Pourquoi ne l'aime-t-il pas ? Parce que c'est elle, parce que c'est lui : à cause de préjugés.
Il ne lui reproche pas sa frivolité, qui lui fait perdre en profondeur ce qu'elle gagne en légèreté (comme un sifflement allègre pour tromper l'ennui qui l'étouffe). Ce qu'il lui reproche, c'est ni plus ni moins d'être née bourgeoise. Gide avait refusé le manuscrit de Proust, trop rive droite, trop snob : ici, c'est pareil. Didier Jacob est réputé pour sa mauvaise foi et ses jugements péremptoires (on pose souvent au juge péremptoire en croyant se doter d'une personnalité : on ne fait qu'embrasser les préjugés avec lesquels on est né). Il nous livre ici un procès d'intentions, et surtout, ce reproche aberrant :
« Chez Sagan, ce ne sont pas les pauvres qui angoissent. Ce sont les autres, parce qu'ils aiment Brahms : faut qu'ils aillent au concert. Ca finit par faire des frais. Alors que les pauvres. Ils aiment simplement. Ils ne se cassent pas la tête à se faire tromper par la bourgeoise. On ne les voit pas, de toutes les manières. »
Il manque aussi les hémiplégiques qui gagent des courses en fauteuil roulant, les immigrés clandestins, les femmes battues... enfin tous ces sujets qui sentent le mélo politiquement correct. Peut-on sincèrement juger une œuvre pour ce qu'elle n'est pas ?
Un roman n'est pas la représentation proportionnelle d'une société, c'est la transpiration d'une obsession : chez Sagan, l'ennui, partant les plaisirs pour le tromper. Et je vais vous dire, c'est mieux que chez certains.