4ème participation au challenge: "Rentrée Littéraire 2013" avec le roman de
L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea .
C'est l'histoire d'un fakir qui quitte le Raj ast han pour la Fr an ce . Son but? Acheter un lit chez Ikea.
En vérité, le fakir est un homme lambda, un voleur, un arnaqueur. Il ment en permanence. En fait, son voyage lui a été payé par le peuple qui l'admire, qui prend pitié de ce "surhomme".
Notre fakir arrive en France et fait la connaissance d'un taximan gitan qui veut arnaquer le pauvre fakir en l'emmenant dans le magasin Ikea le plus éloigné mais comme dit l'expression "à malin malin et demi", notre gitan se fait ensuite entuber par l'hindou qui lui donne un faux billet.
Le Gitan Gustavo sera en permanence à la recherche de son piégeur.
Arrivé à Ikea, il rencontre à qui il ment d'emblée pour l'impressionner. Après leur séparation, Aja se perd volontairement dans le magasin qui lui sert dorénavant d'hôtel. Pour ne pas être repéré par les caméras, il s'enferme dans une armoire... Et le début des péripéties commence. Il voyage d'abord en armoire, puis en camion dans lequel il rencontre des clandestins soudanais. Ils arrivent en Angle terre mais se font refouler.
Nouveau périple, nouvelle destination: . Arrivé en Espagne, il se retrouve nez-à-nez avec le Gitan parti en vacances. Après une course-poursuite, il se retrouve dans la soute d'un avion, enfermé dans la valise d'une Actrice Française Sophie Morceaux... avec qui il nouera une relation forte en It alie, où il aura encore à ses trousses, indirectement, le fameux gitan...
C'est un voyage basé sur le mensonge au départ.
" Qu'allait-il bien pouvoir raconter à son nouvel ami? Si son peuple s'était effectivement cotisé pour lui payer son voyage, c'était parce qu'il le trompait et le volait depuis des années. Comment pouvait-il avouer que sondernier truc avait été de simuler des rhumatismes et une hernie discale afin qu'on lui paye ce voyage et ce lit à clous qu'il revendrait pour un bon prix au bled?"
De malchances en mésaventures, notre fakir va prendre conscience de ses actes. A force d'être aidé par des gens, il veut à son tour aider sans que ce soit intéressé, juste pour la beauté du geste.
Ce voyage deviendra alors pour lui une véritable quête d'un être à sauver.
Le temps de la métamorphose.
Notre fakir prend conscience de sa métamorphose, lorsqu'il s'improvise romancier dans la soute où son seul auditoire est un chien dont les aboiements lui semblent autant de signes approbateurs dans la poursuite de son nouvel hobby.
"Mon voyage m'a changé. Je ne suis plus le même".
De fantaisies décalées en délires azimutés, notre écrivain en herbe écrit son roman dans une obscurité totale avec un crayon Ikea sur son corps.
Désormais, il n'est plus fakir-menteur mais écrivain (à succès)...
Mais y-a-t-il une réelle différence? L'écrivain n'est-il pas un mystificateur en puissance?
Notre Fakir est un usurpateur, un menteur, un voleur. Ajatashatru Lavash est un lâche attachant. Il est ridicule et souvent ridiculisé. C'est un mystificateur, pourtant à chaque fois qu'il dit la vérité sur son périple: personne ne le croit.
"Il regretta de ne pas avoir de portable, comme son cousin Jamlidanup. La version officielle, c'était qu'un télépathe n'en voyait pas le besoin, la version officieuse, c'était qu'il n'avait pas assez d'argent, la véritable et inavouable version, c'était qu'il n'avait personne à appeler."
Les noms des personnages sont très révélateurs notamment dans la famille gitane:
Mercedes-Shayana, Miranda-Jessica ... Kitch kitch kitch ... Miranda-Jessica est amoureuse de Kévin-Jésus qu'elle laissera tomber au profit de Tom Cruise-Jésus Cortés Santamaria.
On voit bien le cliché du rêve américain allié à l'appartenance franchouillarde à la communauté "gipsy". En revanche, le taximan porte un nom complète banal: Gustave Palourde, dit Gustavo! Hay! Le rire naît de ces oppositions et de ces contrastes.
Ces noms drôlement symboliques rappellent un peu la Bande Dessinée Astérix où à travers chaque nom on retrouve une caractéristique singulière au personnage.
Tout le roman repose sur le monde de la farce: c'est un mélange de Feydeau, de Jarry, de Labiche en version romanesque. Ce sont des coups de théâtre aussi grotesques que délirants. Les personnages sont hyperstéréotypés et c'est ce qui provoque le rire: entre le fakir fourbe, le Gitan bling bling, la star capricieuse, la Française mangeuse d'hommes...
