La parité entre hommes et femme existe-t-elle vraiment ? Gravée dans le marbre de nos lois, rebattue à l’envi et brandie à tout va (par les hommes), la parité reste un vœux pieu. La condition de la femme évolue dans le bon sens. Désormais, elle vote, elle travaille, elle peut ouvrir un compte en banque sans l’aval de son mari ou être ministre voire présidente de la République.
Reste un domaine, celui de la rémunération, où l’égalité reste toute théorique. Une femme perçoit, en France, un salaire moins élevé qu’un homme, de l’ordre de 20 %. Nombreuses sont aujourd’hui les offres d’emploi où l’on demande au candidat ses prétentions. S’en suit une négociation entre lui et l’entreprise pour fixer un salaire en fonction des compétences…et du sexe. Une doctorante en psychologie suédoise, Una Gustafsson1 , a montré que les femmes étaient moins performantes que les hommes en terme de négociation salariale, comme le prétendent les stéréotypes en la matière.
L’inégalité salariale, phénomène génétique? Non, loin s’en faut. C’est en fait la faute aux stéréotypes eux-mêmes qui modifient la manière d’agir des groupes qui en sont la cible. Les psychologues parlent de menace du stéréotype (stereotype threat, en english). Ce phénomène a été mis en évidence en 1995 par Claude Steele et Joshua Aronson2, chercheurs à l’Université de Stanford, aux États-Unis. Ils se sont intéressés au stéréotype -en vogue outre Atlantique- selon lequel les noirs seraient moins intelligents que les blancs. Ils ont fait passer des tests d’évaluation à deux groupes d’étudiants composés de noirs et de blancs. Ils ont fait savoir au premier groupe qu’il s’agissait de tests d’intelligence. Au second, ils n’ont pas évoqué la notion d’intelligence mais ont seulement dit qu’il s’agissait de déterminer les mécanismes psychologiques mis en jeu dans la résolution de certains problèmes. Dans ce second groupe, dit “non diagnostique”, les résultats des noirs et des blancs ont été comparables. Alors que dans le premier, les noirs ont eu des résultats moins bons que ceux de leurs camarades blancs.
Ils ont ainsi démontré que l’existence d’un stéréotype induisait une pression psychologique supplémentaire chez les personnes ciblées par cette croyance quand l’évalutaion portait sur ce stéréotype. Pression supplémentaire qui interfère négativement avec leurs performances.
Una Gustafsson a réalisé une expérience comparable dans le cas du stéréotype qui veut que les femmes soient moins bonnes négociatrices que les hommes. Les femmes qui savaient que leur aptitude à négocier leur salaire était évaluée ont demandé comme salaire mensuel 325 $ de moins que les hommes et ont estimé leur salaire idéal à 1000 $ de moins. Quant à celles qui ne se savaient pas testées sur cette aptitude, elles ont demandé un salaire égal à celui des hommes.
Ce phénomène complexe a été mis en évidence dans de nombreuses situations, les femmes et les mathématiques, les personnes âgées et leur capacités mnésiques, ou encore les étrangers et le travail. Dans un document très clair sur le sujet, Fabrice Gabarrot, docteur en psychologie, estime que ce phénomène “risque de provoquer le désinvestissement des membres des catégories sociales stigmatisées dans les domaines d’application du stéréotype, expliquant alors un échec scolaire prépondérant chez des individus faisant partie de groupes sociaux particuliers.” Ce qui pose la “question fondamentale (…) de l’origine des différences entre groupes sociaux en montrant un impact important de la société sur les performances des individus.”
1 Gustafsson U. (2008). Why women ask for less salary than men: Mediation of stereotype threat in salary negotiations. Elle soutiendra publiquement sa thèse le 29 mai.
2 Steele, C. M., & Aronson, J. (1995). Stereotype threat and the intellectual test performance
of african americans. Journal of Personality and Social Psychology, 69, 797-811.