Comment mesurer la température d’une étoile ?
Publié le 17 mai 2008 par Benjamin Bradu
Samedi 17 mai 2008
Comment mesurer la température d’une étoile ?
On voit souvent écrit que notre Soleil a une température
de surface de 5800K (ou 5500°C) mais comment fait-on pour calculer cette température sachant que cette température a été mesurée bien avant l’aventure spatiale et que
personne n’est jamais allé sur le Soleil avec thermomètre !
Réponse évidente : On calcule sa température à partir de mesures faites depuis la Terre en l’observant, mais
comment ?
Le concept physique principal pour calculer cette température est ce que les physiciens appellent le rayonnement des corps
noirs. Le nom « corps noir » a été introduit par le physicien Gustav Kirchhoff en 1860 et est à l’origine de nombreuses découvertes du début du 20ième siècle.
Cet objet entièrement théorique est défini comme suit : Un corps noir est un objet idéal qui absorbe TOUS les rayonnements électromagnétiques (lumière comprise), sans aucune réflexion ou transmission de ce rayonnement, c’est pour
cette raison qu’un tel objet, s’il est à la même température que son environnement, paraît totalement noir. Dans ce cas, le seul rayonnement dégagé par un corps noir est un rayonnement
électromagnétique d’origine thermique qui ne dépend que de sa température et de rien d’autre. Oui, il faut préciser que tous les objets ayant une température au dessus du zéro absolu
rayonnent, c’est à dire qu’ils émettent un rayonnement thermique. Par exemple nos corps humains à 37°C émettent un rayonnement infrarouge invisible à l’œil nu mais visible avec un détecteur
infrarouge (les militaires s’en servent particulièrement pour la vision nocturne).
Un corps noir parfait n‘existe pas dans la nature mais on peut facilement faire une bonne approximation. Par exemple, il suffit de
prendre un four fermé de tous les cotés de manière hermétique à la lumière. Si on perce un minuscule trou sur un des cotés du four, il s’échappera alors un rayonnement qui sera le rayonnement
d’un corps noir presque parfait. L’étude de ce rayonnement permettra de connaître la température de l’air à l’intérieur du four avec précision. C’est exactement ce que fit Wilhelm Wien à
la fin du 19ième siècle pour étudier ce rayonnement qui a longtemps intrigué les physiciens.
Etudier un rayonnement ça veut dire quoi ? Un rayonnement électromagnétique est composé de plusieurs ondes de différentes
fréquences, chaque fréquence correspondant à une couleur pour la partie visible des rayonnements (autrement dit, la lumière, voir article la nature de la lumière ou l’électromagnétisme). Etudier un rayonnement, c’est donc mesurer l’intensité de chaque fréquence
qui compose le rayonnement, on parle alors de l’analyse du spectre du rayonnement. On peut voir dans le dessin ci-dessous le spectre émit par notre Soleil. La couleur verte est la plus
intense, mais le mélange de toute les couleurs ensemble fait que nous percevons une lumière blanche.
Wilhelm Wien postula en 1896 que lorsqu’on chauffe un corps, la longueur d’onde (correspondant à une couleur) de plus forte intensité
dans le spectre (le vert pour le soleil) se décale vers le bleu, c’est ce qu’on appelle la loi de Wien :
Si on chauffe du fer, il va d’abord viré orange-rouge puis bleu et blanc si on le chauffe encore plus (d’où l’expression chauffé à
blanc). De cette manière, on peut parfaitement connaître la température d’un corps noir simplement en mesurant où se trouve la raie maximale dans le spectre. On peut dire que le Soleil est
presque un corps noir car sa température est très élevée par rapport à son environnement et si on veut une mesure grossière, cela va très bien. En mesurant depuis la Terre le spectre du Soleil,
on mesure la raie verte maximale à une longueur d’onde Lmax=0,50 mm et on obtient alors T = 5800K avec la loi de Wien.
C’est aussi intéressant de savoir que chaque couleur du spectre peut permettre
de savoir de quoi est composé le corps. Le vert indique une présence de fer, le rouge de l’hydrogène, les ultra-violets de l’hélium… la couleur dépend de la nature chimique de
l'objet et est utilisé en spectroscopie pour analyser la composition des échantillons de matériaux mais aussi des étoiles
La loi de Wien est bien jolie mais elle a posée d’énormes problèmes aux physiciens, et plus particulièrement à Max Planck qui voulait aller plus loin et comprendre les causes
physiques de cette loi empirique. Cette équation posait des problèmes avec la théorie, les énergies divergeaient vers l’infini et Planck reformula donc une nouvelle loi, appelée de
Wien-Planck qui collait avec les mesures et la théorie.
Malheureusement cette loi fut mise en défaut un peu plus tard par des mesures faites à Berlin avec des rayonnements de basses
fréquences, toute la théorie s’écroulait. Planck persévère et quelques mois plus tard, il introduit une nouvelle constante, h, appelée constante de Planck permettant de
« quantifier » la matière en laissant de coté l’approche classique continue à laquelle il était pourtant très attaché. Planck a fait l’hypothèse que l’énergie devait être quantifiée
pour expliquer le rayonnement du corps noir dans tous les cas, et cette hypothèse a tout simplement donnée naissance à la théorie des quanta de Planck en 1900 qui enfantera toute la
physique quantique !
par Benjamin Bradu
publié dans :
Science/Philo/Religion
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