Les personnages sont irrésistibles.
C'est dans la même veine que les sketchs de La Grosse Emission qui était diffusée sur Comédie! dans les années 2000: Les Robins des Bois, le duo légendaire Kad et O accompagné de sa folle équipée (Jonathan Lambert dans le rôle du voyant et sa science plus que douteuse , Philipe Lelièvre en Mage Vico qui lisait l'avenir dans la purée ...)
Maurice Barthélémy en Houdin le Magicien
De l'humour qui claque.
L'auteur mise également beaucoup sur la dérision parfois le cynisme... Ca tâcle, gentiment et drôlement, mais ça tâcle quand même:
"Comme il n'avait en général rien à dire, c'était son épouse dont la bouhe pulpeuse n'était pas encore équipée d'une géniale fermeture Eclair indienne, qui monopolisait la conversation à table pendant que leur fille envoyait des textos mal orthogrphiés à des jeunes de son âge qui ne savaient même pas lire. "
Ce roman est une parodie de Candide (de Voltaire) qui parcourt le monde, connait les pires misères, et où chaque mésaventure se termine bien et où le mal et le bien s'enchevêtrent à l'infini.
"Il s'était empêtré dans un voyage incertain dont il ne voyait plus la fin, loin de chez lui et des siens et, comme si cela n'était pas suffisant, un tueur rancunier lui collait aux basques et réapparaissait chaque fois que la situation commençait à prendre bonne tournure."
Il y a un clin d'œil au film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain: quand il liste divers éléments qu'il initie par la phrase ..
Ca ressemble aussi à avec les personnages un peu débiles mais attachants à qui il arrive toujours des malheurs et qui sont en permanence coursés.
La course-poursuite burlesque entre le Gitan et le Fakir rappelle sans conteste B ib Bip et le Coyote.
Je crois que le roman pastiche d'autres œuvres mais je n'ai retenu que celles-ci.
Rire oui, réfléchir aussi.
Au-delà du rire, l'auteur pose la vraie question de l'écriture romanesque et de l'attitude du romancier qu'il tourne légèrement en dérision:
"Marie, de son côté, reposa le combiné, comme nous l'avons déjà dit, dévorée par les flammes d'un feu sauvage, phrase qui ne veut pas dire grand chose mais possède une force littéraire métaphorique des plus efficaces, ainsi qu'une allitération en "f" non négligeable."
Il interroge également la fonction de l'écriture romanesque: un roman doit-il être réaliste ou non? On voit bien que Romain Puertolas nous emmène de l'autre côté du miroir où la fiction romanesque est une sorte de monde inversé. On a certes des références prises dans notre monde réel mais elles sont écornées ou masquées: Sophie Morceaux, "Mick Jagger-LeCoultre"
L'écrivain est un menteur: il nous fait croire que ce qu'il nous raconte est vrai. Quitte à raconter une histoire fausse, autant qu'elle soit fabuleuse et complètement éloignée de notre réel.
Le fakir: un double de Romain Puertolas? Peut-être.
Le fakir raconte une histoire complètement absurde, fictive puis il décide d'écrire sa biographie...
La biographie engage la sincérité et l'intégrité du narrateur donc la fiction cesse d'être fictive. Or, le roman qu'écrit notre "héros" est aussi celle que nous raconte Romain Puertolas, qui est un récit complètement inventé.
L'auteur brouille de nouveau les pistes et fait tourner le miroir ( pour reprendre la phrase d'Aragon) entre fiction et réalité.
Où commence la fiction et où s'arrête la réalité?
Le voyage initiatique du fakir est fabuleux mais le roman de Puertolas est formidable.
J'ai adoré cette lecture. Il y a de l'excès, du kitch -un peu comme ce blog- , du "pas glam" pour un sou, de l'humour, du grotesque, des blagues de potache, bref autant d'ingrédients qui me touchent et me rappellent mes années-lycée où je passais mon temps à admirer les comiques de La Grosse Emission. Forcément, je suis ravie qu'une dizaine d'années après ces fous rires télévisés, je retrouve ces moments d'hilarité dans un roman vraiment bien conçu.
" [...] les intelligents, c'est les plus faciles à arnaquer. Ils sont sûrs d'eux, alors ils ne font pas attention. Ils pensent que personne ne pourra les avoir. [...] Les idiots, eux, c'est différent. Ils sont habitués à ce qu'on les prenne pour des cons depuis toujours, alors dès qu'ils ont affaire à un baratineur, ils font beaucoup plus attention."