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Une semaine dans le Bordelais (Bonus track) : Château Mangot

Par Eric Bernardin

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Yann Todeschini m'avait contacté par Facebook pour me féliciter de mon livre consacré à l'appellation Saint-Emilion. Je lui avais alors proposé de passer à son domaine, le château Mangot, lors de mon prochain passage dans la région. 

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Ainsi, le lendemain de cette belle soirée franco-belge à Troplong-Mondot, me suis-je rendu à Saint-Etienne de Lisse. Je connais plutôt bien le secteur, puisque trois des domaines étudiés dans mon livre sont voisins de Mangot : Faugères, Pressac et Valandraud. Et c'est vrai que j'étais passé plein de fois devant en me disant : il faudra que je m'y arrête. Eh bien, c'est fait.

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Architecturalement, c'est surprenant, on va dire, car l'on retrouve des styles assez différents. Et le plus surprenant reste à venir. En passant derrière les arbres, l'on découvre ceci, qui jette tout de suite un peu plus (et que les visiteurs ne peuvent pas voir) : 

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Même s'il fait très XVIIIème siècle, ce château date de 1890, période ou le château Mangot est reconnu au niveau international pour la qualité de ses vins. Mais ce Mangot là, morcelé au fil des ans, n'est plus qu'une partie du domaine existant depuis le XVIème siècle. Les grands parents maternels de Karl et Yann, Simone et Jean Petit, vont passer leur vie à le reconstituer.

Ils se lancent dans l'aventure en 1954, deux ans après leur mariage. Au départ, ils n'achètent que quelques hectares du château de Lisse, dont les bâtiments jouxtent le château ci-dessus, et les vignes appartenaient autrefois à Mangot. Pour compléter les revenus, Jean Petit fait des labours avec son boeuf dans les domaines aux alentours (et plus tard avec un tracteur). En 1975, ils achètent la propriété Bardoulet dit "bourdieu de Mangot", et deux ans plus tard, prend en fermage le château la Brande en Côtes de Castillon (acheté en 1983).

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Les trois générations : Jean, Yann, Jean-Guy et Karl (photo site domaine)

En 1981, leur fille Anne-Marie épouse Jean-Guy Todeschini, entrepreneur en travaux publics. Elle travaille à plein temps sur les domaines familiaux, aidée par l'époux de sa soeur, Didier Parrot. En 1985, enfin, le château Mangot est acheté, et retrouve ainsi son unité originelle (37 ha aujourd'hui).

En 1989, Anne-Marie et Jean-Guy reprennent le domaine, même si ce dernier conservera et dirigera son entreprise jusqu'en 1995. En 1998, de grands travaux de restructuration du vignoble sont entrepris, dont l'aménagement des terrasses, sous l'oeil attentif de l'INAO. En 2000, c'est au tour des bâtiments : l'idée est d'agrandir l'espace de travail tout en préservant les constructions existantes.

Enfin, en 2008, après une double formation agronomique/œnologique et des expériences internationales, Karl et Yann intègrent l'équipe du domaine. Dès la première année , ils créent une nouvelle cuvée ambitieuse : Todeschini.

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Juste avant d'arriver au domaine, je me suis aperçu que la batterie de mon appareil photo était à plat. Toutes les photos ont donc été prises avec mon smartphone Archos (et je suis sacrément impressionné par leur qualité). Yann me fait faire le tour domaine avec son break 4X4, et ce n'est vraiment pas pour la frime : nous sommes passés par des sentiers étroits et pentus que je n'aurais pas osé prendre avec ma voiture. 

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Il y a en effet un sacré dénivelé : 44 mètres, l'altitude du domaine variant entre 45 et 89 mètres. De ce fait, les terroirs sont très divers : pieds de côte, coteaux, terrasses, plateau, avec des expositions variées, et une belle variation sur l'argilo-calcaire, avec parfois des argiles profondes, d'autres fois des calcaires affleurants. L'ensemble forme un amphithéâtre offrant une grande diversité d'expositions.

