Selon un sondage publié le 7 mai et réalisé fin avril, 64% des Suisses vont voter contre. ©AFP
A l’initiative des syndicats et des partis de gauche, les Suisses vont voter le 18 mai prochain sur l’instauration d’un salaire minimum de 4 000 francs suisses (€3 300) bruts ou 22 CHF (€18) de l’heure, considéré comme un seuil incontournable dans un pays qui compte parmi les plus riches au monde. Ce salaire minimal, s’il est adopté, sera le plus élevé au monde.Depuis plusieurs semaines, le débat des partisans et opposants fait rage en Suisse, les prises de position apparaissant presque chaque jour pour condamner ou approuver l’initiative. Selon les derniers sondages, le texte, qui a pour but de donner "un salaire digne" aux quelque 330 000 personnes qui travaillent pour moins que ce montant en Suisse, a de fortes chances d’être massivement refusé par la population, craignant que de tels minima salariaux aboutissent à une hausse du chômage. Selon un sondage publié le 7 mai et réalisé fin avril, 64% des Suisses vont voter contre ce texte. 6% se déclarent indécis et 30% sont pour.
De nombreuses professions sont concernées par ce texte, comme les métiers de la vente, l’hôtellerie-restauration, l’agriculture, les métiers liés au nettoyage, la coiffure. "Un pays fort a besoin de salaires justes, et avec ce texte, c’en sera fini des employeurs qui poussent les salaires à la baisse", et qui font jouer la concurrence en menaçant d’embaucher des étrangers moins bien payés, indiquent les promoteurs du texte. Les opposants, soit le Conseil Fédéral (gouvernement), les partis de droite et les organisations patronales, et même un syndicat, celui des employés, clament haut et fort de leur côté que ce texte ne résoudra pas le problème du soutien des personnes à bas revenus. Pour le gouvernement, "ce salaire minimal exigé mettrait des emplois en danger et rendrait l’accès à la vie professionnelle encore plus difficile pour les personnes peu qualifiées et les jeunes".
Les milieux agricoles sont également farouchement opposés au texte. Dans l’agriculture, le salaire horaire moyen est de 15 frs suisses, et le texte du 18 mai inquiète beaucoup les milieux agricoles. Si le texte est adopté, le prix des fruits et légumes augmentera de 25%, pour financer la hausse des salaires, selon les organisations professionnelles, un montant inimaginable face à la concurrence des produits importés. En Suisse, le salaire minimum pour un collaborateur sans formation dans ce secteur est de 3 200 frs suisses, réglé par une convention collective de travail (CCT). Par rapport à l’étranger, ces conditions de travail sont bonnes et les salaires sont élevés, indiquent Fruit-Union et l’Union maraîchère, les deux organisations professionnelles du secteur. De nombreux ouvriers agricoles toucheraient même plus que leur patron, selon l’Union paysanne suisse. Le salaire moyen d’un agriculteur suisse, propriétaire de son exploitation est de 3600 CHF. "Nous avons le taux de chômage général et le taux de chômage des jeunes les plus bas d’Europe (3,2% et 3%) nous avons les salaires les plus élevés au monde, notre système est basé sur les conventions collectives de travail, et cela marche" a martelé Stéphanie Ruegsegger de la Fédération des entreprises romandes, qui représente 40 000 entreprises. Et l’adoption d’un salaire minimum de 4 000 CHF "casse le système", a-t-elle ajouté.
Dans l’Union Européenne, 21 pays sur 28 disposent d’un salaire minium légal. L’Allemagne l’appliquera en 2015. Des votes ont déjà eu lieu en Suisse, au niveau cantonal, sur l’adoption d’un salaire minimum. Le principe a été accepté dans les cantons de Neuchâtel et du Jura. Dans les cantons de Vaud et de Genève, il a été refusé. Le système de démocratie directe en Suisse permet d’organiser des référendums sur un texte donné pour autant que ses partisans aient obtenu le nombre de signataires prévus par la constitution. Pour un referendum au niveau fédéral, il faut 100 000 signatures.FG