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Il fait le bruit d'un Ť sčche-cheveux électrique ť, voilŕ comment un connaisseur-puisqu'il s'agit d'Arnaud Montebourg ministre de l’Economie- a qualifié le silence de l'E-Fan, le premier avion électrique qui s'est envolé dans les airs de Bordeaux Mérignac, il y a un mois. Un avis pas tout ŕ fait partagé par le pilote d'essai Didier Esteyne qui a remarqué que si les deux moteurs sont pratiquement silencieux, on entend quand on vole des bruits résiduels comme les craquements de la structure. Mais cela Arnaud Montebourg ne peut pas le savoir. Il ne s'est jamais assis dans un planeur or l'E-Fan fait en vol le bruit d'un planeur.
Dans cette aventure de l'avion électrique tout est sympathique. D'abord le fait que le deuxičme constructeur mondial d'avions de transport se jette dans cette bataille. En effet l'E-Fan, prototype unique pour l'instant, sera bien produit en série ŕ partir de 2017. Airbus Group qui est associé ŕ une petite entreprise de Charente Maritime, la société Aéro Composites Saintonge (ACS), petit poucet de l'industrie, située ŕ Saint Sulpice de Royan qui dčs 1995, s'est spécialisée dans la mise en œuvre de matériau composite. Les fanatiques savent qu'on lui doit déjŕ le fameux Cri-Cri ou plutôt l'E-Cricri, derničre version tout électrique du plus petit aéronef de voltige mis au point par Michel Colomban. ACS possčde actuellement neuf salariés, c'est une start-up ŕ la française qui travaille aussi bien pour l'industrie, le design, l'architecture ou encore le secteur du bâtiment et encore tout récemment pour l'aéronautique. Le fait qu'ACS ait été choisie par Airbus Group pour ce projet performant montre ŕ l'évidence les capacités de cette TPE.
Sympathique aussi le fait que ce soit une femme, Agnčs Paillard, qui va diriger la filiale d'Airbus en cours de création pour fabriquer l'E-Fan en série, une filiale baptisée VoltAir, un clin d’œil évidemment au grand philosophe français. Agnčs Paillard est sűre de son leadership, Ť les Américains et les Chinois ont sans doute des projets, pour l'instant nous n'avons rien vu venir ť dit-elle.
Car la décision est prise, une chaîne de montage doit voir le jour en bordure de l'aéroport de Mérignac. D'ici 8 ŕ 10 ans, une centaine d'E-Fan devraient ętre produits. 2 modčles sont déjŕ prévus, l'E-Fan2 avec 2 sičges côte ŕ côte et l'E-Fan4 avec 4 sičges. Ces 2 versions visent d'abord le marché des pilotes d'aéro-clubs, un marché européen et mondial qui doit suivre l'augmentation du trafic aérien. D'ici 20 ans, 650 000 pilotes devront ętre formés, l'E-Fan est donc une opportunité extraordinaire. On connaît les difficultés des aéro-clubs avec leur voisinage, ŕ cause du bruit émis par les petits Robin ou autres Cessna 150. Lŕ plus de bruit et donc plus de restriction pour voler, un ręve pour les écoles de pilotage !
Reste le problčme de l'autonomie, notre E-Fan vole certes ŕ 220km ŕ l'heure mais il vide ses batteries en moins d'une heure. La recherche va donc porter sur l'amélioration des capacités de ses batteries lithium-ion polymčre qui pčse en plus 150kg. Les recherches sont en cours pour rendre ce bilan énergétique plus attrayant. L'industrie automobile sera sans doute sollicitée, avec une priorité vers le groupe Nissan-Renault. La Zoé de Renault est mue également comme l'E-Fan par ce męme type de batteries.
Sympathique enfin le projet final d'Airbus Group : la construction d’un avion commercial électrique capable de transporter une centaine de passagers. On parle męme d'un objectif 2030, ce qui semble un peu ambitieux dans l'état actuel des connaissances mais l'important pour l'instant n'est-il pas de marquer son territoire ?
Non loin de Mérignac en Suisse travaillent également des ingénieurs sous la direction de Bertrand Piccard. Ceux-ci sont en train de préparer le tour du monde, ce sera pour 2015, du Solar Impulse n°2. Il s'agit d'un avion solaire mais c'est avant tout un avion électrique. Simplement le Solar Impulse recharge ses batteries en permanence grâce ŕ des panneaux solaires tandis que l'E-Fan vole grâce ŕ des batteries rechargées au sol.
Messieurs les ingénieurs il me vient une idée. Si vous vous parliez lorsque vous ętes en train, chacun de votre côté de travailler ŕ un męme projet, celui d'affranchir l'aviation de l'énergie fossile. Je pourrais męme vous suggérer de penser ŕ un appareil hybride avec un prolongateur d'autonomie qui chargerait les batteries de vos aéronefs et vous permettrait de voler 1 ou 2 heures de plus sans avoir ŕ vous poser. Un constructeur mondial comme Toyota est spécialiste de la propulsion hybride. Voilŕ, j'ai peut-ętre dit une bętise car je ne suis pas ingénieur mais avouez que ça vaut le coup d'y réfléchir. Je suis pręt ŕ vous ouvrir mon carnet d'adresses !
Chronique AeroMorning.com de Gérard Jouany