Ladyland (anthologie de la littérature féminine américaine) chez les Editions 13e note
1ère de couverture "Ladyland" chez Editions 13e Note
Avant même de mettre le nez dans la poudreuse littéraire des ladylanders, on se délecte du bouquin et de ses airs subversifs : un dégradé de roses pétants enveloppe près de 500 pages qui s’annoncent décoiffantes. Certaines sont tatouées d’un noir intense et viril comme pour mettre les auteures du recueil sur leur trente et un. Culottée, la cuvée printemps 2014 des Editions 13e note ne fait pourtant pas dans la dentelle côté féminité.
Depuis sa création, la maison d’édition défend une ligne éditoriale survoltée en publiant des « auteurs extrêmes sous haute tension ». Des gueules cassées, couturées de références néo-beat, se réclamant de leur passion d’écrire. Manquait à cette fresque de losers magnifiques un versant féminin. En true detective de l’underground littéraire, Éric Vieljeux, directeur et fondateur des éditions, sillonne les routes en quête de bifurcations électrisantes. Sa découverte de l’anthologie de Rene Dietrich "How Dirty Girls Get Clean" lui met l’eau à la bouche et rapidement les mains dans le cambouis. « Ça faisait un moment qu’on avait envie de publier plus d’auteurs femmes qui auraient toute leur place dans notre catalogue », confie Adeline Regnault, l’énergique éditrice de 13e Note.
Loin de la chick lit (ces écœurants bonbons bien-pensant faussement subversifs), le projet éditorial Ladyland met en lumière l’underground littéraire féminin américain avec une vingtaine de femmes marginales et prolifiques brandissant leur volonté d’explorer des territoires multiples. Leurs thèmes de prédilection : prostitution, striptease, drogue, lesbianisme, guerre des sexes, amour et mort… Expériences intenses et anti-conformistes, donc. Pour une littérature toujours saisissante ? Pas sûr.
« Have you ever been to Electric Ladyland ? »
Si certaines ladylanders peuvent aller se rhabiller aussitôt lues, d’autres très en verve marquent l’esprit au fer rouge. Cette inégalité fait partie intégrante du projet, comme l’explique Adeline Regnault : « On n’a pas cherché à réunir le nec plus ultra du style, on avait plutôt envie de donner à voir une diversité d’écritures, dont certaines sont teintées d’un amateurisme revendiqué. » Lire de la littérature underground, c’est donc aussi savoir ouvrir en grand les portes de sa perception pour recueillir l’immédiateté d’une expérience, aussi déroutante soit-elle.
N’empêche. Sin Soracco met en scène "Des gens bien" et désarçonne son lecteur avec un tandem d’ex prisonnières bien décidées à ne pas se laisser abattre : si les arbres de la forêt où elles vivent ne leur sont pas encore tombés sur la tête, ce n’est pas un ridicule bourgeois opportuniste qui gâchera leur bonheur solitaire. Lisa Carver nous convainc que "La Drogue c’est cool" avec son écriture vive et hallucinée et nous invite à côtoyer les expériences les plus loufoques. Antonia Crane bouleverse avec force à travers le récit d’une prostituée qui tue sa mère malade pour qu’elle conserve sa dignité ; "Elle ne respire plus" et nous non plus. Mais aussi Cookie Mueller, Veronica Ghostwriter, Fiona Helmsey et Dana Johnson. Une poignée de nouvelles qu’on se met volontiers sous la dent et dont on a envie de découvrir les auteures un peu plus longuement.
Alors, future or no future pour toutes ces ladylanders ?
Finalement, peu importe. On traverse les 25 territoires de ces ladies rebelles en se disant qu’on en suivra certaines avec passion et qu’on en oubliera d’autres, mais surtout que pour une fois, ce n’est pas de la tarte à la crème qu’on nous aura servi en dessert sous la bannière « littérature féminine ».
Les auteures de "Ladyland"
Informations pratiques :
Titre : Ladyland, anthologie de littérature féminine américaine
Auteur : collectif
Éditeur : 13e Note
Traductrices : Ariane Bataille et Annie-France Mistral
Nombre de pages : 496
Prix : 24,95€