Le dernier enregistrement de l'ensemble Collegium 1704, consacré à trois compositeurs bohémiens du XVIIIème siècle (František Ignác Antonín Tůma, Johann Georg Orschler et le fameux Jan Dismas Zelenka) est un pur bijou.
J'avais déjà fait part, dans ma note du 3 décembre 2008, de mon enthousiasme sur le travail du même ensemble à propos de la Missa Vitova de Zelenka. Ce compositeur fait preuve d'une inventivité extraordinaire et, surtout, dégage dans toutes ses compositions, une lumière, une énergie positive impressionnantes.
Dans le cas qui nous concerne, l'ensemble Collegium 1704, toujours dirigé par Václav Luks, nous présente la filiation entres les trois compositeurs bohémiens contemporains. Cette filiation s'effectue au travers de l'influence considérable qu'a eu le théoricien du contrepoint et compositeur autrichien Johann Joseph Fux (cf. son Gradus ad Parnassum, traité sur le contrepoint qui restera une référence importante au XVIIIème siècle) sur nombre de compositeurs tchèques. Les trois compositeurs sélectionnés sur ce disque ont suivi l'enseignement du maître, pour ensuite tenter d'affirmer leurs personnalités musicales.D'emblée, le superbe Stabat Mater en en sol mineur de František Ignác Antonín Tůma nous attrape avec un magnétisme étonnant. La souplesse, le lyrisme de la direction du chef tchèque servent à merveille cette pièce. L'ensemble vocal et instrumental sont d'un niveau exceptionnel et parfaitement cohérent, homogène. Le recueillement, sans excès de pathos, auquel nous convie ce Stabat Mater est parfaitement rendu. On est tout de suite saisi par la splendide pâte sonore et l'élégance des phrasés. Le Qui est homo, avec son tempo allongé, instaure un climat méditatif tout de suite prenant. Le Sancta Mater, avec ses frottements harmoniques, rappelle étrangement la forme madrigale.
Dans le cas de Johann Georg Orschler, avec la Sonate en fa pour violon et basse continue interprétée dans cet enregistrement, on est naturellement moins conquis du fait d'un style plus conventionnel, moins inventif. Toutefois, on retrouve l'empreinte des musiciens bohémiens, à savoir une vitalité certaine, un sens de la danse, un certain lyrisme (particulièrement marquant dans le bel Andante e sempre piano).
C'est finalement avec Zelenka, autant influencé par le syle napolitain que par le contrepoint de son maître autrichien que l'inventivité et le génie musical sont le plus marqués. Solaire, la musique de Zelenka l'est particulièrement, même pour cette sélection de pièces sacrées, marquées par une certaine gravité, et dont trois sont gravées pour la première fois au disque.
J'ai été particulièrement marqué par la beauté céleste du Sanctus et Agnus Dei en ré mineur ZWV 36, véritable pépite de 5 minutes. Le Benedictus, introduit par les voix de soprano et de mezzo s'entrelaçant, est une pure merveille.
Les trois parties du Sub tuum præsidium ZWV 157 qui s'insèrent comme des intermèdes des Sanctus et Agnus Dei en ré et en do mineur (certainement l'un des plus anciennes prières adressées à la Vierge Marie) démontrent un art consommé de la fugue et du contrepoint (particulièrement celui en do mineur ZWV 157).
Ce disque est une très belle réussite, véritable coup de coeur du poisson rêveur.
Plus de détails sur le site de supraphon.
Coup de coeur du poisson rêveurZelenka - Tůma - František Ignác Antonín Tůma, Stabat Mater - Jan Dismas Zelenka, Sanctus - Agnus Dei ZWV 34 et 36 - Sub tuum præsidiumZWV 157 - Ensemble Collegium 1704 - Direction Václav Luks - Label Supraphon.
Extrait : Benedictus du Sanctus et Agnus Dei en en ré mineur ZWV 36.