Que vous soyez directeur juridique, chef d'entreprise, maire, président d'association ou particuliers, vous êtes nombreux à vous interroger sur les honoraires de l'avocat alors que vous vous apprêtez à lui confier un dossier. Voici quelques informations et réflexions sur ce que vous devez savoir à ce sujet.
1. S'informer
N'hésitez jamais à adresser toutes vos questions à votre avocat sur ses conditions d'intervention et ses honoraires. Il vaut toujours mieux bien traiter ce point au départ qu'en cours de route.
Un avocat ne peut pas adresser de note d’honoraires à son client tant qu’il ne l’a pas dûment et précisément informé de la manière dont il fixe ses honoraires et tant qu’il n’a pas obtenu l’accord de son client sur la méthode proposée. L’avocat doit conserver la preuve de cette explication : après avoir présenté les différentes manières de fixer les honoraires d’un avocat, le client doit être informé de la méthode retenue et des motifs pour lesquels elle l’est.
Comme nombre de confrères, je remets dès le premier contact – téléphonique, par courriel ou au cabinet – à tout nouveau client ou prospect, une note détaillée d’information sur les conditions d’intervention du cabinet, laquelle expose notamment les différentes méthodes de facturation des honoraires.
Après identification du besoin du client, cette note est doublée d’une proposition d’intervention qui décrit le type de diligences à accomplir (consultation, recours, référé, négociation, commentaire en mode révision d’un projet de contrat etc…) la méthode de facturation proposée, le calendrier d’instruction du dossier, le nom du collaborateur responsable, les réserves éventuelles, etc..
Une autre manière de procéder, complémentaire ou non, est la convention d’honoraires signée des deux parties. Il s’agit d’un contrat entre l’avocat et son client (particulier, collectivité, entreprise..) qui a pour vocation d’informer le client, de définir les modalités de la mission d’assistance juridique à réaliser (objet, calendrier..) et les honoraires à prévoir.
2. Les différents modes de facturation des honoraires
Il convient de distinguer le montant des honoraires de leur mode de facturation. Les honoraires de l’avocat peuvent être fixés de plusieurs manières dont voici les principales.
Aux temps passés : Après vous avoir informé de son taux horaire, l’avocat vous adressera un relevé détaillé des temps passés sur votre dossier. Cette méthode est préconisée et parfois la seule envisageable quand il est impossible d’évaluer par avance le temps à consacrer à un dossier. C’est une méthode également utilisée par des clients qui souhaitent bénéficier d’une totale disponibilité de l’avocat. Cette méthode de facturation était de principe, surtout pour les entreprises. Elle tend à devenir une exception, surtout avec les grandes entreprises qui ont de plus en plus recours au forfait ou "bon de commande".
Au forfait : pour un nombre prédéterminé de diligences à accomplir, l’avocat propose un devis d’honoraires bloqué à son client. Ce dernier n’aura donc aucune surprise. C’est une méthode de plus en plus réclamée, en ces temps de conjoncture économique difficile. Inconvénient : c’est une méthode qui amène l’avocat et son client à reparler régulièrement des honoraires dès que les diligences forfaitisées ont été accomplies. Le forfait est parfois appelé « devis avec un plafond maximun ». Il s’agit en réalité d’un forfait appelé autrement.
Au résultat : Le forfait peut être complété par un honoraire de résultat. Toutefois, l’avocat doit toujours prévoir un honoraire de moyen qui constitue sa rémunération principale. L’honoraire de résultat, perçu sous la forme d’un pourcentage sur une somme obtenue en fin de dossier ne peut constituer la seule rémunération de l’avocat (interdiction du « pacte de quota litis »). Il ne s’agira que d’un complément.
Au devis estimatif. Sans s’engager sur un montant maximal, l’avocat présente un devis estimatif à son client, susceptible donc d’être dépassé sur justification. La formule représente un compromis entre la prévisibilité et la souplesse des honoraires. Elle est par exemple à utiliser lorsque certaines diligences, mais pas toutes, peuvent être évaluées par avance.
L’abonnement. Lorsque le service juridique d’une entreprise ou d’une collectivité peut évaluer le nombre des dossiers ou le nombre des diligences qu’il convient de confier chaque année à un avocat, la formule de l’abonnement peut être une bonne solution. Toutefois, cet exercice d’anticipation est souvent délicat.
