Merci au Livre de poche pour l'envoi de ce livre de B. I. Koerner qui nous plonge dans les années 70 aux Etats-Unis.
Si la quatrième de couverture nous annonce l'histoire du plus long détournement d'avion des années pop, il s'agit plutôt d'un essai documentaire sur les détournements d'avions en général, dont celui de R. Holder et C. Kerkow. Ce n'est donc pas vraiment un roman, même si l'histoire des "Bonnie & Clyde" du ciel est certainement un peu romancée. Sachez par ailleurs que l'auteur a interviewé R. Holder et s'est pas mal documenté sur le sujet. Tout ça pour préciser que ceux qui attendent une simple aventure risquent d'être déçus. Car c'est beaucoup plus que cela !
Ce livre est l'histoire personnelle de Cathy Kerkow et Roger Hodler, deux jeunes gens presque comme tout le monde. Ils se sont croisés enfants et se retrouvent adultes. Elle vit de petits boulots et vend de la drogue. Il revient du Viet Nam, héros dégradé pour avoir consommé de la marijuana, fasciné par l'astrologie. Ils tombent amoureux. Et décident de détourner un avion. Le plan ? Libérer Angela Davis, la déposer à Hanoï et s'installer ensuite en Australie. Le but ? Témoigner des atrocités de la guerre. Tout ne va pas se passer exactement comme prévu et nos amoureux vont finalement se retrouver à Alger...
Mais avant de nous expliquer en détail les étapes de ce détournement réalisé en 1972, B. I. Koerner revient sur l'enfance et la formation des protagonistes ainsi que sur l'histoire des détournements d'avions. Dans les années 1950, c'est plutôt en Europe que l'on tente de se faire entendre ainsi (et de fuir les régions soviétiques). Puis, dans les années 1960, le détournement devient courant. Il s'agit pour les uns de se rendre à Cuba, pour d'autres de simplement se faire entendre des médias, pour d'autres encore d'obtenir des rançons. Le phénomène prend des proportions (plusieurs par jours) telles que le gouvernement réfléchit à des solutions... que les compagnies aériennes refusent de mettre en place (pour des questions de coût et de confort essentiellement). Si la liste des détournements fait parfois un peu catalogue, elle demeure intéressante en termes de créativité et d'innovation des pirates de l'air.
J'ai trouvé cette remise en contexte essentielle pour la compréhension du détournement. En période post 11 septembre, où il est impossible de prendre l'avion avec une bouteille d'eau, il parait hallucinant qu'il ait pu un jour en être autrement. On vous parle ici d'un temps où les voyageurs pouvaient être accompagnés par leurs proches jusque dans l'avion, où les bagages n'étaient pas inspectés (voire même les billets), où le détecteur de métaux et la fouille au corps s'assimilaient à une violation de l'intimité... Un temps où l'avion n'était pas considéré lui-même comme une arme potentielle.
Entre l'essai et le roman, j'ai trouvé cette lecture très informative et tout à fait passionnante. Elle nous plonge avec brio dans l'atmosphère d'une époque où le mythe américain en prend pour son grade et où le crime devient le seul moyen de faire entendre son mécontentement (ou son désespoir, ou sa folie, c'est selon). Ce n'est pas un livre à lire pour son style, très peu travaillé, mais pour son contenu documentaire, très riche. Même dans la partie la plus romancée de l'ouvrage, celle qui concerne Cathy et Roger, l'auteur ne s'encombre pas trop de détails ou d'interprétations : il va aux faits, propose des hypothèses mais ne les impose pas. Bref, un livre que j'ai dévoré, exaltée par cette montée en puissance des détournements !