LE BAPTÊME (d'aprés Maupassant)
La famille et les invités
Quittaient la chapelle.
On jetait des dragées.
Après avoir posé son surplis sur l’autel
Le curé, oncle du bébé baptisé,
Prenait place dans le défilé.
La mère, lassée de porter
Son nouveau-né, dit à l’abbé :
« Tenez un brin vot’ neveu
Pendant que j’ me dégourdis un peu.
J’ai une crampe dans l’ bras. »
Maladroitement le prêtre prit le bébé
Et timidement l’embrassa.
La grand-mère s’est alors exclamée :
-« T’ en auras jamais un d’ comme ça ! »
L’abbé allait à grandes enjambées,
Regardait fixement le bébé
Et caressait ses petites joues rondes
Devant tout le monde.
Une jeune fille lui a crié :
-« Si t’en veux un, t’as qu’à l’ dire, curé ! »
Le déjeuner débutait
Et l’on se mit à plaisanter.
C’étaient des mots salés et fripons
Qui faisaient ricaner les filles.
On ne tarissait pas de propos polissons.
Le curé, tranquille,
Restait tout près du bébé.
Il n’entendait rien,
Ne voyait rien.
Du doigt, il agaçait
La petite bouche de son neveu
Pour tenter de le faire rire un peu.
Puis il le prit dans ses bras
Et, devant le mystère de la vie,
Il le considéra
Avec une gravité inouïe.
Devant la race qui continue,
Il montrait une tendresse émue.
Puis, d’un geste tout doux,
Il posa l’enfant sur ses genoux.
Troublé par les clameurs des mangeurs,
L’enfant se mit soudain à pleurer.
Sa mère se leva aussitôt
Et alla le coucher
À l’intérieur,
Dans son berceau.
Comme le repas s’éternisait,
Le prêtre s’était retiré
Sans que personne n’ait remarqué
Qu’il était absent.
Au dessert, la mère alla s’assurer
Que son bébé
Ne s’était pas réveillé.
En s’approchant du berceau,
Elle vit l’abbé
Qui pleurait à gros sanglots…