Rappelons une évidence : un devis d’honoraires trop bas n’est pas un bon devis d’honoraires. Si vous souhaitez que votre avocat soit disponible, qu’il ne sous traite pas votre dossier à un stagiaire ou à un étudiant en droit qu’il consacre le temps nécessaire à vous défendre dans un délai raisonnable : cela à un coût. Dans l'autre sens, un devis d’honoraires trop élevé est facile à repérer : il est vague et non justifié.
2. Le temps et les honoraires
L'avocat est en droit d'adresser à son client une note d'honoraires à titre de "provision", avant de commencer à traiter son dossier. Cette provision sur honoraires permet au cabinet de couvrir immédiatement le coût des premières "diligences" (prestations) à réaliser. La provision peut aussi permettre à l'avocat d'être certain d'être réglé vis à vis, par exemple, d'un client qui a la réputation de ne pas honorer ses notes d'honoraires.
Une fois l'instruction du dossier en cours, l'avocat peut, généralement, vous indiquer à quels moments il entend facturer ses honoraires.
3. Ne pas être soi-même à l'origine d'un devis d'honoraires élevé
Paradoxalement, c'est parfois le client lui-même qui est à l'origine d'un devis d'honoraires qu'il juge ensuite très ou trop élevé. D'une certaine manière vous pouvez aider votre avocat ou futur avocat à régler au meilleur niveau le montant du forfait qu'il va vous proposer.
Ayez bien présent à l'esprit que l'important est que votre avocat consacre du temps à instruire votre dossier au fond : à effectuer des recherches de textes et de jurisprudence, à réfléchir, à rédiger. Déchargez-le au maximun de toutes les tâches accessoires qui prennent beaucoup de temps, coûtent cher alors qu'elles n'amélioreront pas la qualité de traitement de votre dossier.
Voici quelques exemples de bonnes pratiques qui permettront à votre avocat de gagner du temps et à de vous proposer un devis d'honoraires bien adapté.
Réduisez le temps consacré à des tâches accessoires : téléphone, correspondances.. Si vous recherchez un avocat en tant que dirigeant d'entreprise ou en tant que président d'une association, proposez lui de réduire le temps consacré à des tâches accessoires comme celui passé au téléphone en désignant, par exemple, un interlocuteur unique.
Les avocats qui défendent des personnes morales, par exemple des associations, peuvent craindre que tous les adhérents de ladite association soient tentés de l'appeler, de lui écrire, parfois pour des sujets sans rapport avec l'objet collectif de l'association. Idem pour les entreprises, a fortiori celles dépourvues de service juridique : ce sont parfois plusieurs responsables, plusieurs services qui vont appeler le cabinet pour poser la même question. Autant de temps perdu pour l'avocat. Autant d'honoraires qui pourraient être économisés. En assurant à votre avocat que le flux des appels téléphoniques et des courriels ne sera pas trop important, vous l'aidez également à mieux définir ses honoraires.
Préparez un dossier complet et bien rangé. L'avocat est un spécialiste du droit, pas un détective. Lorsqu'il reçoit des clients, son premier souci est le temps à consacrer pour, simplement, disposer des pièces du dossier, les ranger avant même de les étudier. Certains clients viennent au cabinet les mains vides et l'avocat devra alors consacrer un temps considérable à recherches les documents dont il a besoin. Ce temps sera, soit facturé au client, soit du temps pour le traitement au fond du dossier. Si vous souhaitez que l'avocat relise votre dossier de permis de construire, pensez à le réclamer à votre architecte avant de prendre rendez-vous. Si vous souhaitez attaquer la révision du Plan local d'urbanisme décidée par votre Commune : allez rechercher les pièces en Mairie. Si vous souhaitez que votre avocat vous défende contre le recours déposé par une association : apportez lui le recours et toutes ses pièces jointes. Si vous entendez contester une résolution de l'Assemblée générale des co-propriétaires de l'immeuble : apportez cette résolution, le projet de résolution, la lettre d'envoi et la compte rendu établis par le syndic, etc etc...
Plus vous apporterez de pièces, moins votre avocat perdra de temps à les rechercher. Plus vous rangerez vous même vos pièces (dans un classeur à intercalaires par exemple ou dans un répertoire informatique bien ordonné en sous répertoires et fichiers), moins votre avocat ne perdra de temps ranger. Enfin, gardez vos originaux et ne remettez que des copies à votre avocat, sauf demande contraire.
