Si une ville devait incarner le XXe siècle, ce serait bien Berlin, la seule qui fut la clé et l'issue de deux conflits: la Seconde guerre mondiale et la guerre froide. Seulement, comme pour Londres l'an dernier, il serait déraisonnable de faire un top 10 Berlin général car la ville en mérite plusieurs, ce que je ferai. Je lui ai donc choisie une thématique: Berlin depuis 1945, année où le drapeau soviétique flottait sur elle et allait la plonger dans une profonde humiliation. Car oui Berlin fut humiliée, trahie par Hitler qui se suicida (ça, on va pas le regretter), déchirée par les Soviétiques et aujourd'hui savoure avec décomplexion sa revanche comme un Allemand qui croquerait dans sa currywurst. Mais avant la métamorphose, il a fallu une destruction.
Berlin, c'est moderne
Berlin est méconnaissable en 1945: l'Armée rouge l'a prise d'assaut. Les bâtiments sont en ruines sous les coups des bombardements. Le Tiergarten, grand poumon vert de la ville, est complétement nu, ses arbres étant tombés comme des feuilles à l'automne. Les femmes étaient violées par les soldats soviétiques, les cas d'avortement furent nombreux à tel point que la tombe du soldat inconnu soviétique dans le Tiergarten était surnommée avec rage "la tombe du violeur inconnu". A la conférence de Yalta, les Alliés se partagent le gros gâteau qu'est l'Allemagne qui allait bientôt prendre le nom de RFA et RDA des deux côtés du rideau de fer. Mais comme si tout cela ne suffisait pas, on se partage aussi la cerise, Berlin, en 4 secteurs. Français, Anglais, Américains et Soviétiques se frottaient les mains d'avoir pris le dessus sur l'enfer nazi mais on refusait le paradis à l'Allemagne. En effet, deux puissances allaient vivre le paradis chez elle mais leur guerre allait créer l'enfer. Mais pourquoi faire la guerre directement et prendre le risque de se bombarder à coups de bombes nucléaires quand on peut trouver une autre scène de théâtre? La réponse s'appelait Berlin.
1945: cette Berlin là, c'est terminé
Berlin rendait fou les Allemands. Elle permettait à ceux de l'Est d'emprunter l'aéroport de Berlin Ouest pour jouir d'une meilleure situation en RFA. Et les familles se déversaient dans les avions. En tout 3,5 millions de personnes dirent adieu à la RDA grâce à Berlin. Walter Ulbricht, secrétaire du parti communiste de RDA, s'impatientait et fit tout pour convaincre Moscou pour élever un mur. On le lui accorda. Et c'est dans la nuit du 12 au 13 août 1961 qu'on commença à ériger les fils de barbelés qui se transformèrent bientôt en parpaings. Quel jour idéal que ce dimanche: c'est l'été et les Berlinois aiment aller au parc en famille et ne travaillant pas, les ouvriers n'étaient pas regroupés. On tuait ainsi les mouvements de foule. Mais honte aux 3 autres Alliés d'avoir laissé la ville aux mains des Soviétiques comme un kleenex sur lequel on pouvait s'essuyer. Certes, Kennedy pâtissait du décalage horaire mais même lorsqu'il apprit la nouvelle à Cap Code où il résidait pour le week end, il laissa faire. Après, on ira faire des beaux discours pour dire "Ich bin ein Berliner" devant la porte de Brandebourg pressé par Willy Brandt, alors maire de Berlin Ouest, qui demandait un peu de soutien de la part des Américains. En coulisses, le président américain l'appelait "ce salaud de Berlinois". Quant à De Gaulle, c'était ses vacances d'été dans sa résidence de Colombey les deux églises, les doigts de pied en éventail. Il ne leva pas le petit doigt (même de pied) face à la nouvelle et décida de ne pas écourter son séjour face à cette crise. En plus, il y avait déjà le bourbier algérien. Chez les Anglais, idem, pas de réaction. Alors, on laissa la population berlinoise déchirée, des familles ne pouvant plus se voir, des histoires d'amour cassées par un mur qui n'allait être brisé qu'en 1989, des hommes se faire tirer des balles dans la poitrine ou ailleurs et assassinés en tentant de franchir le mur, les assassins recevant eux des primes. Mais les Berlinois montraient qu'ils étaient ingénieux, creusant des tunnels ou s'évadant en montgolfière.
Berlin, capitale
Depuis, le mur est tombé et la guerre froide s'en est allée mais la mémoire reste vive. Des pavés au sol rappelant le mur, des dalles de parpaings où les touristes cons collent des résidus de chewing gum, la porte de Brandebourg devenant un symbole parmi les symboles ... Berlin est une ville qui m'émeut énormément tellement l'histoire est présente mais qui me fascine aussi car les Berlinois ne se lamentent pas et marchent vers l'avenir. Mettez vous bien ça en tête, pour le XXIe siècle, il faudra compter sur Berlin. Berlin fait la nique à ceux qui ont pensé la piétiner par le passé. Lors du blocus mis en place par les Soviétiques, l'aéroport de Tempelhof servait de base pour le pont aérien afin de ravitailler la population de l'Ouest. Aujourd'hui, on se marre, les pistes d'atterissage se transformant en pistes de roller et de vélo. Le mur? On va demander à des street artists talentueux de le tagger. Hitler a brûlé le Reichstag? Alors faisons en un des monuments institutionnels les plus modernes. Le Checkpoint Charlie, un des rares points de passage entre Berlin Est et Berlin Ouest, on en fait quoi? Un lieu de mémoire où on se désole? Non, on préfère se foutre la gueule des touristes qui sont prêts à prendre une photo minable avec un gugus habillé en soldat. Et si on faisait du no man's land, la Postdamer Platz, un quartier d'affaires super hype? Vous pensiez l'avoir traînée dans la boue. Vous l'avez fait. Mais aujourd'hui Berlin vous emmerde et depuis 1989, elle fait son chemin. Créative, branchée, métamorphosée, c'est comme ça que je l'aime. Berlin l'humiliée, c'est terminé.
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