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N’aidez pas votre prochain, il pourrait en rester quelque chose

Publié le 12 mai 2014 par H16

Avec l’aide de tous, la République du Bisounoursland progresse chaque jour. Bien sûr, cela demande régulièrement des efforts, quelques petits ajustements et l’inévitable coup de pelle derrière la nuque du récalcitrant, mais soyez assurés que ceci est pour le mieux. Et n’oubliez pas : dans cette République, par solidarité, vous serez obligé d’aider votre prochain, puis on vous châtiera. Aucune bonne action ne restera impunie.

Certains pensent ici que j’exagère. Ils ont raison. Il est évident que certaines actions charitables, si elles sont faites de façon suffisamment subtile et discrète, échapperont à une sanction. Mais pour les autres, ostentatoires donc méprisables, vous aurez ce que vous méritez. ‘ Fallait pas voter socialiste.

Egalité, Taxes, Bisous : République du Bisounoursland

Bien évidemment, cela va provoquer quelques soucis. Lors d’une situation tendue, ne pas aider votre prochain risque bel et bien de vous mettre en situation délicate. On se souvient du cas épineux relaté dans ces colonnes récemment d’une agression dans le métro lillois qui avait illustré de façon évidente que la société, toujours plus vilaine, méchante, ultralibérale et individualiste, n’avait plus ces réflexes d’antan permettant d’assurer la sécurité d’une femme poursuivie par les avances et les tripotages grossiers d’un poivrot envahissant. On se rappelle aussi qu’une frêle sénatrice avait découvert l’étrange apathie de ses semblables alors qu’elle se faisait gentiment dépouiller par un individu aussi louche que rapide à la course et que personne n’était venu à sa rescousse. Dure leçon de vie pour les Lillois, dure leçon de vie pour Laurence Rossignol : la société, la collectivité, le groupe, les gens (les autres) laissent parfois faire des choses sans broncher, tout de même, ma brave dame, c’est inouï, c’est scandaleux, c’est vraiment lamentable.

Où va-t-on si dans le pays qui a, à ce point, sanctuarisé le vivrensemble et le bisou républicain, on ne s’entraide plus les uns et les autres à coups d’associations lucratives sans but qui distribuent des bons points et des anathèmes pour bien remettre sur les rails de la pensée positive ceux qui auraient le malheur d’en sortir ? Où va-t-on ?

aider les autres
Eh bien apparemment, on va aux urgences. Parce que justement, lorsque l’individu se décide à agir, il lui arrive parfois quelques désagréments : aider peut provoquer des trous graves, qui nécessiteront ensuite des interventions chirurgicales, un suivi psychologique pour la victime, pour celui qui l’a aidé et évidemment pour l’agresseur, beaucoup, beaucoup de paperasse administrative et une difficulté supplémentaire pour faire croire à tous que la police fait son travail, que la sécurité dépend de l’État, et qu’il n’est jamais utile, voire qu’il est dangereux donc défendu d’avoir sur soi de quoi se défendre.

En vertu de quoi, lorsqu’une passante se fait agresser, n’allez pas bêtement vous faire trouer. Essayez, autant que faire se peut, de changer de trottoir, d’appeler la police avec votre téléphone portable en précisant qu’il y aura des donuts gratuits (ça aide à booster la motivation des forces de l’ordre, probablement), et filmez la scène. Ça ne servira probablement à rien pour l’enquête de police (celui qui agresse est déjà « défavorablement connu des services de police ») qui aura lieu après l’homicide, mais cela peut faire un joli buzz sur Youtube ensuite.

Mais surtout, aider, c’est rentrer dans le cadre complexe d’un contrat, probablement tacite mais bien réel, entre vous et la personne que vous aidez. Et ce contrat, même si vous ne le saviez pas, comporte de nombreuses clauses, est évidemment encadré par toute une myriade de lois toutes plus subtiles les unes que les autres qui font que, quoi qu’il arrive, vous allez prendre cher ensuite, si ce n’est pas de la main de l’agresseur, au moins de la main de la victime à laquelle vous portez secours.

