Après les consultants ecommerce, voici venu le temps des consultants en « changement de vie » ou les consultants « follow your dreams ».
Et oui, nous sommes en période de mutation, de crise sociale et surtout identitaire où chacun cherche sa place dans ce monde, ne veut pas passer à côté de sa vie, ne rien regretter, faire tout ce dont il a rêvé depuis qu’il a 4 ans et vivre sa vie à fond comme si demain était le dernier jour du reste de sa vie.
Des courants de ce style, il en émerge régulièrement, rappelez-vous Mai 68, les années Hippies, la génération Mitterrand, etc… La plupart font avancer la société, les droits des citoyens et améliorent notre vie quotidienne, je ne le nie pas du tout.
Sauf que, à un moment il faut arrêter de vivre dans le monde des Bisounours !!
Je vous fais un résumé des petites phrases que je lis ça et là sur les blogs de ceux qui ont choisi d’accompagner tous ceux qui veulent changer de vie.
Déjà quand je regarde leur bio je vois toujours la même chose « avant j’étais analyste financier et puis y’a eu la crise des subprimes, alors je me suis dit que fais-tu là à New York à brasser des millions de dollars ? » ou encore « avant je prenais le métro avec des parisiens qui font la tête du matin au soir et je me suis dit aaaah si je pouvais travailler chez moi ! » ou aussi « avant je travaillais 70h par semaine, je voyais pas mes enfants grandir et puis un jour ma fille a marché, j’étais pas là. Je me suis dit que je ratais ses meilleurs moments ».
Et là Euréka !! Je vais changer de vie, je vais devenir consultant(e) pour aider les gens à changer de vie car moi je l’ai fait, alors je peux aider tous ceux qui le veulent à faire de même.
Je vais dire aux gens « suivez vos rêves, vivez de vos passions », parce que moi je l’ai fait. Je gagne plus un rond, j’ai tout mangé mes économies, mais qu’est ce que je suis heureu(se)x !! J’ai trouvé la plénitude, je mange bio, je fais des balades à vélo, j’ai de nouveaux amis… Le rêve quoi. Donc je peux vous aider à vivre de même.
Bref j’arrête là, mais vous aurez compris que si vous voulez changer de vie, faites le mais ouvrez bien les yeux et ne commencez pas à donner votre argent à des pseudos consultants qui vous diront que oui l’élevage de chèvres dont vous avez toujours rêvé, la chambre d’hôtes dans la Larzac ou la production de chocolat au roquefort, ça marchera car c’est votre passion, les clients le sentiront et comme par magie, ils achèteront ce que vous leur proposez et vous vivrez le lundi au soleil.
On arrête de rêver 5 minutes et on réfléchit. On se pose les questions de ce qu’on va perdre et de ce qu’on va gagner (réellement). Même un SMIC vous êtes pas prêts de vous le verser en mettant une cabane avec un hamac dans votre jardin pour des touristes de passage. Même avec une annonce sur Booking.com et une page Facebook.
On analyse la concurrence : s’il y a des dizaines d’acteurs sur le créneau, cela ne veut pas dire qu’il a encore une place pour vous. Exemple un nouveau Leboncoin ?? Psssshiiiit. Au contraire, si cela n’existe pas, il faut analyser pourquoi.
On ne rêve pas de créer le nouveau Pinterest, pas le même hein, mais le Pinterest des éclairs au chocolat, parce que c’est tendance à Paris. On n’a pas les mêmes moyens, on ne fera pas le nouveau Pinterest.
On n’investit pas toutes ses indemnités de licenciement dans son site de vente en ligne de chips du bout du monde, sous prétexte que le ecommerce ça cartonne, et que dans 2 ans, on sera riche. Non dans 2 ans avec vos 10 000€ de départ, vous ferez 50 000€ maxi de CA et votre conjoint vous demandera de retrouver un job salarié rapidement.
On fait des stages en immersion avant d’ouvrir le restaurant de l’année, le bar à succès du littoral ou la ferme auberge du canton.
Je pourrais vous donner quantité d’exemples de ce style et pourtant je suis la première à motiver les gens pour se lancer, créer leur entreprise, changer de vie. Parce que je l’ai fait.
Je l’ai fait, mais ce n’est pas une partie de plaisir, le risque de tout perdre financièrement et socialement est là et il ne faut pas le nier. On se sent très seul avec « sa nouvelle vie », on a la plage, mais on n’a plus ses amis, on n’a plus ses clients énervants, mais on n’a plus d’argent qui rentre, etc…
On ne se lance pas bille en tête sans réfléchir parce que ça fait 15 ans qu’on veut vivre de sa passion. On réfléchit avant, on va à la rencontre de ceux qui l’ont fait, qui ont réussit ou ont échoué, et ensuite on fait son choix.
Changer ou ne pas changer de vie, c’est aussi courageux l’un que l’autre comme choix. Il n’y a aucune honte à avoir, l’important est d’être en paix avec soi-même, de savoir ce que vous voulez, ce à quoi vous tenez et vous n’abandonnerez pas.
Se lancer, tout perdre mais se dire « oui mais au moins je l’ai fait », si vous l’assumez, que vous savez l’expliquer à vos enfants, faites-le, et soyez-en fiers mais je suis sûre que beaucoup de ceux qui sont passés par là ne pensent pas cela du tout, surtout s’ils se demandent comment joindre les deux bouts en fin de mois pour rembourser les dettes…
Mon conseil, c’est lancez-vous, tentez votre chance, faites ce dont vous avez envie, mais réfléchissez avant, pendant et ne vous entêtez pas si cela ne marche pas. Revenir sur sa décision ne vous déshonorera pas, perdre tout ce que vous avez, ce sera plus dur à s’en relever…