Nos hommes politiques et la peche en eaux troubles

Par Citoyenhmida

Une phrase de l’écrivain viennois Arthur SCHITZLER (15 mai 1862 – 21 octobre 1931) résume assez bien la relation des hommes politiques avec le monde auquel ils appartiennent.

SCHITZLER répartissait les hommes politiques en trois catégories, qui, toutes, évoluent “en eau trouble“.

Ainsi affirmait-il que “il y a trois sortes d’hommes politiques : ceux qui troublent l’eau, ceux qui pêchent en eau trouble et ceux, plus doués, qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble”.

Je me suis alors posé la question  de savoir si l’on  pouvait faire entrer nos hommes politiques dans ces trois catégories. Ils ne sont pas différents des hommes politiques en général,  bien que ils se prévalent de certaines spécificités bien de chez nous, dues à l’histoire de notre pays, à la mentalité de notre peuple et à la conception de la politique que nous nous faisons.

Mais il est certain que les notions de “eaux troubles” et de “pêche” semblent faire partie des constantes essentielles de la vie de nos politiciens.

D’abord, la “pêche” !

Il est évident que  la pêche aux postes intéressants, rémunérateurs et pourquoi pas stables – ce qui est un paradoxe en politique - peut être considérée comme l’activité principale de nos politiciens.

Assurer son élection et sa réélection, multiple et renouvelée,  pour un mandat local, national ou partisan parait être leur  seule et unique préoccupation. Perdre une élection  ne signifie pas pour eux la désaffection de l’électorat, sa déception ou son retournement! Nos hommes politiques n’y voient que la perte sèche d’une rente qu’ils croyaient éternelle.

A coté de la pêche aux postes, il ne faut pas omettre la pêche aux honneurs : nos hommes politiques se délectent à être appelés “sayed ar-raïs” ou “ma3ali al wazir” et pour les moins narcissiques “sayed al kateb al 3am” ou simplement “sayidi al naïb al m7taram”.

Plus pragmatique et moins glorieuse, la pêche aux bonnes affaires qui vont avec les titres et les honneurs ne doit pas être négligée! Il ne semble pas que nos politiciens soient des personnes dans le besoin, loin s’en faut! On sait qu’il  y a des tentations qui ne refusent pas et des échanges de bons procédés que l’ont repoussent pas.

Donc, on peut affirmer que  tous nos hommes politiques font de “la pêche” leur sport favori!

Maintenant, reste à savoir où pêchent-ils? Tout simplement dans les “eaux troubles de la politique“!

En effet, rien n’est moins clair que la politique, et surtout la politique dans un pays comme le notre.

Comment faire de la politique dans un pays où cette activité ne s’est pas développée comme elle a pu le faire dans les pays occidentaux.

Les premiers partis politiques chez nous sont nés durant le protectorat, sous l’aile plus ou moins bienveillante du palais qui préparait déjà l’après-indépendance.

Période trouble, s’il en est! Avec ses eaux troubles, où l’on ne sait pas exactement qui veut quoi! Qui cherche quoi? Qui se sert de qui et qui est au service de qui?

La période qui a suivi l’indépendance n’a pas éclairci ces zones troubles : bien vite, l’appétit du pouvoir s’est aiguisé aussi bien chez les hommes politiques que chez les détenteurs du pouvoir historique!

S’en sont suivis de  bien troubles moments de notre histoire moderne : dans l’eau trouble de la politique, des complots se sont tramés, des règlements de compte se sont déroulés, des accusations ont été portées, des procès furent menés tambour battant, des accusés rapidement désignés et surtout très durement sanctionnés, des coups d’état fomentés et ratés, des répressions menées, n’épargnant ni les éventuels coupables ni d’innocentes victimes,  des alliances construites souvent contre nature!

Les deux ou trois partis politiques de l’immédiate après-indépendance se sont trouvé métastasés en une kyrielle de  formations qui rendaient les eux troubles de la politique encore plus troubles.

Il s’en est dégagé l’émiettement de la carte politique de notre pays : la grande mare politique s’est trouvée peuple de plus de 36 partis et bien malin celui qui y voyait clair dans ces eaux troubles.

L’important pour les politiciens étaient de continuer leur pêche aux postes, aux honneurs et aux bons coups quelque soit la qualité de l’eau où ils barbotaient!

Et là, intervient la troisième affirmation de notre Arthur SCHITZLER : l’existence d’une catégorie d’hommes politiques, à savoir  ”ceux, plus doués, qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble”.

Et ceux-là, nous en avons connu!

Il apparaissent ex-nihilo, sur une simple décision et à marches forcées de troupes embrigadées sous l’étendard des promesses folles, ils marchent dans le marigot politique, soulevant la boue déposée au fond, remuant les gros et petits cailloux qui se mêlent à la vase nauséabonde des projets non menés à termes, des idéologies oubliées, des déceptions accumulées!

Il devient de moins en moins facile à distinguer le vrai du faux, le possible de l’impossible, le réalisable du rêve!

Le paysage politique est troublé, tout comme l’eau d’une mare après le passage troupeau de vaches assoifées! Mais là, ils se trouvera toujours quelques esprits plus opportunistes que les autres, pour déceler la brèche leur permettant de paraitre en “homme du salut”!

Ils sortiront la tête de ces eaux troubles et se mettront, à leur tour, à la pêche des postes, des honneurs et des bons coups!

Ce qui disait l’auteur autrichien de la politique il y a plus d’un siècle s’avère donc  parfaitement adapté à la vie politique chez nous!