Les éditions de la Nerthe publient une traduction, par Michèle Plâa et Philippe Blanchon, de deux recueils de poèmes de Faulkner, Hélène : ma cour suivi de Poèmes du Mississippi.
I
Me souviendrais-je de cet arbre, quand je serai vieux,
De cette colline, ou de comment cette vallée s’emplit de soleil
Et qu’une verte après-midi s’achète avec l’or du matin
Et se revend pour du sommeil à la fin du jour ?
C’est comme demander au vin de dire quels raisins
Ont distillé leurs soleils pourpres gorgés et mûrs,
Ou à moi, quel corps les mains du souvenir modèlent
Pour troubler le cœur quand l’esprit a tout oublié depuis longtemps.
Les ailes silencieuses du vent volent haut comme des plumes
Façonnent la cime des arbres, vaguement fuyante,
Secouent mon cœur d’éternelles collines et vallons
Quand vallons et collines n’existent plus.
Mais laissez-moi prendre cette lune frappée d’argent
Attelez-moi aux centaures de vent qui en tourbillonnant
Quittent l’Hellas, ensemencés au midi de la beauté,
Et chevauchent la vieille tristesse glacée du monde.
1
Shall I recall this tree, when I am old,
This hill, or how this valley fills with sun
And green afternoon is bought for morning’s gold
And sold again for sleep when day is done?
As well to ask the wine to say what grapes
Distilled their purple suns when full and hot,
Or me what body hands’ remembering shapes
To trouble heart when mind has long forgot.
The hushed wings of wind are feathered high
And shape the tree-tops, vaguely fugitive,
To shake my heart with hill and vale for aye
When vale and hill itself no longer livre.
But let me take this silver-minted moon
And bridle me the wind centaurs that whirled
Out of Hellas, grained at beauty’s noon,
And ride the col old sorrow of the world.
William Faulkner, Hélène : ma cour suivie de Poèmes du Mississippi, traduction, par Michèle Plâa et Philippe Blanchon, édition bilingue, Les éditions de la Nerthe, 2014, pp 36-37.