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Médiapart : Des « eurocrates critiques » veulent une autre Europe

Publié le 12 mai 2014 par Lino83

12 MAI 2014 |  PAR LUDOVIC LAMANT

Ils sont conscients que l'Europe ne fait plus rêver. L'absence de vrais débats, à deux semaines des élections européennes, les inquiète. Un collectif de jeunes fonctionnaires et diplomates en poste à Bruxelles lance un appel pour réveiller la campagne. Et plaide en faveur d'une « union de l'euro », pour sortir de l'impasse.

Bruxelles, de notre envoyé spécial. Ça bouge à Bruxelles. Des voix critiques s'élèvent, depuis le cœur même de la « machine » européenne, pour une autre Europe. Les fonctionnaires européens ne seraient pas aussi moutonniers et dociles qu'on les imagine souvent, depuis la France. Dans un appel que Mediapart publie en exclusivité (il est ici), un collectif de jeunes fonctionnaires, conseillers et diplomates, estime qu'« une autre voie est possible » pour l'Europe, cinquante propositions à l'appui. 


Ils sont originaires de différents pays de l'Union, sont trentenaires – pour la plupart d'entre eux – et travaillent au sein des institutions (parlement, conseil, commission, BCE) ou encore de représentations nationales auprès de l'Union (les services diplomatiques de chaque capitale à Bruxelles). Tous considèrent que l'on ne débat pas assez de l'Europe, à deux semaines d'élections décisives pour l'avenir de l'UE. La difficulté d'organiser un débat sur le sujet à une heure de grande écoute sur une chaîne de télé française les atterre. Ils ont donc choisi de s'investir davantage dans la campagne. Un site, en plusieurs langues, vient d'être ouvert, afin de relayer l'appel et de mettre en débat leurs cinquante propositions pour repenser le « contrat social européen ».

« L'Europe n'est pas à la hauteur de ses promesses », reconnaissent d'emblée ces« eurocrates critiques », qui ont choisi de conserver l'anonymat (lire la boîte noire de l'article). Le constat qu'ils dressent de l'Union n'est pas reluisant, et tranche avec les discours officiels relayés à longueur de journée par les services de communication des institutions bruxelloises « Un cercle vicieux s'est installé entre un déficit exécutif empêchant l'Europe d'agir et un déficit démocratique, qui produit chaque jour plus de rejet et de tension. L'intégration européenne risque de ne plus être soutenue par les peuples, appauvris et tentés par le repli national, voire nationaliste. »

Un ouvrier à l'entrée du principal bâtiment de la commission européenne, à Bruxelles, en septembre 2013. © Reuters.
Un ouvrier à l'entrée du principal bâtiment de la commission européenne, à Bruxelles, en septembre 2013. © Reuters.

Sans surprise, il n'est pas question ici de défaire l'Europe, ou carrément d'« en finir » avec l'UE, mais plutôt d'améliorer son fonctionnement, vers une Union plus politique, plus intégrée, et, espèrent-ils, plus efficace. « Aux intellectuels qui prônent aujourd'hui la sortie de l'euro comme solution pour sauver les nations européennes, nous répondons avec force que c'est au contraire une union de l'euro qui est à même de préserver la souveraineté européenne. Mais il faut s'en donner les moyens institutionnels, économiques et politiques. » Le texte se veut « réaliste », à rebours des appels visant à faire « table rase » de l'Europe.

Ce n'est pas le premier manifeste qui surgit, à l'approche des élections, pour relancer l'intégration de la zone euro. En fin d'année dernière, des universitaires allemands, proches de la CDU et du SPD (les deux partis au pouvoir en Allemagne), connus sous le nom du « groupe de Glienicke », avaient déjà publié un texte allant dans cette direction, jugeant qu'« aucune des crises qui sous-tendent celle de l'euro n'est résolue, ni de près, ni de loin », et s'inquiétant de « la radicalisation du spectre politique » dans les pays en crise.

Une initiative symétrique, côté français, orchestrée notamment par l'eurodéputée Sylvie Goulard, a vu le jour en début d'année, sous le nom de « groupe Eiffel ». Des universitaires et journalistes français (Thomas Piketty, Pierre Rosanvallon, Xavier Timbeau, Guillaume Duval, etc.) ont quant à eux publié en février un manifeste pour une union politique de l'euro, partant du principe que « rien ne serait plus faux que de s'imaginer que le plus dur est derrière nous ». 

Toutes ces initiatives, restées plus ou moins confidentielles, partagent une analyse forte : la crise que traverse l'Union n'est pas seulement économique, mais elle touche aux fondements mêmes de son projet politique (voir les passages en force de la « Troïka », ou le durcissement du régime hongrois). L'appel du groupe Euro2030 est toutefois un peu différent. D'abord parce qu'il émane du cœur de la machine bruxelloise – la démarche est rare. Ensuite parce qu'il veut aller plus loin qu'une simple déclaration politique, et avance des propositions très précises, y compris sur le terrain social, pour sortir du statu quo actuel.

Les auteurs plaident pour une « union de l'euro », qui doterait la zone euro d'un budget propre et d'un ministre des finances. Le parlement européen verrait ses pouvoirs renforcés : il obtiendrait le pouvoir de proposer des lois (monopole, jusqu'à présent, de la commission), et les indemnités de ses eurodéputés seraient liées à leur travail en session plénière, à Strasbourg, mais aussi au sein des commissions à Bruxelles (où se fait l'essentiel du travail législatif).
La commission, elle, deviendrait un gouvernement plus politique, avec un nombre restreint de commissaires (une règle informelle veut aujourd'hui que chaque État membre ait son commissaire, soit 28 au total). Quant au conseil européen (dont le poids pendant la gestion de la crise a été beaucoup critiqué), il se transformerait en un sénat au rôle rétréci. Ils proposent aussi la fin d'une présidence tournante de l'UE, assurée par un État membre tous les six mois et qui, de l'avis général, ne sert plus à grand-chose.

La suite : http://www.mediapart.fr/journal/international/120514/des-eurocrates-critiques-veulent-une-autre-europe


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