Offrez-vous la Rolex "Constitution", le plus beau symbole de la réussite et de la puissance! Vous ne savez même pas à quoi servent les petits cadrans à l'intérieur, pas grave! L'essentiel, c'est de marquer votre temps en portant ce magnifique objet lorsque, par exemple, vous vous adressez au parlement, même réuni en Congrès.
Un vrai Président mérite de refaire sa République à sa guise, et seuls les Très Grands sont dignes d'afficher à leur tableau de chasse une véritablement modification de la Constitution. Après tout, vous le valez bien. Vous valez bien la Rolex "Constitution".
...enfin...
Il y a une dizaine ou une douzaine de mois, au tout début de l'ère Fillon (je rigole), celui-ci se déclarait favorable à la suppression de son propre poste, à la faveur d'un régime véritablement présidentiel. Même la Commission Balladur avait proposé ceci :
inscrire à l'article 5 de la Constitution que le président de la République "définit la politique de la Nation". Le gouvernement la "conduit" (article 20)
Au moins comme ça il aurait été possible de s'opposer à quelque chose. A l'époque, on disait qu'il fallait, pour présidentialiser la République, renforcer le parlement. Du coup nous avons une "réforme" censée renforcer la parlement, à tel point que de l'orientation présidentialisante, il ne reste que cette fameuse possibilité pour le Très Grand Homme (TGH) d'aller parler aux parlementaires.
Il y a déjà longtemps, j'avais suggéré que cette obsession avait son origine dans les fréquentations télévisuelles, sans doute des scènes comme celle-ci, où l'on voit les minutes qui précèdent le discours du State of the Union du Président Bartlett, devant le Congrès. La scène est pleine de pompe et de drame.
Il paraît, qui plus est, que notre TGH est un grand fan de ce feuilleton, mais il semble n'en avoir retenu que les démonstrations de la puissance de l'Etat, sans être sensible son idéologie plutôt gauchiste.
Ainsi, le discours devant le Congress français, le State of the Republic, pourrait bien se réduire à une sorte de babiole de plus, à mettre avec les Ray-Ban, l'ex-top model, les chaussures à glands dans la catégorie des signes extérieurs de grandeur.
Car, en somme, cette "réforme" si moderne et si timide, à la fois présidentielle et parlementaire, n'est plus que symbolique : on va symboliser la suprématie du Président vis-à-vis du Premier Ministre en laissant le premier aller à l'Assemblée, sans véritablement présidentialiser davantage le système, et en même temps on avance quelques mesures extrêment timides pour modifier, un peu, le travail des parlementaires, sans jamais oser toucher à l'essentiel.
C'est une "réforme" symbolique à deux niveaux : symboliser le pouvoir du Président, et puis symboliser le pouvoir de ce Président, Monsieur Sarkozy, qui aurait marqué l'histoire d'une "grande" "réforme", beaucoup de vacarme pour rien, comme d'habitude. Et pourtant, si le TGH voulait vraiment parlementariser le système, ce n'est pas comme si les idées manquées. Je lui conseillerais alors d'aller voir, en premier lieu, celles de Marc Vasseur, ou même celles de Migaud et Arthuis qui voudraient donner aux parlementaires la possibilité de proposer des dépenses publiques, en supprimant l'article 40.
Si donc le PS cherche encore des bonnes raisons pour s'opposer à cette "réforme", il n'est pas besoin de chercher très loin : ne pas faire de la Constitution une opération de communication, ne pas entrer dans le jeu du narcissisme d'Etat, ne pas accréditer une "réforme" presque purement symbolique, alors qu'il est si urgent de procéder à des vraies réformes.