thème récurrent et axial : dans un poème, on peut lire : je décède à petit feu [...] je deviens la mort qui court / à mes basques ; dans un autre : la mort serait délivrance / si l'on ne l'attendait pas / on meurt sans cesse d'avance [...] on sait que la moindre envie // de compter sur l'avenir / est un leurre et le miroir / ne reflète que du noir ; dans un troisième : ma mort ne m'appartient pas... Jean-Claude Pirotte affronte donc son destin avec gravité et courage, il n'empêche que, pour éviter apitoiement et complaisance, il aime détourner son drame intime en écritures ludiques et ne se lasse pas de jouer sur la forme qu'il a choisie et qu'il articule et retourne comme à sa main un gant : le sonnet. Le mètre varie entre l'heptasyllabe et l'octosyllabe, court en tout cas, qui confère davantage de nervosité au poème, et s'adapte mieux à l'esprit malicieux et caustique de l'auteur. Le poète se plait aussi à jouer sur les rimes, même s'il écrit par ailleurs :
La rime est bien nécessaire
pour cacher le vide obscène
des poèmes,...
il n'est qu'à prendre en exemples ces paires dépareillées : club et pub' ou toc et bric-à-brac, ou voisin et muezzin ou mieux encore : prologue avec loque, éloges et langue ! Il se plait maintes fois à défaire, comme il l'écrit lui-même, l'ordre corseté du sonnet.
Ce livre est loin d'être aussi anodin et rieur que le suggèrerait le titre, il reflète les contradictions, paradoxes et ambiguïtés d'un auteur devant sa page et d'un homme devant son existence.
[Jacques Morin]
Jean-Claude Pirotte, Gens sérieux s'abstenir, Le Castor astral, 2014, 13 €. www.castorastral.com