L’avion sans aile de XP Aircraft tiendra t-il autant en haleine les passionnés de technologies aéronautiques que Ť Un avion sans elle ť a tenu en haleine la lectrice que je suis de cet ouvrage de Michel Bussi*? Toujours est-il que męme versée depuis plus de 30 ans dans l’industrie aéronautique et spatiale, lorsque j’ai lu le communiqué de presse de Chomarat lors du récent salon JEC Europe 2014 qui faisait état d’une application de ses matériaux C-Ply comme renfort carbone multiaxial de l’avion KittyHawk de VX Aerospace, cela m’a ramené ŕ mes lectures.
En ce printemps 2014, les avions ŕ fuselage en composite ont la cote. Tout d’abord cette maquette d’une aile volante (car c’est bien ainsi qu’il faut nommer cet avion sans aile appelé en anglo-saxon blended wing aircraft et qui ressemble ŕ une raie Manta) présentée ŕ JEC Europe en mars dernier qui préfigure un avion léger ou un drone dont le vol d’un exemplaire de préproduction toujours ŕ échelle réduite est annoncé pour ce printemps. Selon les responsables de VX Aerospace, c’est le second exemplaire de cet appareil construit avec les procédés industriels et représentatif de l’avion final, mais ŕ l’échelle 1/2, qui a été livré ŕ l’Université de l’Etat de Caroline du Nord qui effectuera les essais.
VX Aerospace se qualifie de Ť petite entreprise aéronautique ť capable de faire Ť des choses intéressantes que la plupart de gens ne pensent ętre possibles qu’au sein de grands groupes tels que Boeing ou Northropť. La référence ŕ ces mastodontes américains tombe sous le sens lorsqu’on sait que VX Aerospace est une start-up privée créée en 2006. Les trčs rares données chiffrées font état de 14 personnes employées ŕ Morganton (Caroline du Nord) et d’un chiffre d’affaires d’ŕ peine 1 M$.
Un réseau d’industriels et d’universités, voire de laboratoires. En fait, la façon de travailler de VX Aerospace relčve de la constitution d’un réseau partenarial, ce qui est un des moyens ŕ la portée de toutes les PME pour arriver ŕ industrialiser leurs innovations.
Et ceci n’est pas l’apanage de nos amis américains. Car si l’on prend l’exemple de l’E-Fan bi-place qui a fait son premier vol le 11 mars dernier ŕ Bordeaux-Mérignac, lui aussi a un fuselage et une voilure en composite. Et, tout comme pour le VX-1 KittyHawk, cette cellule a été développée par une PME, Aero Composites Saintonge, associée ŕ Airbus Group Innovations (l’ex. EADS Innovation Works) qui a géré le projet. Car il est vrai que l’appareil, destiné ŕ la formation initiale des pilotes, ajoute ŕ la problématique des matériaux, une propulsion et une génération tout électrique. Les calculs, l’expertise et la contribution d’Airbus Group Innovations ont été un apport incommensurable pour ACS, tout comme la gestion de toute l’ingénierie électrique, alors que c’est ACS qui s’est chargé des aspects production avec son propre réseau partenarial principalement de proximité : Critt Matériaux, institut Pprime, C3T, Mapaero, RFTronic, A3iP …
De son côté, l’avion Solar Impulse est l’appareil qui se vante d’ętre le seul au monde ŕ avoir une autonomie illimitée, un atout par rapport ŕ l’E-fan, mais les objectifs sont totalement différents. L’un, l’E-Fan, est un démonstrateur technologique d’un avion école tout-électrique, tout-composite pour l’aviation générale, qui pourrait donner naissance dans les années 2030-2050 ŕ un avion de transport régional d’une centaine de places ŕ propulsion électrique, alors que le Solar Impulse développé par le Suisse Bertrand Piccard et son associé l'ingénieur et pilote André Borschberg est un avion solaire qui vise surtout l’exploit ŕ l’image des prouesses déjŕ réalisées par Bertrand Piccard qui perpétue en cela la tradition d’aventure scientifique familiale. Mais lŕ aussi le partenariat est de mise car dčs l’origine du projet, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne a été dans la boucle, tout comme la société d’ingénierie Altran et bien d’autres industriels qui forment l’équipe Solar Impluse.
Lancé il y a douze ans, le projet fait état d’une équipe d'environ 90 personnes, dont 30 ingénieurs, 25 techniciens et 22 contrôleurs de mission, soutenus financičrement et technologiquement par plus d'une centaine de partenaires et conseillers. Et nul doute que si la vocation de cet avion n’est pas de faire du transport de personnes, il a le mérite de tester des méthodes de travail, des matériaux (car sa cellule et sa voilure sont aussi en composite), de nouvelles générations de systčmes de propulsion, qui auront des retombées industrielles indéniables.
Nicole B. pour Aeromorning
* Edité par Presse de la Cité en Janvier 2012