Il y avait eu cette exposition à la Maison européenne de la Photographie. Et le plaisir de cette lecture a conforté celui de la visite. Le Baiser de Judas, c’est la trahison qui désigne la vérité. En effet Jésus a dit : « Je suis la Vérité et la Vie ». Pour désigner la vérité, Judas trahit. C’est un peu ce que fait la photographie dont on a beaucoup dit qu’elle était l’empreinte de la réalité alors qu’elle s’en éloigne dès l’origine, et qu’elle s’en éloigne de plus en plus. Par les retouches, par exemple, on arrangeait les portraits bien avant que la numérisation les systématise. Par des constructions falsificatrices, par des fictions mises en scène… Parfois, comme c’est le cas avec Guernica, l’art est plus mobilisateur que le reportage pour témoigner d’un évènement : la toile de Picasso (qui n’a peut-être pas vu le village rasé par le bombardement) a eu plus d’impact qu’une photo qui aurait ressemblé à d’autres photos de villes détruites par des guerres. Pour illustrer un fait, les télévisions, les journaux n’hésitent pas à utiliser des photos approximatives ou manipulées quand ils n’ont pas accès aux documents directement liés à l’évènement. La manipulation n’est en soi ni morale ni immorale. « Ce qui est soumis au jugement moral, ce sont les critères ou les intentions qui guident la manipulation. » C’est pourquoi il est important d’apprendre à regarder les images, à se former un regard critique, permettant d’y voir ce qui est du jeu, du détournement, du mensonge, de la création artistique.