Max | Loto

Publié le 16 mai 2014 par Aragon

Je gagne toutes les semaines ou presque, 2, 4, parfois 14 €. Je joue compulsivement une grille, je paie donc une supplément d'impôt volontaire connement. Une chance sur quarante millions de gagner le gros lot je crois, à l'Euro Millions.

Je joue, je rêve, car je veux racheter le théâtre Fémina de Dax, en faire un lieu de créations artistiques théâtrales et autres, d'accueil d'évènements culturels, expos, plein centre de Dax, plein coeur de la cible. Ma belle ville de Dax. Ça tombe en ruine ou pas loin, désaffecté depuis bien longtemps le Fémina. Le bâtiment était superbe quand j'étais gamin. Il est donc fermé depuis des lustres. Pour désamianter faudra plusieurs millions d'euros. Donc je joue pour racheter le Fémina. Quand les poules auront des ratiches Dax sera le phare culturel aquitain. Lors, on ne parlera plus rugby ou corrida, on ne se cassera plus la gueule sur les trottoirs - comme à Nice et comme disait Coluche ou Desproges (?) - en glissant sur les crottes de vieux. Car Dax c'est avant tout des vioques, des curistes, des pénibles, des chiants. Des qui jactent sénilement au ciné pour être sûrs de bien suivre le film avec leurs collègues curistes, ou qui téléphonent sur leur fauteuil comme l'autre jour encore pendant que je regardais "Dans la cour". Des dingues de l'iPhone et du Sonotone.

Je joue et je repense à ce que me disait il y a peu mon pote québécois Pierroro quand il m'a conté l'histoire des Lavigueur après que je lui eu conté moi-même mon "addiction maladive" à l'Euro Millions.

Jean-Guy Lavigueur vivait à Montréal (Québec) dans un quartier hautement pourri. Famille itou pourrie par les difficultés, vie pourrie, épouse & deux enfants morts de maladie, chomdu après 36 ans de boulot jeté brisé cassé éjecté net. Habitat dans un boui-boui insalubre. Se recaser quand on ne sait ni lire, ni écrire, ni compter ? Il joue au Loto comme moi, comme toi, comme nous, et un jour il gagne, ça se passe le 2 avril 1986. Il gagne près de 8 millions de dollars. T'imagines ? Non, t'imagines pas.

Je la fais brève car c'est pas une histoire à raconter, c'est pire que celle de la sardine qui a bouché un jour le port de Marseille. Personne peut croire à une telle histoire. Il gagne, sait qu'il a gagné, fourre le billet gagnant dans son portefeuille de moujik, porte fafiots qu'il paume aussitôt. Vrai. Un chômeur le ramasse dans la rue, voit le numéro gagnant, pourrait empocher la mise mais non, il va chez les Lavigueur, toque à la porte de leur taudis, se fait virer comme un malpropre par le fils car il parle anglais (il vient de Vancouver) et le morpion ne parle que français. Il se démonte pas l'honnête et revient le lendemain où il pourra parler au père qu'est moins con que le fils. Je peux pas tout raconter, si ça vous intéresse lisez les papiers s'y rapportant, liens plus bas. En tout cas, tout y passera dans cette histoire vraie. Du der de der quart monde ils déboulent dans un monde qui ne sera jamais le leur, mais ils y sont "contraints et forcés", ils sont entrés en rafale avec tambours et trompettes chez les ricos, les pétés de caillasse, tout leur est alors acquis : paillettes, strass, matelas de dollars, luxe, pas calme, volupté...

Le constat est clair et tout être humain raisonnable devrait le savoir : Un "riche" même fauché reste un "riche" chez les pauvres et un "pauvre" même riche restera "pauvre" chez les riches. Marx et sa lutte des classes peut se rhabiller. Depuis que le monde est monde y'a un système de castes mondialisé, institutionnalisé. On appartient à une classe et on y reste. Par exemple chez nous à Bordeaux Bernard Magrez milliardaire à la force du poignet, autodidacte et propriétaire entre autre du Château Pape-Clément restera toujours malgré ses efforts d'excellence le fils du maçon, diplômé d'un CAP d'affûteur en scie de bûcheron. Même le cul assis sur le cuir fin de son Falcon privé il restera en filigrane le presque cousin de monsieur Jourdain.

Donc, chez les Lavigueur comme chez Prévert, y'a un putain d'inventaire qui va s'amonceler, s'enchaîner, spirale de folie : millions de dollars bien sûr, analphabétisme, coke, folie, procès, Hell's Angels, manoir, ça flambe inouï pendant trois ans, des morts encore dont papa gagnant Lavigueur en 2000 et puis plus rien. Ils n'ont plus rien, ou peanuts à ce jour. Sur la fin le papa Lavigueur était si écoeuré de ce qu'il avait vécu qu'il avait fait transporter le taudis insalubre, "sa maison", dans le somptueux manoir qu'il avait acheté. Enchâssée à l'intérieur. Et il vivait dans son taudis qu'était à l'intérieur de son château ! Enfin peinard, avec ses guenilles et ses murs en cartons pourris.

Des lendemains qui déchantent s'annoncent alors pour moi quand je gagnerai bientôt le gros lot à l'Euro Millions, mais je vous reparlerai de tout ça le moment venu...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Lavigueur

http://archives.radio-canada.ca/societe/insolite/clips/11226/


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