Découverte par observation directe d’un cas rare et remarquable d’exoplanète géante gravitant très loin de son étoile-parent.
Lointaines, petites et des millions de fois moins lumineuses que leur étoile-hôte, les exoplanètes restent difficiles à débusquer. Pour les astronomes, cela revient à rechercher de minuscules aiguilles dans d’innombrables meules de foin. Une tâche fastidieuse qui réclame, on l’imagine, beaucoup de patience, de persévérance et d’ingéniosité. Pour ce faire, les chercheurs/chasseurs ont le choix entre plusieurs méthodes (transit et vitesse radiale sont les plus employés) pour les découvrir. Les cas d’observation directe sont, quant à eux, assez rares car le plus souvent hors de portée de nos instruments modernes. Sur les quelque 1.800 planètes confirmées à ce jour, seule une vingtaine, en effet, le furent ainsi. Toutefois, un cas remarquable dévoilé par une jeune équipe d’astrophysiciens dans un article à paraître dans The Astrophysical Journal (numéro du 20 mai 2014) laisse entrevoir les promesses offertes par la sensibilité aiguisée des télescopes.
Emmenée par Marie-Ève Naud, étudiante québécoise préparant un doctorat de physique à l’Université de Montréal, une équipe internationale d’astrophysiciens a attrapé dans ses filets une exoplanète massive distante de 2 000 unités astronomiques (soit 300 milliards de km !) de son étoile. Sa période orbitale dépasse de loin toutes celles établies pour d’autres mondes (équivalents) connus, système solaire inclus : 80 000 ans ! Désignée GU Psc b, elle apparait distinctement sur les images collectées dans différentes longueurs d’onde, principalement le rayonnement infrarouge, par les caméras installées au foyer des télescopes de l’Observatoire Gemini-Nord, de l’Observatoire du Mont-Mégantic (Canada), du Canadian French Hawaian Telescope (CFHT) et du Keck Observatory (Mauna Kea à Hawaï). Vu dans un télescope, l’espace entre les deux astres équivaut à la taille angulaire de Saturne. « GU Psc b est un véritable cadeau de la nature » raconte Marie-Ève Naud. « La grande distance qui le sépare de son étoile offre de l’étudier en profondeur avec une variété d’instruments et permet une meilleure compréhension des exoplanètes géantes en général ».
La chance n’est pas étrangère à leur découverte car bien entendu le choix des cibles à scruter est immense au sein de notre galaxie qui compte plus de 100 milliards de masses solaires. Aussi, dans un premier temps, menèrent-ils leur enquête dans le giron d’étoiles jeunes. Les planètes récemment apparues y sont en cours de refroidissement, ce qui en fait donc des proies relativement faciles à identifier dans l’infrarouge. Toutefois, remarque la responsable de l’étude publiée « nous avons observé plus de 90 étoiles et trouvé qu’une seule planète, c’est donc vraiment une curiosité astronomique ! ».
Appartenant au groupe mouvant AB Doradus, GU Psc est une naine rouge de type spectral M3, trois fois moins massive que notre Soleil, invisible à l’œil nu (magnitude +13,6). Âgée de seulement 100 millions d’années, elle brille paisiblement à 155 années-lumière de la Terre, en direction de la constellation des Poissons.
Pour déterminer la masse GU Psc b, les jeunes chercheurs ont confronté ses caractéristiques lisibles dans le spectre aux différents modèles théoriques de formation planétaires. Ils en ont déduit qu’elle valait entre 9 et 13 fois celle de Jupiter. Quant à sa température, elle est estimée à 800 °C à sa surface.
Cette découverte inattendue ouvre la voie à de nouveaux projets. Les jeunes chercheurs envisagent, en effet, d’étendre leurs recherches à des centaines d’autres étoiles et de recenser leur abondance. Grâce à la sensibilité croissante des caméras, l’imagerie directe d’exoplanètes distantes de leur étoile-parent apparait désormais accessible à travers de petits télescopes. Gemini et le futur James Webb Space Telescope seront également mis à contribution.
Autour de la jeune étoile Beta Pictoris, une planète géante avec une durée du jour de 8 heures