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Nous sommes ici sur la "ceinture méditerranéenne" que l'on retrouve plus ou moins à la même altitude sur l'ensemble de l'appellation : la flore y est très différente : lavande sauvage, chênes verts... Un patrimoine naturel qui est non seulement protégé, mais soigneusement entretenu.

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Comme le soulignait il y peu Corinne Comme dans son blog, les désherbants font un retour en force en ce printemps 2014. Saint-Emilion n'y échappe pas. Ce n'est pas le cas ici où ils sont proscrits depuis plusieurs années, remplacés par un travail des sols. Les amendements sont uniquement organiques, complétés par des semis végétaux (céréales, légumineuses...). Le suivi est assuré par Jean-Pierre Cousinié, un spécialiste en la matière qui conseille des GCC voisins. La protection phyto-sanitaire est très proche du bio, avec une volonté de faire le moins de traitements possibles (3 kg/ha de soufre par an en moyenne entre 2008 et 2012). 

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Le cuvier inox est complété par l'ancien en béton. L'ensemble des contenants permet de faire des vinifications parcellaires adaptées à chaque lot. Ceux-ci seront maintenus durant l'élevage, l'assemblage n'ayant lieu que peu de temps avant la mise en bouteilles. Les méthodes de vinification sont classiques (remontages, température de 28-30 °), l'idée étant d'extraire juste ce qu'il faut, sans concentration excessive. 

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Comme dans de nombreuses propriétés bordelaises, il y a un chai de 1ère et un chai de 2nde année. Ici, c'est celui de 1ère année, contenant tous les lots de 2013 (parfaitement répertoriés sur une infographie qui permet de les retrouver instantanément). Contrairement à beaucoup, Yann est très satisfait de sont millésime : les rendements sont bons, et la qualité est là. Nous avons dégusté une quinzaine de lots, et c'est vrai que j'ai été impressionné par la qualité générale : un très beau fruit, de la finesse sans être trop léger, beaucoup de fraîcheur. Après, il faudra bien sûr voir ce que cela donne en fin d'élevage, mais je ne suis pas trop inquiet.

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J'ai ensuite découvert l'ensemble de la gamme. Je serai assez bref, car je n'ai pas pris de notes...

Le rosé LB a été inventé par Karl et Yann car ils étaient frustrés de ne pas produire de vin blanc. Ils ont donc fait un rosé en pressée directe, avec des raisins ayant encore une belle acidité, obtenant un vin pur et cristallin, sans le côté fruité des clairets bordelais. Bu dans un verre noir, il pourrait passer pour un blanc sec.

J'ai bien aimé aussi le Château de Brande (Castillon), particulièrement le 2010. On est dans un style de Bordeaux classique, très peu boisé, avec du fruit et de la fraîcheur, et des tannins trè souples.

Sur les deux millésimes de Château Mangot, j'ai aussi préféré le 2010. Il y a bien sûr un effet millésime, mais cela provient aussi du travail de plus en plus pointu à la vigne comme au chai. 

Quintessence est issu à 100 % d'une vieille vigne de Merlot (dont des francs de pied), vinifié et élevé en barriques (ce que l'on appelle la vinification intégrale). J'avoue avoir moins accroché. C'est trop "moderne" pour moi.

Todeschini est un hommage aux plus beaux Cabernets de la propriété (40 % Franc et 30 %Sauvignon), complété par 30 % de Merlot, également en vinification intégrale. C'est un assemblage unique dans le Bordelais, même si Figeac s'en approche (1/3 de chaque cépage). J'ai été impressionné par la texture douce étonnante pour une dominante Cabernet, même si la droiture qui leur est propre est bien là. Là aussi, je trouve que le boisé est un peu trop marqué (quoique mieux fondu que dans Quintessence, et c'est bien dommage, car il y a une p... de matière derrière. Je rêverais de la même chose sans bois (même si ça ne serait forcément pas la même chose...)

Ceci dit, je pense que le style est en train d'évoluer dans les derniers millésimes dans un sens qui me plaît bien. Je suivrai cela avec beaucoup d'attention.

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Merci à Yann pour l'accueil !



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