En mai 1998 le dictateur
indonesien Suharto annonait une hausse du prix de
l'essence qui allait precipiter sa chute sur fond
d'emeutes populaires. Dix ans plus tard, les manifestations
sont de retour en Indonesie ou l'inflation bondit
a nouveau.
Apres avoir donne l'impression de tergiverser, le
gouvernement a annonce le 5 mai qu'il allait limiter ses
subventions aux carburants, une decision jugee
necessaire par les economistes.
Le pays de 234 millions d'habitants, quatrieme plus
peuple de la planete, est en effet accuse de
depenser une part trop importante de son budget a
maintenir l'essence a un prix artificiellement bas.
Un litre d'essence subventionnee s'achete aujourd'hui
seulement 4.500 roupies (un demi-dollar). Or le pays est
importateur net de petrole. L'Etat comble la
difference entre le prix du baril et le prix a la
pompe. Avec la flambee des cours mondiaux du petrole,
le poids des subventions est devenu un veritable fardeau
pour les finances publiques.
Selon la Banque mondiale, le budget des subventions en
Indonesie depasse la somme des budgets de
l'education, de la sante et des
infrastructures.
Le president indonesien Susilo Bambang Yudhoyono n'a
pas precise l'ampleur de la hausse de l'essence. Ses
conseillers, a-t-il dit, evoquent une hausse de 20 a
30%.
Mais SBY, ainsi qu'est surnomme le chef de l'Etat, pourrait
etre tente de prendre une demi-mesure avec les
elections legislatives et presidentielles de
l'an prochain.
Pour les Indonesiens, les carburants ne sont pas que
l'essence pour le transport. Le petrole domestique (ou
petrole lampant) est une source d'energie tres
repandue, utilisee par les foyers les plus pauvres
pour s'eclairer et cuisiner.
La mesure sensible devrait etre prise d'ici fin juin. Mais
deja des habitants, eprouves par le
cout des denrees alimentaires, descendent dans les
rues. Pas question d'ajouter a nos peines une majoration des
carburants, clament-ils.
Les chefs des polices provinciales ont reu l'instruction
d'etre en alerte. Les premieres manifestations la
semaine passee ont ete pacifiques, sauf
a Macassar (ile de Celebes) ou
deux policiers et deux etudiants ont ete
blesses dans des affrontements.
Lundi, des centaines d'etudiants indonesiens se sont
rassembles dans la capitale indonesienne pour
protester contre le cout de la vie.
Jakarta prevoyait une inflation de 6,5% pour 2008.
L'objectif vient d'etre revu a la hausse, l'indice des
prix a la consommation depassant 8% en glissement
annuel.
Le 6 mai, pour la premiere fois en deux ans, la banque
centrale indonesienne a releve son taux directeur de
25 points de base, sans ecarter la possibilite de
devoir a nouveau intervenir bientot.
"Avec une hausse (des carburants) de 30%, l'inflation pourrait
bondir de l'objectif gouvernemental de 6,5% a 11,1% cette
annee", a affirme a l'AFP Haris Azhar Azis,
president de la commission budgetaire. Ne pas le
faire serait pire, a-t-il ajoute.
D'autres experts tablent comme lui sur une inflation a deux
chiffres.
Selon Lepi Tanadjaja Tarmidi, economiste de
l'Universite d'Indonesie (UI), l'augmentation des
carburants est "inevitable". Avec un effet boule de
neige.
"Il y aura un impact tres etendu sur
differents secteurs, dont le secteur alimentaire,
l'industrie et les transports. C'est simple, chaque secteur sera
touche".
AFP - Photo
Philipe FOUCHARD