Quelle mélodie que le monde quand il n’est aucun parcours à suivre, nulle halte à honorer ni temps à mesurer. Toute nécessité est livrée au hasard, toute raison au songe, toute fin à l’errance. On capte les énigmes des déserts, des pistes, des oasis, des bas-côtés et des villes. On ne cesse d’improviser, de changer d’harmonies, d’accueillir des silences, tandis que monte droit devant un fort soleil d’orient, un doux chorus d’aubes, un grand souffle d’azur.
Chaque action se sait ultime, éphémère. Chaque pensée se veut intacte, mouvante. Le destin s’en tient à la magie simple d’un déplacement d’ouest en est. Et il n’y a rien à espérer, et il n’y a rien à prévoir, et il y a tout à parier qu’il s’agit seulement de remonter le cours de la lumière. Inséparables jusqu’au bout, la route, la poésie et la vie se font escorte, même si le final se joue à mesure, tragique et follement gai, comme un requiem fredonné par la sauvageonne qui, au bord du Gange, fouille la cendre des bûchers.
Ce voyage au vrai est de tous les voyages. Nullement une suite d’escales mais une avancée continue, une trajectoire scandée, une marche, un déboulé, un galop d’approche, une prise d’altitude.
Source : gallimard.fr