Non, Monsieur Wilson, les paroles de la Marseillaise ne sont pas « épouvantables, sanguinaires, d'un autre temps, racistes et xénophobes » ! Non, ces paroles ne sont pas « d'un autre temps » ! La langue de Rabelais est-elle de notre temps ? La Marseillaise comme tout texte littéraire exige seulement un effort de recontextualisation de son écriture. Cet exercice ne devrait pas être impossible au grand lecteur qu’est Lambert Wilson !
Précisons-le donc une fois de plus, le « sang impur » de la Marseillaise n’est pas celui d’infâmes étrangers qui devraient rendre gorge d’avoir défié la Révolution française. Il est au contraire celui des jeunes citoyens français de l'an II qui peuvent enfin défendre leur patrie et mourir pour elle en versant leur « sang impur » comme disaient les nobles qui eux l'avaient « bleu ». Le peuple peut défendre sa nation, voilà tout ! Les révolutionnaires se sacrifient pour répandre la liberté en Europe contre les rois et les tyrans. La Marseillaise fut l’hymne de tous les opprimés du XXe siècle, de tous les peuples qui luttèrent pour leur liberté. Nulle xénophobie donc dans ce texte ! D’ailleurs un peu plus loin, Rouget de Lisle écrit :
« Français, en guerriers magnanimes Portons ou retenons nos coups ! Épargnons ces tristes victimes, A regret, s'armant contre nous ! »
Pour autant, le cri de Lambert Wilson contre notre hymne national semble dire autre chose. Il fait chorus avec toute une pensée médiatique et officielle, de la droite libérale à la gauche boboïsée, qui chantent les vertus de la diversité quand se pose la question de l’appartenance à une nation. En effet, il est d’autant plus difficile de s’intégrer à une nation pour des immigrés que les élites nationales daubent en permanence l’idée de nation. Or il clair que pour appartenir il faut chercher du commun, du lien. Contre l’atomisation du tout-individuel, la nation doit être un refuge où peut s’épanouir ce qui nous rassemble ; si ce n’est pas l’histoire, ce peut être des principes, des valeurs, des moments, des commémorations, des symboles, des chants…
De la Marseillaise, on peut toujours en lire les paroles ou la chanter seul mais sa force est dans le chœur et les cœurs qui se réunissent pour la chanter ensemble, ou l’écouter « religieusement ». Chant de guerre, elle est un cri de défense d’un « nous » contre un « eux ». Il est primordial de le rappeler. Sans l’armée de l’an II, pas d’application des droits de l’homme et du citoyen. Le Code n’est rien sans le Glaive. La Marseillaise est l’expression populaire de cet élan civique qui promeut la nation comme acteur de l’Histoire. A cet égard, on comprend mieux que, dans une France que d’aucuns veulent apaisée et presque endormie, les paroles de ce chant guerrier puissent écorcher des oreilles devenues trop sensibles.
Que certains, par provocation, entrainement ou aveuglement, la sifflent parfois lors de certaines rencontres footballistiques n’est qu’un des signes de sa vitalité. Que des élus ou des artistes méconnaissent à ce point les mots et l’histoire est plus gênant car l’amour de la patrie n’est jamais que l’accomplissement d’un parcours de connaissances et d’émotions pour chaque individu à qui l’on apprend à s’élever au rang de citoyen. Je pense que la Marseillaise participe toujours pleinement de cette ambition, tout du moins le devrait-elle.