Exposez clairement votre besoin. N'hésitez pas à remettre une note écrite à votre avocat qui détaille : d'une part l'histoire de votre dossier et les motifs pour lesquels vous consultez, d'autre part, les questions précises auxquelles vous souhaitez avoir des réponses concrètes. Le temps que vous consacrerez à rédiger cette note sera autant de temps économisé par l'avocat qui n'aura pas à tenter de comprendre ou de deviner le motif exact pour lequel vous venez le voir.
Par ailleurs, rappelez vous : votre avocat est gardien du secret professionnel et il importe de tout lui dire. Tenter d'orienter son analyse en ne lui révélant qu'une partie des faits ne sert à rien sauf perdre du temps.
Ne saisissez pas un avocat au dernier moment. Plus vous saisirez un avocat au dernier moment, plus les conditions de traitement de votre dossier seront complexes, plus les honoraires risquent de s'élever pour ce seul motif. Vous souhaitez attaquer un permis de construire ? Allez voir un avocat dés que vous êtes informé de la demande de permis de construire et pas au terme du délai de recours de deux mois. Vous êtes convoqué devant un Juge ? Appelez immédiatement un avocat, pas la veille ou le jour de l'audience. Plus vous attendrez et plus votre avocat devra intervenir dans l'urgence, réorganiser à la hâte le traitement des dossiers dans son cabinet, refuser peut-être un autre dossier, finir tard le soir, revenir le week-end, annuler un rendez-vous ou un déplacement etc... Saisir le plus tôt possible un avocat c'est l'un des meilleurs conseil à vous donner.
Répondez le plus vite possible aux questions posées par votre avocat. Si vous tardez à répondre à une question posée par votre avocat, à lui adresser le document dont il a besoin, à retourner son appel : l'avocat sera contraint de suspendre l'instruction de votre dossier, de passer à un autre, de revenir au vôtre lorsque vous aurez répondu. Tout ceci à un coût. Pour votre prochain dossier, nul doute que l'avocat tiendra compte de la facilité de travailler avec tel service juridique ou telle personne qui est toujours disponible et réagit rapidement. Un avocat est d'autant plus efficace que son client l'est !
Ne changez pas tout le temps d'avocat. Chaque personne a une liberté absolue dans le choix de son avocat. Toutefois, changer d'avocat à la moindre difficulté rencontrée avec celui que l'on a déjà choisi n'est pas une bonne idée. Votre nouvel avocat ne pourra prendre la suite du premier qu'après avoir respecté des formalités dites de "succession d'avocats" qui sont précisément définies par notre déontologie professionnelle. Et votre nouvel avocat vous facturera toutes les diligences relatives à l'étude de votre dossier qui vous auront déjà été facturée par votre précédent conseil.
Ne focalisez pas sur le temps passé. Nombre de clients n'évaluent la pertinence des honoraires demandés qu'au regard du temps consacré au dossier par l'avocat. La mesure du temps est en passe de devenir la mesure de toute chose. C'est une erreur. L'idée géniale peut parfois éclore en quelques secondes dans le cerveau d'un avocat, dans le métro ou en vélo, et faire gagner des millions d'euros à son client. A l'inverse, il est possible de dormir des heures sur un clavier d'ordinateur sans rien produire. C'est donc la qualité du travail qui doit être évaluée par un client : pas sa quantité. J'avoue être toujours perplexe de voir de grandes entreprises faire appel à des agences de "cost killers" ("tueurs de coûts") dont le seul but est de faire baisser le nombre d'heures travaillées au sein du cabinet. Rappelez vous que 300 euros, c'est très cher pour un travail bâclé. Tout est donc relatif.
La focalisation sur les temps passés entraîne d'autres erreurs d'appréciation. Certains avocats n'hésitent pas à afficher des taux horaires à 75€HT/heure dans leurs réponses à des appels d'offres ou appels à projet. Un taux fort bas pour un associé et pour des dossiers parfois très techniques. Un taux qui ne veut surtout rien dire : l'avocat qui affiche un tel taux peut se rattraper en affichant de très nombreuses heures de travail au compteur.
Payez rapidement les notes d'honoraires. Les finances d'un cabinet comme celles de toute entreprise peuvent être fragilisées par des retards de règlement des notes d'honoraires émises. Ces retards ont un coût. Le temps consacré à relancer les clients, à les appeler et parfois à engager des procédures de recouvrement peut-être considérable. Or, plus l'avocat craindra n'être pas payé à réception de sa note d'honoraires, plus il sera contraint, au prochain dossier, d'anticiper les coûts à venir au moment de définir le montant de ses honoraires.
Arnaud Gossement / avocat associé
Selarl Gossement avocats