Des faits constituant une atteinte à la vie privée peuvent être détachables de faits diffamatoires, et de ce fait, obéir aux règles de procédures de droit commun et non à celles plus restrictives de la loi du 29 juillet 1881.
C’est ce qu’a décidé la Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 28 février 2014.
En l’espèce, la chaine de télévision Arte avait diffusé le 14 février 2014 un programme télévisé intitulé « Intime conviction » se décomposant en deux parties.
La première partie était un téléfilm qui relatait une enquête policière à la suite de la mort violente d’une femme, se concluant par l’arrestation de son époux médecin légiste.
En seconde partie, la chaine diffusait sur le site internet www.intimeconviction.arte.tv de l’émission, des vidéos relatant jour par jour le procès du médecin en cour d’assises, donnant la possibilité à chaque internaute de consulter le dossier constitué par la production et de donner son avis sur sa culpabilité ou son innocence.
Alors que la diffusion du verdict de la cour d’assises fictive et celui des internautes était prévu dans les prochains jours, le médecin qui avait été acquitté du chef de meurtre, intenta une action en référé afin d’obtenir la cessation sous astreinte de la diffusion de l’émission.
Par ordonnance de référé en date du 27 février 2014, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris a fit droit à sa demande et condamna la société Arte France et le GEIE Arte de faire cesser toute diffusion du programme « Intime conviction », sous astreinte de 50000 euros par diffusion du programme dans son intégralité.
La société Maha Productions interjeta alors appel de cette décision le 28 février 2014.
La question qui se posait en l’espèce était de savoir si des faits d’atteinte à la vie privée et de diffamation était détachables les uns des autres alors qu’ils étaient issus d’un même téléfilm ?
La Cour d’appel, rappelle tout d’abord que l’atteinte pouvant résulter d’un verdict de culpabilité du médecin de la part des internautes constituerait des imputations portant atteinte à l’honneur ou à la considération de Mr X.
Qu’en tout état de cause, les faits invoqués relèvent de la loi du 29 juillet 1881 dont l’article 53 oblige aux respects des formalités de la citation.
Or, ces formalités n’ont pas été accomplies en l’espèce.
Dès lors, l’acte introductif d’instance doit bien être annulé, contrairement à ce qu’avait décidé le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Mais par ailleurs, le requérant a également effectué dans son assignation des demandes en se fondant sur les dispositions de l’article 9 du Code civil, à savoir l’atteinte à l’intimité de la vie privée.
A ce titre, le fait que le téléfilm traite d’éléments sur sa profession, sa situation de famille et les différends qui ont pu l’opposer à son épouse, à son père ou à d’autres personnes, sont des faits touchant bien à la vie personnelle du requérant.En effet, le fait que se dégagent du téléfilm des traits de caractères négatifs, comme son comportement emporté et jaloux ou son manque d’empathie, forment un tout constituant une atteinte à l’intimité personnelle du médecin, détachable des imputations diffamatoires.
Dès lors, ils peuvent être poursuivis selon la procédure de droit commun, qui prévoit un délai de cinq ans après la réalisation des faits pour agir, au lieu de trois mois concernant une action pour diffamation.
L’assignation est annulée par la Cour d’appel, mais uniquement concernant des demandes au titre de faits diffamatoires, confirmant par ailleurs, la décision de première instance ayant rejeté la demande de nullité de l’assignation sur le fondement de l’atteinte au respect de la vie privée.
Nous recommandons aux personnes qui ont vu leur image être dégradée, et ont subi une atteinte à leur vie privée, de bien s’entourer d’un expert en propriété intellectuelle afin de pouvoir mener une action en justice en conformité aux règles de procédures existantes.
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