Eh oui. Vous ne le saviez pas ? Rassurez-vous, certains, eux, le savent très bien et utilisent cette information à bon escient. C’est le cas par exemple de l’inénarrable MRAP (le mouvement contre une certaine forme de racisme et pour l’amitié entre certains peuples) qui aide actuellement un groupe de sans-abris dans leurs démarches juridiques visant à traîner en justice une association qui a eu l’imprudence de les aider et l’impudence de manquer de moyens ce faisant.

Que voulez-vous, il ne fallait pas laisser impunie une bonne action : cet hiver, l’association LAHSo avait eu la bonne idée d’héberger ces sans-abri en urgence dans un « village mobile » à Villeurbanne. Lorsque le centre a fermé à la fin de la trêve hivernale, l’association n’ayant proposé aucune solution alternative (quelle bande de salauds !), les SDF, aidés du MRAP, l’ont attaquée parce que bon, ça ne se fait pas d’aider ainsi à durée limitée !

aidez le mrap

Quelle joie de vivre en France ! Quel bonheur d’aider ainsi des SDF pour savoir qu’ensuite, eux et le MRAP se retourneront contre vous pour abandon ! Quel plaisir de comprendre que la loi est si bien faite qu’aucune aide, même temporaire, ne saura être fournie sans que d’importantes conséquences en soient tirées ! Les gentils, les généreux n’ont que trop frimé à la surface de la Terre ! Il y en a assez de ces gens qui jettent ainsi leur bonté et leur charité à la face de ceux qui manquent de tout, même de décence !

Heureusement que l’État et ses lois sont là. Sans lui, qui pourrait se retourner ainsi contre son bienfaiteur ? Et d’abord, qui distribue des droits imposés à la société toute entière, si ce n’est l’État ? Qui, si ce n’est l’État, a réussi à faire disparaître derrière des tonnes d’associations légalistes et fielleuses les proverbes de bon sens comme « à cheval donné on ne regarde pas les dents » ?

Grâce à lui, on est passé d’une société d’entraide et de charité à une société où les interactions individuelles sont toutes régulées, normées, balisées par la loi. Tout devient explicitement contractualisé, et chaque manquement de l’une ou l’autre partie peut et doit se terminer au tribunal. Les gentils, les généreux, les charitables doivent être écrasés. C’est fini, il n’y a plus de « gentlemen’s agreement » qui a été remplacé par une soupe monstrueuse de petits caractères et de notes en bas de page, d’alinéas touffus et de paragraphes serrés de clauses qui ne pourront se terminer, in fine, qu’en arguties juridiques insupportables et coûteuses.

le silence de la loi
Pire, à ce légalisme galopant (d’ailleurs très bien décrit dans Le Silence de la Loi, de Parren, aux Belles Lettres, que je recommande chaudement) qui pourrait n’être qu’un encombrement de plus dans les relations entre les individus s’ajoute maintenant les réclamations véhémentes de certains de ces individus justement soutenues par ces lois : après tout, si elles existent, autant les appliquer et réclamer alors goulument tout ce qu’on peut, tant qu’on peut, pour ne pas se sentir spolié de tous ses fameux droits ! Et tant pis si, dans la foulée, cela doit faire quelques dommages directs ou collatéraux ! Une association d’aide qui se retrouve poursuivie ? Bah, qu’importe : une autre se recréera aussi sec pour la remplacer, non ? De toute façon, l’argent ne manque pas, puisque c’est l’État qui paye, voyons…

On comprends bien que ce genre de raisonnement ne fonctionne qu’un temps. Au bout d’un moment, d’une part, les finances publiques ne suivent plus. Et d’autre part, les bonnes volontés s’étiolent. Et, comme dans le métro lillois ou devant les automates bancaires de Compiègne, les gens se lassent d’intervenir pour aider leurs prochains qui le leur rendront, bien violemment, au centuple et dans les gonades.

Tous, en réclamant toujours plus d’encadrement, toujours plus de droits, toujours plus d’interventions de l’État dans votre vie, vous avez réclamé ce qui vous arrive à présent. Les libéraux vous avaient prévenu, vous ne les avez pas écouté.

Ne venez pas vous plaindre.

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